« Profession bibliothécaire »

J’achève la lecture du court ouvrage de Guylaine Beaudry, Profession bibliothécaire, paru aux Presses universitaires de Montréal. Il décrit une approche du métier dont, me semble-t-il, nous devrions nous inspirer  plus souvent. 
La bibliothéconomie est d’emblée remise à sa place, c’est une pratique, en aucun cas une science. Elle est rattachée aux sciences de l’information dont elle s’inspire pour améliorer ses services. Après avoir décrit le champ des sciences de l’information, Guylaine Beaudry aborde la question du numérique dont, écrit-elle, nous ne « sommes qu’à l’âge de pierre. Jusqu’à maintenant, nous n’avons réalisé qu’une simple translation de l’imprimé au numérique. Tout est encore à faire. »
Dans le chapitre « Les bibliothèques : lieux de liberté », la bibliothèque est décrite comme « lieu d’accumulation de livres », mais surtout comme un endroit de « mise en relation » des textes entre eux : « l’accumulation de livres est génératrice de sens et, selon la jolie formule de Christian Jacob, elle fait reculer les frontières du temps et de l’espace ». La bibliothèque est aussi considérée comme « un moyen d’externalisation de la mémoire » puisque les besoins de mémorisation se sont atténués depuis l’invention de l’écriture (et non pas de l’internet, ajouterais-je pour répondre aux esprits chagrin !). J’aime beaucoup le passage qui suit qui me semble constituer une définition aussi jolie que juste de la bibliothèque d’aujourd’hui, tant physique que numérique :

« Pour reprendre la belle expression de Robert Damien, développée par Michel Melot, la bibliothèque est le « lieu des liens ». Lire, c’est entrer en dialogue avec soi-même ainsi qu’avec les auteurs, morts ou vivants. C’est entrer en communication avec l’humanité dans ce qu’elle a produit de culture, de sciences et de connaissances. »

Guylaine Beaudry lie étroitement les missions des bibliothèques et la notion de bien commun. Voici la définition qu’elle donne de cette notion :

« Parce qu’elles sont centrales à la mission des bibliothèques, arrêtons-nous un instant sur les notions de service public et de bien commun.Le bien commun n’est pas une collection de biens individuels. Il n’est pas non plus à possession et à usage exclusifs. Il relève de l’intérêt général et exprime la solidarité qui se manifeste dans une collectivité. Au-delà des besoins de base qui consistent à se nourrir, à se loger, à se soigner et à s’éduquer — et auxquels le bien commun participe —, les dimensions de l’accès à la culture, aux connaissances et à l’information y sont aussi intégrées pour permettre le développement et l’épanouissement des personnes. La consommation d’un bien commun par une personne ne diminue en rien sa valeur aux yeux des autres. En outre, le bien commun est accessible gratuitement et personne ne peut en être exclu. Il vise le bien-être du groupe par opposition aux intérêts d’un individu ou d’un groupe en particulier. »

Et de conclure que les bibliothèques « participent à la constitution et au partage d’un bien commun  En elles-mêmes, elles sont un bien public. » Vous êtes convaincus ? Cliquez ici 😉

Du côté des BU, ce que j’ai lu m’a fait tout simplement rêver :

« Une autre caractéristique distingue ces dernières, cette fois-ci par le statut des bibliothécaires, particulièrement dans les milieux anglophones, où ils sont considérés comme faisant parti du corps professoral. Cela implique pour ces bibliothécaires de mener des activités de recherche dans leur domaine. Les bibliothécaires des milieux de l’éducation travaillent souvent à l’extérieur des murs de la bibliothèque, soit par leurs enseignements en salle de classe, soit par leur présence dans les laboratoires de recherche. »

C’est très curieux comme à la lecture d’un tel paragraphe, vous pensez instamment mise en disponibilité, visa de travail, billets d’avion, etc. quand votre quotidien est si singulièrement différent de ce que vous voyez décrit ici….

En continuant la lecture, on apprend que le Québec protège depuis 1979 son réseau de librairies par une loi sur le développement des entreprises québécoises sur le domaine du livre. Celle-ci oblige les bibliothécaires à faire leurs acquisitions dans les librairies de la région. Là encore, doux rêve de l’acquéreur qui a souvent envie d’aller échanger avec la librairie spécialisée de sa ville, mais qui ne le fait pas sachant qu’on ne lui achètera rien (pour les non-bibliothécaires, en France les achats sont régis par des marchés publics, très souvent remportés par des grandes centrales de vente).

Décrivant les nombreuses facettes du métier, l’auteur estime qu’il est nécessaire au bibliothécaire de posséder des « notions de sociologie et de psychologie […] pour comprendre la nature et les besoins des usagers. » Là encore, il m’a semblé que nous en étions très loin.

Enfin, « le bibliothécaire, lit-on, doit être féru de technologies, devenir un utilisateur habile des outils informatiques et un expert des formats d’encodage des publications numériques ».

« Être bibliothécaire, conclut Guylaine Beaudry, c’est servir l’intérêt du public et du bien commun, et favoriser l’intérêt de la collectivité. » J’ajouterai impertinemment, être bibliothécaire, ce n’est pas s’abriter derrière le catalogage !

1 Commentaire

  1. La belle définition de la bibliothèque comme « lieu de liens » par Michel Melot, citée par Robert Damien, peut, si l’on se base sur la double étymologie de religion (relire et relier), tout à fait convenir également à une église (ou tout autre lieu de culte) : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tymologie_de_religion Lieu de « dialogue avec soi-même ainsi qu’avec les […] morts ou [les] vivants », la bibliothèque serait-elle tout autant lieu de culte que de culture ?
    Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? En tout cas, la métaphore de la bibliothèque comme temple du savoir a encore de beaux jours. 🙂

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