Reims : le bilan

Comme les compte-rendus que j’ai rédigés se trouvant sur le blog du Congrès, je peux me permettre de vous livrer mes impressions de ces trois jours sur liberlibri. D’ordinaire, quand j’écris un compte-rendu, je ne m’autorise pas à y glisser des réflexions personnelles. Disons que, pour bien faire, je devrais publier mes notes, suivies de mes remarques. C’est sans compter ma tendance à la procrastination…

Et Reims alors ? Trois journées somme toute assez riches, autant par les conférences que par les échanges avec les hybrides que j’ai eu beaucoup de plaisir à rencontrer.

En premier lieu, je voudrais revenir sur ma déception d’avoir entendu – encore – un discours critique et convenu d’internet. Je ne dis pas qu’il est faux, loin de là, je souscris d’ailleurs à nombre d’analyses. Toutefois, était-il vraiment utile de le servir à un public qui ne le connaît que trop ? Ne risque-t-on pas d’achever de le rendre carrément hostile au web ? Tout progrès comporte son lot de risques et les potentialités d’internet pour les bibliothèques sont trop souvent occultées par l’exposé des dangers, ce que je regrette. Heureusement que le stand Bibliothèques hybrides était là pour la positive attitude !

Le stand a suscité un intérêt que je n’aurais pas imaginé, nous avons eu du monde en permanence et les quelques chaises prévues pour les sessions ne suffisaient pas. Les personnes qui sont venues à nous avaient pour la plupart une connaissance sommaire des outils mais nous avons vu aussi quelques néophytes. Tous se sont montrés très intéressés, voire surpris de la simplicité de ce que nous leur faisions découvrir. Netvibes a remporté le plus gros succès en terme d’audience et d’intérêt.

J’ai quand même eu une discussion sur la veille assez surprenante avec une congressiste. Cette personne me disait que le principal frein à la veille de la part de ses collègues était le fait de pouvoir dégager du temps. Il est vrai, ai-je avoué, que j’y passe pas mal de soirées. Toutefois, je lui proposais de leur signaler l’univers de Bibliobsession, clé en main, mis à jour et bien classé. Mais, m’a-t-elle répondu consternée, ça ne passera jamais. Il faudrait pour cela qu’ils veuillent bien lire le choix des autres et c’est comme pour la récupération des notices, ça ne va pas être accepté ! Et moi d’ouvrir des yeux ronds et de ne pas comprendre cette rigidité à l’égard du travail collaboratif…

Ce qui m’a le plus frappée à Reims, c’est l’intervention de Francine Egger-Sider, bibliothécaire du Collège universitaire de La Guardia (University of New York) qui a montré un pan du métier qui n’est pas encore très développée dans l’hexagone. Sans être une atlantiste échevelée, la présentation de cette bibliothèque m’a ouvert des perspectives vraiment passionnantes.

Chaque semestre, les bibliothécaires de La Guardia dispensent des cours sur la recherche documentaire et la recherche sur internet. Jusque là, rien de bien nouveau. Ce qui est notable par contre, c’est le fait que les bibliothécaires et les enseignants sont considérés comme des égaux. Ils ont les mêmes salaires et mènent tous une activité de recherche. Ils sont surtout jugés selon les mêmes critères (publier ou périr). Ainsi, Francine Egger-Sider est l’auteur de plusieurs articles sur le web invisible. Autre point remarquable, la bibliothèque de La Guardia constitue l’un des 12 départements académiques et les cours de maîtrise de l’information apparaissent dans les programmes au même titre que les autres. La bibliothèque est donc entièrement intégrée dans le cursus scolaire des étudiants. (Le compte-rendu complet se trouve sur le blog du congrès)

Cela m’a fait penser que les documentalistes du secondaire ont dû se battre longtemps pour être reconnus comme des porfesseurs-documentalistes, considérant que leur activité de formation à la recherche documentaire est une priorité. Alors à quand une vision moins technicisite de notre métier et des enseignants-chercheurs-bibliothécaires ?

7 Commentaires

  1. Effectivement le discours de la doxa semblait s’accorder sur la nécessité de prudence, de prévention, voire de défiance. Comme si certains intervenants avaient choisi de ne pas heurter et de s’adapter aux attentes présupposées des congressistes. Comme tu le signales justement, le succès du stand a révélé au contraire de curiosité, de l’intérêt, avec de la bienveillance.

    Francine Egger-Sider est une dame très agréable, passionnée et énergique. Risu et moi avons eu la chance d’échanger avec elle sur le stand des zybrides. On a parlé notamment Myspace et bibliothèques. ça me fait penser qu’il faut que je lui envoie un mail. Je n’ai pas assisté à son intervention. Elle a laissé un document de présentation ?
    nicolas

  2. Sur la prudence/défiance à l’égard d’Internet (dans le thème du congrès : sur les pratiques des adolescents) : je ne suis pas sûr que des intervenants aient voulu s’adapter aux attentes des congressistes, je pense plutôt qu’ils correspondaient à cette attente. Mais tout ce qui conforte trop un public de bibliothécaires dans l’idée d’une supériorité de l’ordre du livre (pour parler comme Patrick Bazin) me semble dangereux car n’aide pas à comprendre le monde qui vient.

    Sur la résistance à la coopération : c’est ce que j’ai appelé « l’appropriation symbolique » (http://bbf.enssib.fr/sdx/BBF/pdf/bbf-2005-3/bbf-2005-03-0030-005.pdf)
    « Nous entendons mettre le monde à la portée de nos usagers mais à condition que nous l’ayons nous-mêmes sélectionné et décrit ; il n’y a de sens que reformulé par nous, d’où la considérable difficulté à laquelle se heurtent les projets de partage documentaire et d’acquisition concertée, l’investissement démesuré sur l’indexation matière et l’étonnante survivance du catalogage local […] »

    Merci pour vos comptes rendus !

  3. @Nicolas : oui, elle a laissé un document de présentation qui est en ligne sur le blog ABF.

    @DLahary : merci pour ces liens que je vais regarder très vite 🙂

  4. « Comme si certains intervenants avaient choisi de ne pas heurter et de s’adapter aux attentes présupposées des congressistes » a écrit Nicolas. Je l’ai d’abord contredit au motif que des intervenants étaient sincères. Mais à la réflexion je le rejoins. Il est possible et même probable qu’intervenant invité par des bibliothécaures cherche à les provoquer (cela s’est plu) ou plus fréquemment à leur plaire, donc à moduler leur discours dans le sens du poil, ce qui ne signifie pas qu’ils sont insincères. Je ne sais si c’est cette impression que pouvait donner Dominique Wolton lors de la journée du 16 mai dont a rendu compte Liber, libri mais j’ai un souvenir cuisant d’une intrevention du même Wolton lors du colloque du cinquantenaire des BDP en 1995, qui m’avait sembler horriblement brosser la salle dans le sens du poil, ce que ne me semblait pas du tout la chose à faire (actes publiés sur papier par l’ADBDP et épuisés mais compte rendu du BBF en ligne).

Les commentaires sont fermés.