« L’amour des bibliothèques »

Jean Marie GOULEMOT, Seuil, 2006.

Avec un tel titre, impossible de le laisser à la librairie, il a immédiatement rejoint mes rayonnages au côté d’autres amoureux, Alberto Manguel par exemple. Ce livre de Jean Marie Goulemot est tout à la fois une autobiographie par les livres, un essai sur les enjeux des bibliothèques du XXIe siècle et un précis d’histoire des bibliothèques. Les souvenirs se mêlent aux données statistiques, les anecdotes contées avec nostalgie aux éléments sur la bibliothèque d’Alexandrie, sur la rue de Richelieu. Revenant sur les premières bibliothèques, passant par de petites bibliothèques municipales avant de nous conter la Nationale – ancienne et moderne, avec son semblant de querelle –, Jean Marie Goulemot n’en oublie pas pour autant les heures douloureuses des bibliothèques. Censure, autodafés, que de fantômes hantent cette mémoire de papier. Mais l’auteur ne reste pas sur une note pessimiste et il narre la vie du chercheur sur les campus américains. Cette vie, par et pour le livre, l’amène à évoquer les bibliothèques idéales, où réel et rêve sont liés, comme fiction et réalité sur la page qu’il écrit. L’ouvrage se clôt sur un plaidoyer pour le livre papier et la bibliothèque réelle dans un panégyrique du livre objet de plaisir (odeur, couleur, bruit, protéiforme) et de sensualité. Véritable ode au livre et à la lecture, L’amour des bibliothèques entraîne le lecteur de la France à l’Espagne et aux Etats-Unis pour des voyages toujours livresques et toujours étonnants. Cet ouvrage repose sur un postulat presque mathématique : « J’ai passé plus de temps à lire en bibliothèque qu’à manger, à fréquenter les cinémas ou les musées, à prendre des vacances au bord de la mer. Et, pour finir ces énumérations comptables, j’ai sans nul doute connu plus de bibliothèques que de femmes ». Fort de ce constat, l’amoureux nous invite à rencontrer de singuliers conservateurs, nous entraîne dans les profondeurs des Enfers, nous égare dans des magasins immenses. Et, somme toute, il nous convainc que les bibliothèques sont un paradis dont la carte de lecteur est la clé et le personnel autant de Saint Pierre prêt à nous ouvrir ses portes. Une déambulation livresque fort agréable.