Désherbage et conservation partagée

Notes prises au cours de la journée d’étude de Mediadix, n’hésitez pas à les améliorer ou à les corriger si vous y étiez. Je vais faire la chasse aux powerpoints pour les ajouter en lien.

Idée de la journée est née suite à la polémique sur le désherbage, l’année dernière sur Biblio-fr.

Le désherbage, une idée neuve dans les bibliothèques ?
Claudine LIEBER

Vous n’y étiez pas, donc vous ne connaîtrez jamais l’anecdote de l’homme de ménage anglophone… que je me refuse à raconter ici pour cause de respect de la vie privée.

  • Historique

Mouvement lancé par la BPI. Déjà dans les gênes du projet BPI qui prévoyait une collection de documents entièrement tenue à jour.

Rapidement après l’ouverture, de nombreux ouvrages étaient détériorés et périmés (droit). Or, pas de magasins, ni de possibilité de relégation.

Françoise GAUDET, après un séjour aux Etats-Unis, a adapté avec Claudine LIEBER la méthode IOUPI (de Joseph SEGAL).

En 1986, publication d’un dossier technique par la BPI : résumé du séjour d’étude de F. GAUDET, méthode IOUPI et méthode mise en place à la BPI. Ventes très importantes pour ce dossier.

Dès 1975, un congrès ABF sur le thème : conserver, éliminer ?

Par la suite, important rôle des BDP comme relais de ces pratiques. BM ont pris le relais avec la création de réserves centrales.

BU : à la traîne…

  • Pratiques

Comme inspectrice générale, C. LIEBER a constaté que des collections avaient dégringolé à la suite de désherbage sauvage. Le désherbage n’est PAS le pilon et il requiert une solide culture générale.

Le désherbage est facilité aujourd’hui avec les nouvelles dispositions juridiques. N’appartiennent plus au domaine de l’état que les documents « anciens, rares et précieux » (ces trois adjectifs sont apparus sur une circulaire (ou un rapport ?) de l’IGB en 1989). Cela peut présenter un danger. Par ailleurs, la réduction des exemplaires du dépôt légal constitue aussi une source de préocccupations. Les historiens du livre sont très inquiets au sujet des pratiques du désherbage.

Pour autant, il ne faut pas considérer, au contraire, le désherbage comme un gâchis. Il est indispensable.

  • Les BU

Confrontées au désherbage via les collections de premier cycle : relégation dans les magasins. Mais peu de pilon.

Le désherbage est une façon de préserver l’avenir.

e-books vont bientôt débouler sur le marché et il faut s’y préparer dans la mesure où ils risquent de modifier complètement les pratiques de déhrbage.

  • Conservation partagée

Périodiques, fonds locaux, fonds jeunesse. Encore insuffisante.

Cnservation partagée est thématique : CADIST, pôles associés. Problèmes de la couverture, il y a beaucoup de trous. En Angleterre, la conservation partagée est alphabétique.

Problème : les structures administratives ne communiquent pas.

Autre problème : manque de bibliothèques de dépôt.

  • Questions

Bibliothèque Cujas pratique une politique volontariste de désherbage. Se penche sur la rédaction d’une éventuelle charte du désherbage, comme pendant à la charte des acquisitions.

Bibliothèque nordique de Sainte Geneviève a engagé elle aussi une opération de désherbage.

Désherber sans détruire ?
Dominique LAHARY

Regrette le corporatisme affiché à la suite du débat sur l’entretien de Jean-Yves MOLLIER avec Télérama.

  • Détruire oui ou non ?

La France désherbe, le Québec élague !

Il n’est pas possible de laisser des rayons de libre accès encombrés. De plus, ces rayonnages sont répulsifs et les documents n’en sortent pas.

La collection est un flux matériel, sinon intellectuel. De nombreuses bibliothèques n’ont pas à sauvegarder mais à présenter ce qu’il faut à un moment donné.

L’économie du livre est une économie de la destruction : nombre d’invendus finissent au pilon. Elle peut être définie comme un cycle :
cycle naturel : commercialisation, raréfaction
cycle industriel : production, commercialisation, destruction
cycle bibliothéconomique : acquisition, présentation, destruction

Problème de la sacralité de l’objet (alors qu’on met des CD dans les cerisiers !!!!) : tout le monde a le droit de jeter des livres SAUF les bibliothèques et les donateurs ignorent les besoins de l’usager.

Un livre, exemplaire matériel singulier, n’est pas un livre, unité bibliographique représentant une édition. Il n’est pas non plus une œuvre immatérielle faisant l’objet de plusieurs éditions. Or, le trésor, c’est précisément l’œuvre immatérielle, pas l’unité physique.

Problème de la gestion locale du désherbage : trop de destructions.

  • Deux jambes pour une longue traîne

La « mise en place » (terme utilisé par les libraires, ce que les gens voient) et la gestion des demandes. Du côté de l’usager, se traduit par : je viens fouiner/je sais ce que je veux.

L’usager se fiche de la collection, il ne voit que la bibliothèque visible.

La bibliothèque invisible, c’est la collection et, éventuellement, le réseau.

La bibliothèque visible dépend de la surface, ne supporte pas l’encombrement, a besoin de renouvellement.

La bibliothèque invisible n’a pas à se préoccuper de la surface, peut amasser, sa présentation est indifférente, elle a un devoir de constance et de permanence.

Une bibliothèque encombrée devient invisible. Il y a un devoir de renouvellement. Deux modes existent : mode localiste (achat, déstockage), mode coopératif (faire tourner).

La théorie de la longue traîne peut éclairer la bibliothéconomie. La bibliothèque invisible se rapproche beaucoup des marchés de niches sur le net. C’est un devoir des bibliothèques que de servir la diversité.

  • Conservation partagée

La destruction ne devrait pas être locale. Ce qui importe, c’est le réglage entre le nombre d’exemplaires et la demande dans un ressort géographique donné. Logistique de récupération/stockage/livraison : vive le PEB !

Anecdote : un ancien libraire, devenu bibliothécaire, se désolait de ne pouvoir offrir à ses usagers que ce qu’il avait dans ses collections…

Problème : les cloisonnements administratifs.

  • Et le numérique ?

C’est une autre histoire…

  • Questions

Problèmes des fonds surdéveloppés (souvent lié à l’histoire de la bibliothèque) : devraient pouvoir tourner, penser réseau !

Communiquer autour du désherbage ? Délicat, les usagers veulent toujours tout garder. Le désherbage suivi d’une vente est par contre très bien perçu.

Bibliothèques en réseau et désherbage : la réserve centrale de la bibliothèque de Paris
François OSSENT

Réseau parisien est une succession de bibliothèques de village, aujourd’hui fédérées par un catalogue commun.

A partir de 1984, récupération des pilons dans une réserve centrale.

1992 : tri des 92000 documents accumulés. 1995 : ouverture au prêt.

Réserve a beaucoup de succès. 5700 prêts par mois.

2004 : catalogue sur internet a fait décoller le nombre de prêts.

Classement en Dewey, peu de doubles. Pas de périodiques, ni de fonds jeunesse.

Réserve traite les retraits des documents des bibliothèques du réseau, ce qui arrive ne sera pas réintégré.

Le tri partagé accélère le traitement des documents.

La réserve dispose de fonds propres pour développer ses collections. Acquisitions : complétude de collections (Belles Lettres, poésie, correspondance,…)

Service qui dépend de la disponibilité des collègues du réseau (pour les demandes, etc.).

Gros problème du désherbage de la fiction : notion de hors mode est floue.

Classes 500/600 : quelle utilité de conserver des documentaires quand l’usager leur préfère Google ?

Lecture de Livres Hebdo un an après parution pour repérer ce qui n’aurait pas été intégré au catalogue et achat le cas échéant.

Catalogage et indexation sont très importants car ils constituent la seule vitrine de ces documents.

Livres toilés : le lecteur suffisamment motivé pour faire une demande de document à la réserve recherche un contenu plus qu’un contenant. N’est pas un problème.

La conservation partagée des périodiques de médecine en Ile-de-France
Guy COBOLET

Périodiques ont un rôle central pour les chercheurs. Projet formulé dès 2002.

  • Situation

7 universités, Académie nationale de médecine, Bibliothèque interuniversitaire de médecine et CTLes : 25 bibliothèques au total.

Problèmes de locaux saturés alors qu’il existe des bibliothèques de référence, la BIUM est CADIST, et que le CTLes peut accueillir des collections.

Taux élevé de titres redondants.

Développement du numérique depuis 1999.

La conservation partagée est un élément de la politique documentaire et de choix documentaire.

  • Objectifs

Conserver en région une à deux collections complètes.

Assurer l’archivage pérenne de ces collections.

Désengorger certains magasins.

Permettre aux SCD de rationaliser la conservation/acquisition (certaines universités ont plusieurs sections médicales, éclatées sur plusieurs sites, voir en commentaire). Le projet est sur 2 strates : locale et régionale.

Assurer la fourniture à distance des documents.

Permettre le passage au tout numérique (1/2 sites conservent le papier, e-only pour les autres). Achat du papier : nécessaire tant qu’on n’a pas de certitude sur la pérennité des supports numériques : de grandes bibliothèques américaines continuent à acheter des collections papier. Par contre, celui qui achète la collection papier doit-il en supporter seul les coûts ?

  • Conditions préalables

Vrai réseau, question de rapidité imposée par la clientèle : réseau de PEB actif, forte tradition d’aide à l’usager, utilisation d’outils communs (produits de la National Library of Medecine).

  • Dispositif

Est participatif et souple. Chacun peut être pôle de conservation, chacun vient alimenter la base de travail.

  • Outils

Mise en place d’une convention qui lie les partenaires : CTLes et BIUM sont copilotes, la convention les lie aux universités.

Chaque établissement qui est pôle de conservation ne se désabonne pas d’un titre sans prévenir.

PEB : le document arrive dans les 48 heures.

L’établissement qui conserve la collection doit assurer de bonnes conditions de conservation, ne pas se trouver en zone inondable, avoir un réseau électrique fiable, etc.

Quand une bibliothèque qui n’est pas pôle de conservation décide de ne plus conserver un titre, elle doit le céder définitivement au CTLes. Les dépôts ne sont pas acceptés afin que le CTLes puisse assurer une gestion efficace des doublons.

Dans chaque établissement, désignation d’un responsable. Niveau régional : un coordonateur (contractuel payé par le CTLes) assisté de deux bibliothécaires (un mi-temps de la BIUM et du CTLes).

Création d’une base de données qui s’appuie sur la classification de la NLM. Alimentée par des extractions du SUDOC après choix de titres. Une fois les titres dans la base, gros travail de vérification dans les collections pour avoir des états de collections justes. Se fait sur environ deux mois.

Désignation du pôle, ses lacunes sont comblées par les autres bibliothèques. Les états de collection seront de nouveau à corriger dans le SU.

Sur 25 bibliothèques, 18 sont pôles.

Transfert vers les pôles (environ 500 mètres linéaires par an). Eliminations (moins nombreuses, problème de pathos).

Plan local : le pôle est un instrument de valorisation pour l’établissement.

  • Problèmes

Récolement des collections importantes est difficile.

Le papier est moins taxé que l’e-only. Il revient moins cher de prendre un abonnement papier + électronique que e-only.

  • Perspectives

Signalement de ce plan dans le SUDOC : plusieurs index, dont « plan de conservation partagé ». Existe déjà, mais il faut le rendre plus visible.

Réflexion autour d’une thématique élargie : intègre l’odontologie.

Extension institutionnelle : politique de sites, par CHU.

Extension géographique : penser à l’échelle du pays. Le plan peut profiter aux régions via le PEB.

  • Question

La BIUM concentre est pôle pour 80% des titres, surcharge de travail ? Non.

Conservation partagée des fonds jeunesse en Ile-de-France
Anne Duquesne

On a longtemps pensé que la conservation était du ressort de la BnF. Pas seulement.

Désherbage fait sans discernement à cause de la déqualification des personnels depuis la disparition du CAFB, rotation rapide des livres, petites éditions qui disparaissent ont généré des manques en documents pour la jeunesse.

La notion de patrimoine s’élargissant, il faut penser à les conserver.

Ile-de-France a engagé une réflexion sur le sujet. Midi-Pyrénées le fait déjà.

Problème : pas de catalogue commun en Ile-de-France.

Pour l’instant, le travail sur la conservation partagée met surtout en lumière les manques.

  • Remarque dans la salle

Décalage entre les documents achetés par les bibliothèques et les demandes des usagers et des chercheurs. Ils veulent travailler/lire Martine, Les Pieds nickelés et Bécassine, autant de choses jamais achetées par les établissements.

4 Commentaires

  1. Bonjour

    Merci pour ce compte-rendu très intéressant !

    Etant pinailleur, je vais… pinailler ! Paris 6 n’a pas 9 sections médicales, mais seulement 2 – éclatées sur 7 sites, il est vrai ! Mais bon, ce n’est qu’un détail…

    Cordialement

  2. Est-ce qu’il y a eu débat suite à la dernière remarque ? On peut se demander dans quelle mesure cette conservation partagée servirait effectivement au public (vu l’usine à gaz que c’est).

    Par contre c’est bien un des multiples facteurs qui plaident en faveur de la création d’un catalogue commun des BM (et pas seulement en Ile de France).

  3. Malheureusement non, la remarque a été faite à la fin de la journée.

    Paradoxalement, la question de la nécessité de catalogues communs n’a pas été beaucoup évoquée.

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