L’Argent et les mots | André Schiffrin

Publié aux éditions La Fabrique comme L’Edition sans éditeurs et Le Contrôle de la parole, ce nouveau livre d’André Schiffrin m’a peut-être moins enthousiasmée que les précédents, sans doute parce que depuis quatre ans que je m’intéresse au monde du livre ma vision en a profondément changé. Ceux qui auront cliqué pour lire ma critique de autres livres de Schiffrin s’en rendront compte…
Quelques suggestions concernent les bibliothèques et la numérisation dans ce livre, en voici quelques citations :
« Je suggèrerais volontiers d’allouer un budget spécial pour acheter des livres qu’elles ne peuvent pas se payer actuellement. Elles subissent elles aussi la pression des best-sellers, poussées qu’elles sont à acheter les livres qui seront le plus souvent empruntés.Il serait illusoire d’ignorer cette pression et il entre d’ailleurs dans le rôle des bibiothèques d’offrir ces livres-là. Mais un budget supplémentaire leur permettrait d’acquérir des ouvrages qu’elles voudraient pouvoir présenter – et qui, idéalement, proviendraient de petites maisons indépendantes (…). » (p. 34)
« Une idée intéressante, proposée par Christian Ryo, de Lire en Bretagne, est d’instituer une collaboration entre les librairies et les bibliothécaires locaux, d’installer des comptoirs de ventes de livres dans les bibliothèques – ce qui existe déjà dans les musées, même si les comptoirs n’y sont généralement pas tenus par des libraires indépendants. Ce système pourrait fonctionner à un niveau purement local, en éliminant évidemment les grandes chaînes au profit des librairies du lieu. » (p. 57)
« J’ai discuté récemment avec le directeur de la bibliothèque de Lyon, la deuxième de France. On lui a refusé l’argent qu’il fallait pour numériser son fonds et il a été forcé d’avoir recours à Google – une sorte de privatisation de son patrimoine. (…) Je lui ai demandé si des précautions avaient été prises pour l’exploitation par Google du fonds de la bibliothèque : la société aurait-elle le droit, par exemple, d’inclure une publicité pour Coca-Cola sur chaque page, ou bien d’utiliser les noms des lecteurs pour leurs propres campagnes publicitaires ? En fait non, rien n’a été imposé à Google. » (p. 96)
« Darnton expose ensuite ce qu’il considère comme la meilleure solution au problème, bien qu’elle n’ait pas été discutée et qu’elle nécessiterait une législation nouvelle et non une simple décision de justice. Il propose de donner à la base de données de Google un statut public : chacun pourrait y avoir accès gratuitement, comme c’est le cas pour les bibliothèques publiques. Cette idée est très proche de celle que j’ai exposée : la nationalisation de Google, ou tout du moins d’une partie de ses  activités. » (p. 98)