Le mémoire infuse

Le mémoire que je dois rendre cet hiver, dont j’avais publié ici le projet, ne cesse de prendre des orientations inattendues. Je découvre des pistes que je n’aurais pas pensé inclure, elles m’obligent à revoir la structure du travail, me conduisant à un plan provisoirement définitif, qui semble persister comme plan définitivement provisoire.
Venons-en au sujet lui-même. Cette idée de travailler sur les nouveaux modes de communication de la recherche est venue des réflexions de l’acquéreur et de la formatrice que j’étais les années passées. Nous avons là, me disais-je en passant des commandes de façon très traditionnelle — catalogues d’éditeurs, bibliographies d’enseignants, une matière actualisée, presque vivante, dont nous ne nous servons pas. Je voyais pourtant sur les blogs, sur les réseaux sociaux et les listes de diffusion tant de choses à exploiter. En tant que formatrice à zotero et aux outils de veille pour les doctorants, je lisais un certain nombre de carnets sur Hypothèses pour les faire découvrir. Voilà qui a constitué le semis de ce travail : comment faire de la veille et utiliser cette production scientifique, comment exploiter les richesses de ces laboratoires à ciel ouvert ?
Un collègue me suggérait au printemps de ne pas abandonner la réflexion sur nos missions traditionnelles, l’archivage, la collecte, le signalement. En m’y penchant, je me suis aperçue que si la BnF faisait des collectes régulières via le DL web sur suggestion de ses chargés de collection, il n’y avait pas encore de politique nationale pour un archivage exhaustif des blogs de chercheurs. Beaucoup sont collectés, bien sûr, les chargés de collection font de la veille et ils ont l’oeil mais ce n’est pas encore systématisé, semble-t-il. Et que dire des LT de colloques et de séminaires qui se perdent dans les limbes twittesques ? Ces documents, témoins de la recherche en train de se faire, nous échappent largement alors qu’ils seront d’un intérêt majeur pour les historiens de demain.
Plus récemment, j’ai été contactée par des collègues qui avaient vu le questionnaire que j’ai mis en ligne pour ce travail. Nous avons échangé et la problématique de l’identité numérique, dans sa tension entre autorité et notoriété, a émergé. Les chercheurs sont nombreux à publier leurs travaux sur des réseaux sociaux académiques tandis que les bibliothèques développent des sites consacrés aux autorités (VIAF, IdRef, ISNI). Ces pratiques ne semblent pas poreuses, ne pourraient-elles pas le devenir ?
Côté bibliothèques, on assiste à un développement similaire, les collègues ouvrent des blogs, sont sur les réseaux sociaux. Néanmoins, il existe une tension chez nous entre le travail et la profession qu’on ne retrouve pas chez les chercheurs. Un scientifique parle de son travail, c’est-à-dire de sa recherche ; un bibliothécaire parle de sa profession, son travail flirtant toujours avec le devoir de réserve. Il serait bon pourtant de parler davantage du travail, de ses débats et ses échecs, comme de ses réussites. Dommage que nous ne commentions pas plus les projets en cours, notamment ceux en lien avec la recherche pour faire connaître l’activité des BU. Là encore, peu de liens entre chercheurs et bibliothécaires.
J’imagine qu’avant l’hiver, la germination aura encore franchi une étape et que d’autres éléments seront venus enrichir la réflexion. Le sujet me passionne. À quel niveau, local ou national, travailler ? Quels positionnements adopter ? Voilà un grand nombre de questions qu’il faudrait pouvoir étudier. Je crains de manquer de temps et de devoir bâcler mes conclusions dans les semaines qui me restent alors que j’aimerais pouvoir poursuivre mes explorations de ce matériau si riche. Je manque de temps, je boude, j’écris pour le blog ! L’écriture de ce billet elle-même me conduit à repenser des aspects du travail et tout recommence.