Liber, libri, m. : livre

Bibliothéconomie & Cie. - Dir. publ. et réd. en chef Cécile Arènes. - Paris : [s. n.], 2006 - ... .

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Bibdocades !

Lumiweb, que vous connaissez sans doute déjà via twitter, a eu l’excellente idée d’organiser des « bibdocades » au moment du salon du livre. Les bibdocades sont une continuation des biblioblogades et leur avantage est qu’on peut être bib, être doc, et avoir ou même ne pas avoir de blog !
Bref, il s’agit, comme les fois précédentes, de se retrouver autour d’un verre et de refaire le monde la bibliothéconomie ;-)
Il y a un sondage par là pour savoir quel soir vous préfèreriez. Merci de répondre au plus vite pour que Lumiweb puisse ensuite déterminer le lieu.

Apologie du livre | Robert Darnton

Très peu de billets ont paru pour évoquer cet ouvrage du directeur de la bibliothèque d’Harvard. Je trouve que c’est un peu dommage et, surtout, cela ne laisse pas de m’étonner. Mais passons.
Voici donc quelques notes prises rapidement à la lecture. Précisons qu’elles sont forcément lacunaires, ce qui suit n’étant pas une recension. Suivent les mentions à quelques biblioblogs qui ont évoqué cette Apologie du livre.
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Robert Darnton l’indique dans la préface, l’édition en français de son ouvrage est une fusion de onze essais en six chapitres et un épilogue pour « adapter au contexte français » son approche du débat. On ne peut que le ressentir à la lecture, qui n’est pas sans redites, et c’est dommage.
Le livre s’ouvre sur cette pratique du recueil de citations très en vogue au XVIe siècle. Darnton y voit là l’ancêtre de notre lecture numérique souvent fragmentée. Pour lui, l’opposition entre « lecture segmentaire » et « lecture séquentielle » ne date pas absolument pas du web.
Le passage où est expliqué que la contrebande de livres a toujours existé, qu’elle a pu concerner jusqu’à la moitié des livres en circulation et que ce piratage était une industrie très organisée, m’a pas mal amusée à l’heure où l’on entend les éditeurs clamer qu’un mal nouveau les menace. Les « attaques contre la propriété littéraire » ne sont pas nées d’hier.
L’historien du livre qu’est Darnton voit quatre mutations concernant ce qu’il appelle les « techniques d’information » : naissance de l’écriture, remplacement du rouleau par le codex, invention de l’imprimerie, invention de l’internet. Ces bouleversements se produisent à un rythme de plus en plus soutenu, note-t-il.
Darnton évoque ensuite la fiabilité de l’information, dont on déplore souvent la qualité sur le web. « Les nouvelles ont toujours été un artefact et […] elles n’ont jamais correspondu à ce qui s’est réellement passé » (p. 74). Pour lui, « la nouvelle n’est pas ce qui s’est passé mais un récit de ce qui s’est passé » (p.75). S’ensuit un récit assez mordant de son expérience de jeune reporter aux faits divers qui cherche le récit sordide à publier. Tout y dépend des protagonistes, découvre-t-on. Il ajoute que « l’information n’a jamais été stable » et que nous devrions reconsidérer la notion même d’information car désormais « plutôt qu’à des documents solidement établis, nous avons affaire à des textes multiples et changeants » (p. 80).
Une description, fort sympathique pour le littéraire, présente ensuite le travail de l’historien du livre sur les différentes éditions de Shakespeare. Elle montre que la numérisation et le meilleur moteur de recherche ne pourraient se substituer au travail minutieux du chercheur pour établir l’origine et la particularité des différentes éditions existantes d’un même texte. Darnton regrette que Google emploie beaucoup d’informaticiens mais pas de bibliographes…
Un passage de cet ouvrage m’a particulièrement interpelée, celui qui concerne le budget d’acquisitions des bibliothèques de recherche. Darnton dénonce le fait que les périodiques électroniques coûtent de plus en plus cher (environ 25000 dollars pour un périodique en neurologie par exemple), ce qui grève le budget d’acquisitions des monographies. Or, si les BU achètent moins de monographies, les presses universitaires sont en difficulté et se trouvent obligées de moins publier. En bout de chaîne, les jeunes chercheurs ne parviennent plus à se faire éditer par les presses universitaires, au détriment de leur carrière. Donc, les archives ouvertes…
Apologie du livre revient sur la charge de Nicholson Baker contre le désherbage. Pour Baker, les bibliothèques ont tendance à se séparer du papier pour les journaux dès lors qu’elles possèdent un support de substitution (microforme, électronique). Baker le regrette car « le microfilm […] est inadapté, incomplet, fautif et fréquemment illisible ». Cette folie du gain de place a donné lieu à une destruction de masse qui est d’autant plus irrémédiable qu’il juge le microfilm inadapté. Darnton rejoint Baker pour déplorer les pertes considérables de journaux mais il est plus mesuré dans ces conclusions.
Pour finir, une citation à la toute fin du livre : « Le savoir pourrait églament être infini dans un système de communication où les hyperliens s’étendraient à toute chose – sauf que, bien sûr, un tel système ne saurait exister. Nous produisons bien plus d’informations que nous ne pouvons en numériser et, de toute façon, l’information n’est pas le savoir. Pour connaître le passé, nous devons en dégager les vestiges et apprendre à en tirer un sens » (p. 178).
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On pourra lire des extraits chez Bibliomab. Christian Jacomino a pour sa part publié un long billet, auquel Michel Roland-Guill a répondu. Lorenzo Soccavo, lui, a un avis plutôt négatif de l’ouvrage. Enfin, les précieux liens de PabloG pointent quelques articles sur Apologie du livre. Enfin, lors de la journée d’étude « Les bibliothèques à l’heure du numérique », Yves Alix a longuement fait mention à Apologie du livre dans son introduction.
Si j’omets des billets sur ce livre, les commentaires sont ouverts pour que je les ajoute au billet.
Suite au commentaire d’Aurélie B., j’ajoute l’article qu’elle a rédigé pour la newsletter de Territorial.
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Update (15/03/2011) : Rémi Mathis a également publié un compte-rendu très fouillé de ce livre sur Parutions.com.
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NB : on peut lire aussi l’article de Darnton « The library : three jeremiads » paru dans la New York revue of books en décembre 2010.

Autoportrait de la catalogueuse

Ce billet fait suite au jeudi de l’Oulipo à la BnF où nous ont été lus trois autoportraits. Cette contrainte un peu particulière découle de l’extrait d’une nouvelle de Paul Fournel, « Autoportrait du descendeur ». La contrainte, je le cite, « consiste à épouser le plus étroitement possible le texte-souche en dressant le portrait d’un autre personnage. » L’Oulipo, qui déborde de membres « autoportraiturés », vient d’ailleurs de faire paraître C’est un métier d’homme : autoportraits d’hommes et de femmes au repos, dont je vous recommande très vivement la lecture, tant c’est drôle. J’aime beaucoup les jeudis oulipiens à la BnF, peut-être vous en souvenez-vous, et j’ai fini par commettre mon autoportrait, qui est un clin d’oeil tout spécial à @monavalotte et @cgenin.
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Mon métier consiste à cataloguer de haut en bas. A cataloguer le plus vite possible. C’est un métier de femme. D’abord parce que lorsqu’elle est en haut, la catalogueuse a envie d’exemplariser en bas, ensuite parce que lorsqu’il y a plusieurs catalogueuses en haut, elles veulent toujours exemplariser plus vite les uns que les autres.
Un métier humain.
Je suis catalogueuse.
Il y a eu Isabelle Dussert-Carbone, il y a eu Marie-Renée Cazabon, il y a eu Philippe-Corentin Le Pape, il y a eu les tenants de l’UNIMARC et, maintenant, il y a moi. Je serai cette année championne du SUDOC et, aux prochaines journées ABES, j’aurai la médaille d’or.
Je suis la femme la plus méticuleuse de WinIBW, la plus calme, la plus concentrée, et mon travail consiste à fabriquer de la méticulosité.
Toutes les grands catalogueuses fabriquent la méticulosité.
Cataloguer plus vite c’est d’abord cataloguer autrement ; de façon à semer l’inquiétude et le doute.
Faire peur. Cataloguer de telle manière que les autres soient persuadés que vous ne finirez pas la notice, jusqu’à ce qu’une génération entière catalogue comme vous.
Dans une vie de catalogueuse, on ne peut inventer qu’une méticulosité géniale et une seule.
Les tenants de l’Unimarc sont arrivés sur Worldcat avec la réputation de semeurs de dollars et deux saisons plus tard, les cinquante top-catalogueurs de BU cataloguaient comme eux.
Maintement, il y a moi.
Etre un grand catalogueur est un état qui exige un don absolu de soi-même et une concentration totale. Je catalogue à plein temps. Je catalogue en arpentant les rayons de ma BU hiver comme été. Je vis avec un manuel Unimarc pour mieux cataloguer. Je souris au magasinier et à l’usager parce que je sais qu’ils m’aident à cataloguer. Je casse la tête de mon conservateur qui est nul parce que je sais que cela m’aidera à cataloguer.
Prenez deux femmes à égalité de concours et de version WinIBW, dans le même bureau, mettez-les à côté l’une de l’autre et c’est toujours moi qui catalogue le plus vite.
La monographie en plusieurs volumes, je la fais mille fois par semaine. Les actes de congrès, ceux pour lesquels on reprend son manuel, je les fais chaque soir avant de me coucher. Je sais toutes les notices de mon SCD au $ près, et même en recherche simple, je les vois passer au ralenti.
Je me prépare aussi pour ces créations floues et indécises que les hasards d’attribution des acquisitions nous imposent. Les notices tordues qui permettent à une Marie-Renée Cazabon, la catalogueuse du Cercle, de devenir championne de création de notices.
Tout compte dans votre carrière.
Un jour, l’essentiel devient la position de votre petit doigt sur la souris. C’est le petit doigt qui fait la médaille. Vous avez raboté le tapis de la souris, vous avez changé quatorze fois la position du tapis, vous vous êtes mis en colère et vous avez perdu pour deux secondes sur une dérivation parce qu’après avoir cliqué sur F5 vous vous êtes demandé dans quelle position exacte était votre doigt sur la souris.
Quand je dors, je travaille, quand je mange, je travaille. Je dessine des $a, je modèle des $x. Mes yeux et mes épaules sont intraitables, je porte sans cesse à la main la marque des coupures des pages de livres.
Lorsque l’acquéreur libère une pile de livres à cataloguer, il libère des tonnes de travail. Après, il reste une catalogueuse devant son poste qui n’a plus ni yeux, ni tête, ni souris et qui catalogue pour arriver en bas de la notice plus vite que les autres catalogueuses.
C’est la règle.
Et puis il y a le moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos, de repos absolu. Le repos de la catalogueuse.
Vous avez passé la zone 200 et la zone 300 à fond, vous entrez en 410 et vous faites cette minuscule erreur de frappe, cette petite faute stupide (qui n’est pas d’inattention puisque les catalogueuses ignorent l’inattention) qui vous fait taper $a au lieu de $t. Et là, c’est le vrai repos, le repos immense. Vous avez déjà perdu vingt secondes puis très vite une minute parce que le lien ne marche pas. Plus rien n’a d’importance, vous n’êtes plus une catalogueuse, vos muscles se relâchent, votre esprit se libère, vous savez que vous allez vous prendre un message méchant sur SUCAT.
Une précision par rapport aux noms cités :
je n’ai fait que reprendre les noms d’auteurs d’ouvrages professionnels sur le catalogage !

Conservateur externe, note de synthèse

Dossier à examiner : les grands enjeux de la muséologie aujourd’hui : quelles relations entre l’art et son public ? (10 textes, 30 pages)
Si on parvenait à oublier un instant qu’on se trouvait dans la maison des examens , lieu au charme architectural inénarrable, on ne pouvait qu’apprécier la lecture d’un tel dossier qui résumait bien les problématiques à l’ordre du jour dans les musées.
Le premier des textes était un extrait de Malaise dans les musées de Jean Clair, où il compare, non sans humour, les deux Guggenheim (New York et Bilbao) à des « mollusques » aux « coques creuses », où les collections sont absentes et où ne se donne à voir que le geste architectural. Les chiffres de l’incontournable « Pratiques culturelles des Français » sur la fréquentation des musées, de même que ceux du CREDOC, nous étaient donnés, bien sûr. Un article du Monde revenait sur le rôle de la scénographie, qui guide le regard lorsqu’elle est bien conçue mais peut aussi « faire passer l’exposant avant l’exposé ». Deux textes étaient consacrés aux nouveaux modes d’accompagnement du visiteur, visites virtuelles et applications à télécharger. Un texte traitait des écomusées et revenait sur les possibles dérives du tout participatif qui, loin de constituer une appropriation du patrimoine, pouvait parfois se muer en une simple expression de soi. L’avant-dernier texte défendait les nouvelles formes d’architecture des musées en montrant comment les architectes et les scénographes savaient se mettre au service des collections. Enfin, un court article de Libération, incendiaire pour le MAXXI de Rome conçu par Zaha Hadid, clôturait le dossier.
La note de synthèse suscitant généralement moins de débats passionnés que la dissertation, les commentaires sont réouverts.

Conservateur externe, dissertation

Romantisme et politique.
Si l’an dernier, beaucoup, moi y compris, s’étaient émus d’un sujet qui flirtait avec l’actualité la plus récente, il est patent que le choix du sujet 2011 est un retour aux grands classiques. J’ai la sensation très désagréable en sortant de l’épreuve d’avoir été hors-sujet dans ma deuxième partie mais il n’est pas temps d’y penser, il y a encore des épreuves à venir.
Finalement, passée ma « râlerie » stressée du départ, j’ai bien aimé ce sujet de l’année passée avec cette problématique autour d’un « pays de la diversité vaincue » (Benda) et d’un « vieux pays différencié » (Thibaudet). Tiens, d’ailleurs, si je devais produire des sujets de concours tordus, je demanderais si les bibliothécaires ne sont pas en train de faire leur « trahison des clercs » ;-)
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Les enjeux du patrimoine
C’était, susurre-t-on sur twitter, le sujet de l’interne. De quoi se régaler à parler de conservation/valorisation et de valorisation/mercantilisme !
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Cela va peut-être vous surprendre mais j’ai fermé les commentaires sous ce billet. L’an dernier, la discussion avait vite dérivé sur les intitulés de sujets déconnectés du monde professionnel, etc. Je ne crois pas que le débat aura beaucoup changé et j’ai un peu la flemme, je l’avoue, de l’accueillir de nouveau ici.

Pour en finir avec le catalogage

Avant-hier, je publiais sur ce blog un billet d’humeur pour expliquer que je ne reconnaissais pas mon quotidien lorsque j’entendais dire qu’aujourd’hui on ne cataloguait plus. J’expliquais alors les procédures que je devais faire, moi qui m’occupe d’un fonds où j’achète à 70% à l’étranger. Alors que je voulais témoigner du quotidien, qui est bien peu présent sur les blogs, le débat a glissé, notamment sur Face écran, vers le fait de libérer du temps pour la médiation. Je n’ai jamais prétendu faire du catalogage contre la médiation, j’ai juste décrit un pan de mes activités, qui sont multiples et ne se bornent heureusement pas à ce que je présentais vendredi. Je me réjouis que  quelques collègues aient évoqué des solutions qui allègeraient mon quotidien mais je me dis aussi que ce précédent billet n’a pas atteint son but, qui était de montrer simplement que l’activité de catalogage fait encore partie, qu’on le veuille ou non, du quotidien. Il n’en constitue certainement pas l’essentiel.
Pour essayer de montrer comment s’articulent les relations entre les différentes activités que je peux avoir, j’ai fait une carte heuristique. Elle est loin d’être parfaite et on voudra bien me pardonner car j’avoue ne pas être très à l’aise avec les cartes.

Pour résumer la carte :
– la veille pour les commandes, notamment dans les bibliographies d’enseignants, me permet d’améliorer mes réponses en service public et imaginer sur quoi je pourrais axer des possibles formations,
– la veille pour les commandes s’articule étroitement avec la veille pour le blog,
– quand je commande, je pense pilon,
– quand je pilonne, je pense à recommander et, en fonction des commandes, à des présentations de nouveautés sur le blog,
– quand je catalogue, seul moment que je passe avec une ressource nouvelle, je pense à un éventuel billet si le document me paraît avoir un aspect important à signaler, je pense à pilonner des documents abimés ou périmés sur le même thème. Au moment où je vérifie l’autorité-auteur, je regarde souvent ce qu’il a écrit d’autre pour voir s’il y a matière à d’autres commandes. Quand j’indexe et que je cote, je me demande si nous avons assez de documents sur la thématique, je pense à ce que je pourrai recoter,
– quand je suis en SP, toutes les étapes précédentes, qui ont accru ma connaissance du fonds, m’aident,
– quand je suis en SP, je note mentalement les questions posées en me disant que je signalerai tel point lors des accueils de L1 l’année à venir et qu’un point sur tel aspect pourrait être ajouté sur le blog.
J’ai conscience de livrer là un résumé qui reste encore parcellaire et foutraque. Précisons que je n’aborde là que mes activités d’acquéreur/SP/rédacteur sur le blog. Enfin, le nombre de fois où je pense à un éventuel billet n’équivaut pas au nombre de billets publiés mais je pense que ça doit vous sembler évident.
Pour terminer, j’ajouterai que, pour moi, un catalogue bien fait est une vitrine au même titre qu’un blog, que l’accueil en SP et que la présence sur les réseaux sociaux ou ailleurs. En tous les cas, tout ça me paraît s’articuler dans mon quotidien.

Le catalogage est mort ! Vive le catalogage !

Je suis surprise d’entendre de plus en plus souvent de la bouche de professionnels des bibliothèques qu’aujourd’hui, on ne catalogue guère plus. Entendons-nous bien avant de commencer ce billet, je suis loin d’être une fanatique de catalogage. J’en fais parce qu’il le faut mais beaucoup d’autres tâches ont ma préférence. Cependant, je fais du catalogage presque tous les jours et, à le faire, j’essaie de le faire de mon mieux. De fait, lorsque j’entends dire qu’on ne catalogue plus parce qu’on récupère tout de la BnF ou d’ailleurs, je ne reconnais pas là mon quotidien professionnel.
Je parlerai ci-après des BU. Cependant, j’ai ouï dire dans le cas des BM que quelque collectivité se servait de la “mort” du catalogage pour justifier des moyens descendants…
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Revenons à mon cas de catalogueur de BU. Globalement, j’ai calculé qu’il me passait entre les mains environ 500 livres par an, toutes exemplarisations, dérivations et créations confondues. J’acquiers dans une discipline qui m’amène à commander beaucoup à l’étranger. Pas l’étranger étrange de pays qu’on ne sait pas situer sur les cartes mais à de grandes presses anglo-saxonnes. Je vous entends déjà, là, vous écrier : “mais tu dérives tes notices !” Oui, je dérive, entre autres.
Reprenons, si vous le voulez, par ordre de difficulté.
Cas n°1 : l’ouvrage arrive, il est déjà dans le SUDOC, il suffit d’exemplariser.
C’est effectivement assez rapide et c’est le cas qui est cité en exemple pour clamer qu’on ne catalogue plus. Cela dit, quand on exemplarise, il arrive souvent qu’on tombe sur un imbroglio d’ISBN 10 et 13 qui concernent a priori le même bouquin mais qui, lorsqu’on se penche sur son cas, présentent des différences de quelques pages, de taille, etc. Les éditeurs anglo-saxons sont spécialistes des rééditions avec quelques modifications pour les justifier, ce qui est un casse-tête pour le catalogueur (ce fut l’objet d’un long débat sur SUCAT, “Nouvel ISBN, nouvelle notice ?”). On y verra peut-être plus clair une fois la mise en place de l’ISTC. Un exemple, j’ai eu entre les mains un ouvrage broché, je le cherche dans SUDOC et je trouve la version reliée. Même pagination, même taille, même date (2005). A priori je peux ajouter mon ouvrage broché sur la notice en mentionnant son ISBN. Seulement en tournant et retournant l’ouvrage de tous les côtés, je trouve un copyright pour une photo de la 4e de couverture qui, arrrgh, date de 2010. Tempête sous un crâne, est-ce que je refais ou pas une nouvelle notice ? Dans un cas comme ça, si j’estime ne pas avoir assez d’éléments pour trancher, je pose la question au correspondant catalogage pour avoir son avis. Ça peut paraître excessivement pointilleux, on ne va pas s’embêter pour une photo de 4e de couverture, mais c’est comme ça que, si l’on n’y prend pas garde, on crée des doublons.
Dans le cas des exemplarisations, il arrive aussi qu’on doive ajouter quelques éléments pour l’indexation, ce qui demande un minimum de réflexion et de consultation du livre. Il peut aussi y avoir des modifications à faire sur la notice si elle a été dérivée à la va-vite.
Cas n°2 : l’ouvrage arrive, il n’est pas dans le SUDOC mais il se trouve sur d’autres bases, il faut dériver.
Dans mon cas, je dérive souvent des notices anglo-saxonnes de la LOC ou de Worldcat, que je dois traduire. Ce n’est pas très long mais ça ne se fait pas automatiquement. Il faut aussi refaire l’indexation en RAMEAU parce qu’elles est souvent en LC, donc en anglais, et sans liens. La question des liens est extrêmement importante car ce sont eux qui permettront aux usagers, ou aux bibliothécaires quand ceux-ci viennent chercher de l’aide, de rebondir de mot-clé en mot-clé. Cette étape va relativement vite aussi pour peu qu’on ait un peu l’habitude.
Là où les choses se compliquent, c’est lorsqu’on aborde les autorités auteurs (cette terminologie barbare, je ne m’y ferai jamais !). Votre notice est complète, il ne vous manque qu’une chose, faire un lien vers la notice de l’auteur et celle du préfacier/traducteur/éditeur s’il y a lieu. S’ils sont dans le SUDOC, c’est déjà bien. Il va falloir vérifier, ce qui prend parfois du temps, qu’il ne s’agit pas d’homonymes : vous êtes contents quand vous tombez sur un Joseph Black, qu’il y en a 4 dans le SUDOC, dont 2 nés à la même date… Une fois qu’on est absolument certain que la notice est bien celle de son auteur, ce qui conduit souvent à ajouter quelques éléments dans ladite notices après les recherches qu’on a dû entreprendre pour vérifier que c’était lui, il faut achever le travail en faisant les fameux liens. Même chose que pour l’indexation, si vous ne faites pas de liens, il ne sera pas possible de cliquer sur le nom de votre auteur pour découvrir les autres oeuvres qu’il a commises.
Maintenant, si votre auteur/préfacier/traducteur/éditeur ne se trouve pas dans le SUDOC, c’est une autre paire de manches ! Il va falloir créer sa notice autorité, celle qui vous permettra ensuite de lier son nom dans la notice de votre livre. Vous suivez ? Cette étape-là est souvent longue. Il faut rechercher l’auteur qui a très souvent des homonymes, au grand dam du catalogueur. On trouve des autorités sur la LOC et la BnF mais il n’y a pas tout et il arrive bien souvent qu’il faille errer de catalogues d’éditeurs en sites d’universités pour glaner un minimum d’informations sur le bougre ou la bougresse. Cette étape-là prend réellement du temps mais elle est primordiale, j’y reviendrai.
Cas n°3 : votre bouquin n’existe nulle part, il faut le créer.
Effectivement, ce n’est pas un cas très fréquent mais quand il se produit, il faut prévoir un long moment devant soi. Outre les infos classiques et faciles, il faudra indexer, créer les autorités, etc.
Enfin, quelque chose qui n’est pas du catalogage mais qui intervient au même moment, la cotation.
La BnF indique certes un indice Dewey, parfaitement construit et intellectuellement satisfaisant. Seulement il est très rare qu’il corresponde au plan de classement local : inutile de mettre un bel indice à 9 chiffres si l’on peut se contenter d’une cote plus générale, plus lisible pour l’usager. Là encore, ce n’est pas du simple copier/coller d’une récupération quelconque.
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Pour terminer, je dirai que quand il vous passe 500 livres par an entre les mains, pour lesquels vous devez obligatoirement passer par ces étapes, le catalogage occupe une belle partie de votre temps, cela même si vous essayez de le faire plus vite que votre ombre. Et entendre qu’il est mort, comment dirais-je, ça vous hérisse les épingles du chignon !
Ainsi, même si l’on a considérablement simplifié les procédures, il reste quand même des étapes incontournables. Celle qui concerne les autorités auteurs en est une, sinon le risque est grand de se retrouver avec des doublons d’auteurs (notamment dans le cas des noms de jeune fille et d’épouses) ou des notices d’ouvrage liées à la notice autorité d’un homonyme.
On pourra me rétorquer que ce que j’évoque ne sert à rien puisque 95% des usagers n’utilisent pas la recherche avancée. Il y a fort à parier cependant que les 5% qui l’utilisent soient, ou les enseignants-chercheurs, ou les bibliothécaires. Les premiers sont ceux qui sont chargés d’enseigner aux étudiants qui utilisent la recherche simple, les seconds sont ceux qui aident les étudiants quand ils n’ont précisément pas trouvé par le biais de la recherche simple. Finalement, ces outils ne servent peut-être pas souvent mais ils servent, je crois, beaucoup.
Pour prolonger ma râlerie, je ne saurai que trop vous conseiller la lecture du billet de Vingt-sept point sept, qui revient sur l’importance des autorités auteurs pour l’identité numérique des chercheurs.

Les bibliothèques à l’heure du numérique, II : le retour !

Après le succès de la journée organisée le 14 juin, cette deuxième journée, organisée conjointement par l’ABF Paris et Ile-de-France, traitait cette fois des nouveaux métiers et des nouvelles compétences. Voici quelques notes prises au fil des interventions. Elles peuvent comporter leur lot d’imprécisions, n’hésitez pas à proposer des corrections si vous étiez présents à la JE.

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Introduction
Yves Alix, Le numérique et les bibliothèques, qu’est-ce à dire ?
L’introduction d’Yves Alix se trouvant en ligne dans son intégralité, je ne reprends pas mes notes de son intervention, qui sont forcément plus parcellaires.
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Dominique Lahary a également projeté une présentation en ouvrant la journée.

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Nouveaux métiers
Lionel Maurel, « Conservateur de bib numérique, un nouveau métier ? »
Conservateur de bibliothèque n’est pas un métier nouveau mais la place que prend la bibliothèque numérique a un impact au quotidien sur les fonctions. La fonction de Lionel Maurel s’intitule coordinateur scientifique. La place qu’y prend le numérique est une sorte de réalité innommée.
Aujourd’hui, beaucoup d’agents de la BnF participent à la numérisation et tous les départements sont concernés par le projet Gallica qui est de plus en plus transverse. Au département de la coopération, il s’agit de développer la dimension collective de Gallica (projets de numérisation, intégration de docs extérieurs, programmes thématiques de numérisation concertée). Par ailleurs, des actions de médiation sont mises en place autour des contenus qui ont été produits. Valoriser Gallica constitue un véritable défi car la collection est riche de plus de 1,3M d’objets. C’est un ensemble complexe qui ne constitue pas encore une collection en soi, sur lequel il y a donc un vrai travail de conservateur à mener.
La valorisation par le blog Gallica permet de présenter des corpus : des compétences sont à développer, notamment des compétences d’écriture. Parallèlement au blog, la lettre de Gallica (18000 abonnés) est toujours envoyée : les utilisateurs de Gallica ont besoin d’une valorisation des contenus qui ne soit pas entièrement 2.0. Ces différents modes de valorisation des contenus permettent de pallier le syndrome de la page blanche : quand on arrive devant un moteur de recherches, on n’a pas forcément d’idées de requêtes à taper. L’architecture de l’éditorial de Gallica est encore à imaginer : il reste à déterminer sa forme, à définir le bon niveau de granularité, etc…
D’autres pistes pour la valorisation sont explorées, par exemple numériser au niveau global et valoriser au niveau local. Manioc (Antilles-Guyanes), la BNSA (Aquitaine) récupèrent des contenus et les valorisent localement.
La médiation numérique doit faire partie de la stratégie de diffusion d’un document. Lorsque les épreuves d’imprimerie des Fleurs du Mal annotées par Baudelaire ont été mises en ligne, elles n’ont pas rencontré beaucoup d’écho alors qu’elles étaient bien indexées par les moteurs de recherche. C’est le signalement sur twitter et facebook qui a fait connaître le document.
Trouver une nouvelle valeur d’usage aux documents constituera un aspect essentiel du travail dans les années à venir : extraire certains documents de la collection et les valoriser au bon moment génère beaucoup de consultations.
La bibliothèque numérique a le potentiel de devenir un média social : c’est-à-dire une plateforme qui fait de la co-création contenu, où le conservateur aujourd’hui est un peu un community manager.
Le prochain défi est de mettre en place une chaîne éditoriale interne. Pour l’instant, seul un binôme s’occupe de la diffusion sur les réseaux sociaux mais une augmentation à l’échelle d’un service est prévue. Les compétences et les approches pour ce type de tâches sont celles d’un comité de rédaction ou du journalisme.
Toutefois, Lionel Maurel explique que, s’il n’a pas le sentiment de changer de métier, des nouvelles compétences sont à acquérir. Certaines peuvent s’acquérir sur le tas, d’autres peuvent être des réinvestissements de pratiques personnelles. La formation, cependant, garde un rôle essentiel.
Pour terminer, Lionel Maurel est revenu sur le terme de « curation », à la mode sur le net en ce moment. Un « content curator » est quelqu’un qui trouve, organise et partage le contenu en ligne le plus pertinent sur un sujet spécifique. Il s’agit du stade ultime de l’engagement d’un internaute. La sélection des contenus sur les réseaux est de moins en moins algorithmique mais de plus en plus humaine. Le modèle que se donnent ces gens-là pour parler du niveau le plus élevé de contribution au web est finalement celui de bibliothécaire (curator = conservateur en anglais).
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Lionel Dujol, médiateur numérique
Nous nous trouvons aujourd’hui dans un contexte de transformations intenses. Les bibliothèques sont confrontées à un nouvel espace-temps en raison des interactions avec les habitants du numérique. Elles ont désormais l’obligation d’aller sur les nouveaux territoires car c’est le premier arrivé qui y occupe l’espace (on peut déplorer que des services publics culturels ne se trouvent pas dans les pages de résultats des moteurs de recherche quand on lance une requête sur un livre, film, etc.
Aujourd’hui, on est face à une crise des intermédiaires traditionnels de l’information : la force de la recommandation entre les amis et la rapidité des moteurs de recherche donnent l’impression aux usagers de pouvoir se passer des intermédiaires traditionnels.
Il est pourtant indispensable pour les bibliothèques de participer à la médiation numérique sur internet, sinon les vendeurs s’en chargent. Il faut donc aller là où sont les usagers. La médiation numérique essaye ainsi de faire rencontrer une offre, la nôtre, et une demande, celle des usagers. Il s’agit de tenter de favoriser la rencontre des deux.
Désormais, on ne peut plus dire que le catalogue et le site institutionnel suffisent. Il ne faut pas avoir une approche universelle de l’usager mais une approche segmentée car nous n’avons pas un usager type mais bien des usagers riches de différences.
Nous avons des ressources, nous devons maintenant produire des contenus. Qu’est-ce que nous pouvons apporter au web ? Tout le travail de la médiation numérique essaie de répondre à cette question. Nous avons un thème, nous voulons le défendre. Comment le promouvoir sur le web ?
On ne peut pas aller sur le web sans se poser la question de l’identité (institutionnelle, thématique, de service, de personnes-ressources).
A Romans, un brainstorming annuel est organisé sur la question de l’animation/médiation : tout le personnel y participe. Une fois les thèmes définis, les groupes fonctionnent de manière transversale. Après seulement, une réflexion est menée sur les outils, puis une chaîne de publication et de validation des contenus est proposée. Sur 42 agents, une vingtaine produit des contenus. Un cahier des charges a été mis en place. Un billet est proposé, puis validé, par un coordinateur.
Le travail de la médiation doit être global : on ne peut pas rester dans les nuages, il faut toujours impacter les services en ligne sur les services réels. A Romans, l’écriture sur un blog a pris tout son sens pour les bibliothécaires dès lors qu’elle a été reliée à des activités traditionnelles : le billet est relié à la critique étiquetée sur le livre et le livre sort.
Le travail du médiateur numérique est donc de mettre en place l’écosystème informationnel et de l’évaluer. Il revient aussi au médiateur d’expliquer qu’il faut être au cœur des communautés d’intérêt et de pratique car la médiation numérique ne peut pas se faire sans pratique et expérimentation au quotidien. Un bibliocamp est donc organisé en interne.
Ainsi, bien classer et bien ranger ne suffit plus aujourd’hui, il nous faut défendre les contenus que nous proposons.
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Guillaume Ruffat, animateur d’espace public numérique
Guillaume Ruffat travaille à Bonneuil-sur-Marne où près de 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté et où on compte 60% de logements sociaux. Ce contexte a un impact sur le travail du médiateur.
La création des EPN a été décidée par un comité interministériel. Ils sont soit autonomes, soit intégrés à des services pré-existants comme les bibliothèques.
Le numérique en médiathèque dans le contexte de Bonneuil-sur-Marne : il s’agit d’un outil d’insertion plutôt que d’un contenu culturel. On rencontre plusieurs types de publics : grands débutants, intermédiaires (usage très centré sur le numérique familial, photos, mails, skype), pratiques (finalité d’insertion sociale ou professionnelles).
C’est un métier qui passe de la filière culturelle vers la filière sociale. A partir de là, le terme même d’animation culturelle pêche peut-être.
Dans son quotidien, l’animateur d’EPN a de nouveaux intérmédiaires : les SSI, les hotlines et les techniciens gérant le portail de la commune.
Au sein de l’établissement, dans chaque section, un référent se charge du numérique. Sur 23 personnes, 2,5 ETP travaillent plus spécifiquement sur le multimédia.
Les profils d’animateur multimédia sont divers : on rencontre des profils de bibliothécaires qui viennent de la lecture publique avec un goût et une pratique personnelle, des profils d’administrateur réseau et des profils d’animateur stricto-sensu. Ces trois profils sont complémentaires mais ils sont rarement dans la même personne.
Le numérique amène toujours plus vers l’humain et il amène un public qui ne venait plus en médiathèque (ados).
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Un temps de débat a été laissé à la salle pendant lequel Jacqueline Bénichou a fait remarquer que les trois interventions reflétaient la tendance de ces dix dernières années. Après avoir placé pendant un temps les outils en premier, on revient tout naturellement au cœur du métier.
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Nouvelles activités, nouvelles compétences
Stéphanie Gasnot, Sciences po
Je n’ai malheureusement pas pu prendre de notes de cette intervention que j’ai manqué en partie.
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Bernard Huchet, collecter des sites web
Bernard Huchet est conservateur à la bib de Caen.
La constitution de collections est réalisée sous l’angle patrimonial : il s’agit de disposer de documents qui assurent une continuité historique avec une capacité de consultation rétrospective. La constitution de collections est faite pour le public de demain, qui nous est encore inconnu.
Les fonds régionaux ont une vocation exhaustive : tous les aspects de la documentation et de l’activité régionale dans le domaine de la connaissance doivent être présent dans ces fonds. Rapidement s’est posée la question de la multiplicité des supports.
Internet en fait naturellement partie car les publications régionales en ligne sont nombreuses et on découvre des productions d’objets documentaires relativement inédits.
Dans un premier temps, la bibliothèque avait procédé en établissant une liste de signets mais elle déplorait la volatilité de cette information qui n’offrait pas la possibilité d’avoir une consultation rétrospective.
Elle avait donc l’obligation d’être capable de collecter et conserver par un mode d’archivage adapté les documents numériques qui paraissaient nécessaires à la complétude du fonds régional.
Parallèlement, le dépôt légal du web a été mis en place et la BnF a fait appel aux bibliothèques dépositaires du dépôt légal en région pour une aide à collecter des sites web, notamment ceux consacrés aux élections. Les premières collectes ont débuté en 2004, avec l’enthousiasme pionnier d’un travail expérimental.
Le travail essentiel de l’équipe est un travail de défrichage du web régional pour établir des listes d’un certain nombre de sites que la BnF viendrait ensuite collecter avec les robots.
Au fil du temps, la méthodologie pour la collecte des sites web s’est développée. Les notions de profondeur et de périodicité sur lesquelles les bibliothécaires devaient travailler ont été affinées. Collecter des sites web, en effet, c’est apprendre à gérer le bruit.
Un problème perdure : pour l’heure, il n’y a pas de consultation des sites collectés pour le public des bibliothèques de région.
Le projet de nouvelle BMVR à Caen est d’intégrer l’archivage d’une certaine quantité de sites internet qui sont complémentaires du fonds régional et qui doivent y figurer avec une indexation aussi satisfaisante que pour les autres supports. Il faudrait aussi en permettre la consultation rétrospective même après que le site n’est plus en ligne. Il s’agit finalement de constituer une sorte de dépôt régional pour assurer une complémentarité avec le fonds normand.
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Daniel Le Goff, regard sur la façon dont est structurée la FPT en regard du fonctionnement de l’internet
La FPT a un fonctionnement traditionnel qu’on peut qualifier de vertical. Les missions sont centrées sur les collections. C’est une hiérarchie qui ne fonctionne plus vraiment face à internet : de la rareté (vous aurez le livre dans un mois) à l’abondance (la ressource en ligne est disponible tout le temps).
Internet se caractérise par l’abondance, la reconnaissance par les pairs, l’instantanéité de la diffusion, contrairement au temps administratif et ses délais de la décision à son application sur le terrain.
Le dilemme qui se pose lors de la mise en place de services numériques est de réussir à croiser la hiérarchie et ses validations face à l’horizontalité et l’instantanéité d’internet.
Les compétences existent : les collègues ont parfois des comptes twitter, facebook, des blogs personnels, mais leurs compétences restent souterraines. Elles doivent être au service d’un projet. Le directeur, lui, doit reconnaître ses limites : il ne maîtrise pas tous les outils, pas plus qu’il ne maîtrise toutes les subtilités du catalogage…
Il faut désormais intégrer la transversalité dans le fonctionnement de la bibliothèque, admettre la multiplicité des agents et des usagers, construire des groupes de travail où les geeks d’origine sont présents mais ne sont pas moteurs (ce groupe de travail ne doit pas se construire contre les cadres vieillissants !), oser expérimenter, faire attention à l’euphorie. Il faut créer des comités de rédaction et faire accepter le collectif et l’évaluation.
On est en train d’inventer la politique de communication, la polcom, après la poldoc.
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Débat
Gildas Illien : qu’abandonner pour s’investir dans un travail numérique ?
DLG : ce n’est pas une cerise sur un gâteau mais un énorme travail. Si on ne catalogue plus, on dégage du temps.
Didier Desmottes va dans ce sens et prône la fin du catalogage, les automates de prêt car on est à moyens constants, voire à moyens descendants.
Lionel Maurel : sur les outils du web 2.0, il est indispensable de maintenir un niveau important de publications. Facebook : tous les jours ; twitter : 5/10 interventions par jour.
Lionel Dujol : il faut ajouter la reconnaissance de la production de contenus dans les profils de postes. Par ailleurs, si tous les agents participent au projet, le travail qui incombe à chacun est moins lourd.
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Nouvelle organisation ?
Schéma numérique : collecter, conserver, coopérer et signaler, communiquer/diffuser, valoriser.
Un service de la bibliothèque numérique a existé à la BnF puis il a été supprimé puisque le numérique est partout. La place du numérique a été multipliée par 10 ans par 10 en ce qui concerne le nombre d’agents impactés. Les différents acteurs du numérique ne sont pas soumis au même temps : certains travaillent en mode projet, d’autres sont soumis aux marchés publics, d’autres encore sont en production.
Les différents pans du métier sont de plus en plus mêlés. La démarche en cours à la BnF est d’inscrire le numérique dans la démarche des activités des agents. La posture à l’égard du changement est importante : il faut se mettre en mesure de l’accueillir positivement, tout en conservant un esprit critique.
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Didier Desmottes, organisation du travail et outils numériques
Maîtriser les outils qu’utilise le public est très important pour véhiculer une image plus contemporaine.
A Alès, le premier outil déployé a été la suite Google : gmail, Google documents. Un plan de formation a lieu tout au long de l’année avec des sessions courtes de 1h30 sur une fonctionnalité précise.
Chaque bibliothécaire dispose désormais d’un environnement personnel d’information, agrégateur de flux RSS entre autres, accessible partout.
Il est indispensable de former les personnes qui sont devant le public à répondre à des questions sur le numérique.
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Deborah Shorley, Imperial college
98% des collections de périodiques est numérique. Il s’est opéré un grand changement de la gestion des collections d’imprimés stockées dans les bibliothèques à la gestion des ressources d’information virtuelles partout et nulle part.
Les chercheurs ne viennent jamais à la bibliothèque bien qu’ils s’en servent en permanence mais il faut leur montrer que c’est nous qui leur offrons cet accès. Les étudiants, eux, viennent tout le temps.
L’avenir est incertain quoiqu’on en dise : nous avons besoin de prévoir un modèle de bibliothèque souple.
Chaque institution et chaque bibliothèque a son propre contexte et sa culture unique : l’organigramme taille unique ne convient à aucune bibliothèque. Que faire alors ? Être aussi réactif que possible. Les organigrammes d’aujourd’hui ne seront plus adaptés d’ici dix ans. Il faut personnaliser les services et concevoir des solutions créatives. Il faut aussi parfois reconnaître qu’on a été doué dans certains domaines qui ne valent plus rien maintenant.
Importance de l’information literacy : les usagers vont utiliser des services qu’on leur offre. Il faut les aider à les appréhender.
Ce qui importe avant tout, ce sont les services aux usagers. Ils doivent s’accompagner d’un marketing énergique à destination des lecteurs.
Les demandes des lecteurs évoluent très vite mais les bibliothèques mettent trop de temps à s’adapter (il faudrait pouvoir licencier des catalogueurs pour recruter de nouveaux métiers).
Dans un contexte de crise, il faut prévoir des solutions transitoires, hybrides et peu coûteuses.
Nous, bibliothécaires, serons à l’avenir des professeurs expérimentés, doués en marketing, disponibles partout et surtout débrouillards. C’est indispensable si nous ne voulons pas finir comme le dodo.
Finalement, rien n’a changé mais tout est différent. Notre rôle reste le même : il s’agit de fournir aux lecteurs les informations dont ils ont besoin. C’est la façon de le faire qui a changé.
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Nouvelles formations ?
Jenny Rigaud, CNFPT de Nancy
Les bibliothèques représentent 3% des formations dans les CNFPT.
Jenny Rigaud a une compétence nationale sur les bibliothèques, à Nancy où se trouve le pôle culture.
Cette année, des modules spécifiques de trois fois trois jours ont été mis en place (c’est la fameuse Biblioquest, que vous connaissez déjà si vous lisez la dream team de la biblioblogosphère) : il s’agit pendant ces itinéraires d’accompagner des directeurs d’établissement pour qu’ils puissent ensuite eux-mêmes décliner des formations dans leurs établissements.
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Armelle de Boisse, Enssib
La proximité entre la formation initiale et la formation continue s’est renforcée, de même qu’avec le service des éditions.
En 2009, 620 professionnels ont été formés. Chaque année, une cinquantaine de stages sont proposés, notamment un sur la numérisation et la constitution de bibliothèques numériques.
Le développement d’une offre à distance est en cours.
Quelques stages sur le web 2.0, sur la numérisation sont spécifiques.
En ce qui concerne la formation initiale, les conservateurs bénéficieront de nouvelles formations pour les conservateurs en 2011 avec des profils spécifiques : patrimoine, numérique, services.
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Christophe Pavlidès, Mediadix
Dans le catalogue de Mediadix, il n’y a pas une rubrique numérique car il est à la fois partout et nulle part. Il s’agit d’introduire le numérique dans toutes les formations où c’est nécessaire.
Les plans de formations des universités élaborés par les correspondants formation sont précieux pour Mediadix.
Un hiatus perdurent parfois entre les représentations qu’on a des besoins et les besoins réels : on n’enverra pas forcément un magasinier à un stage sur le web 2.0.
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Clôture, Patrick Bazin
La médiation et la production de contenus intermédiaires reviennent aux bibliothécaires : nous ne sommes pas des journalistes ou des écrivains. Nous avons par contre à guider. Il y a un gros travail à faire sur la façon de produire ces contenus intermédiaires et sur la manière de les diffuser.
Désormais, s’il s’agit de former les bibliothécaires à de nouvelles compétences, il faut aussi introduire dans les bibliothèques des métiers différents (marketing, communication, formations).
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Pour avoir un autre point de vue de cette JE, je vous recommande vivement d’aller faire un tour par ici.

Candide

Voilà une conversation qui aurait mérité de figurer, à mon sens, dans la série Candide et le conservateur (dont on ne peut que regretter la grève du scénariste !).
Un jour que ma mère relisait pour moi un document professionnel – j’ai horreur de relire et j’ai une mère patiente, elle me posait la question suivante :
« – Pourquoi tu parles toujours de services « aux usagers » ?
– Parce qu’ils sont destinés aux lecteurs.
– J’entends bien, mais à qui d’autre qu’aux lecteurs tu pourrais rendre service ?
… »
Je n’ai pas osé lui dire que la notion était relativement nouvelle.

Papivore

« La lecture sur écran est encore bien inférieure à la lecture sur papier. Même moi, qui ai ces écrans coûteux et m’imagine en pionnier du mode de vie Internet, dès qu’un texte dépasse quatre ou cinq pages, je l’imprime et j’aime à l’avoir avec moi et à l’annoter. Et c’est une difficulté réelle pour la technologie que de parvenir à ce degré de commodité. »
Mais qui donc a pu dire une chose pareille, d’après vous ?
Google vous donnera la réponse, bien sûr, mais c’est plus drôle si vous cherchez un peu ;-)
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Réponse (15 janvier) : il s’agit de … BILL GATES (anecdote piquée dans « Apologie du livre » de Robert Darnton).
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