Retour d’expérience

J’ai eu la très heureuse surprise d’être invitée à parler du web 2.0 et de mon expérience de blogueuse à l’INHA, dans le cadre des ateliers « Les TIC et l’art » organisés par Invisu. Un très grand merci à l’équipe d’Invisu pour ce moment très intéressant !
Nous étions trois à intervenir à cet atelier, Antonio Mendes da Silva, Hélène Morlier et moi. Tandis que j’ai fait le point sur le web, le web 2.0 et le web sémantique, Antonio a présenté les outils principaux relatifs aux blogs. Hélène  Morlier a pour sa part témoigné de sa création sur facebook d’un groupe dédié aux guides de voyages anciens.
Je ne vais pas m’étendre ici sur la partie web 2.0, notre présentation est déjà en ligne, mais plutôt sur mon retour d’expérience en tant que blogueuse. En effet, passée l’inquiétude de devoir présenter sa-vie-son-oeuvre, cet exercice m’a conduite à réfléchir sur quatre années de liberlibri. Ce que je vous livre ici est une version très largement développée par rapport à celle que j’ai présentée pour un public de non bibliothécaires.
J’en profite, au passage, pour signaler que, à quelques semaines près, je blogue depuis cinq ans, liberlibri a quatre ans, je suis à Paris depuis deux ans et que ça fait six mois que je travaille à Paris4. Un « tweet-bilan » de tout ça parce que ce n’est pas l’objet du billet : génial :-)
Un peu d’histoire…
J’ai commencé à veiller activement dès octobre 2005 sur Netvibes, puis sur Greader et j’ai ouvert liberlibri au début 2006, le twitter assorti en février 2008.
Je suis restée anonyme pendant deux ans. A l’époque, les blogs avaient encore une réputation sulfureuse et ne connaissant pas encore bien le monde des bibliothèques, je ne savais pas si cette activité serait appréciée. J’ai fait mon blogging-out en juin 2008 après que j’ai été cité nommément en tant que bloggueuse sur des sites institutionnels. Bien que ça ne m’ait apporté depuis que de jolies opportunités, je regrette parfois cette époque du pseudonymat : avec le temps, le blog est devenu plus lisse, très professionnel.
Depuis que j’ai eu le concours de BAS, en juin 2009, j’ai ajouté le blog sur mon CV : étant donné que c’est à lui que je dois beaucoup de mes implications professionnelles, ça me paraissait normal que mes employeurs soient au courant. En entretien, lorsqu’il a été fait mention du blog (jamais par moi qui n’osais pas !), ça a toujours été très positif.

Ligne éditoriale
Quand j’ai commencé à bloguer, je préparais les concours et je cherchais des stages en bibliothèque. L’idée était donc de créer un blog qui serve de vitrine de mon assiduité dans la préparation du concours et qui témoigne de mes curiosités littéraires et autres. Au départ se trouvaient sur le blog autant de critiques de livres que de billets sur la profession (mon projet professionnel n’était pas encore totalement dessiné : territoriale ou état ?) ; à l’heure actuelle, les billets bibliothéconomiques prennent le pas sur le reste. Cependant, le blog reste référencé comme blog littéraire sur beaucoup de sites et, sachant que je ne cesse de regretter d’avoir arrêté mes chères études de lettres modernes, ça me fait on ne peut plus plaisir.
Depuis que je suis professionnelle des bibliothèques, ma ligne éditoriale n’a jamais varié, il s’agit pour moi de parler de ma profession, jamais du travail quotidien (devoir de réserve).
Cette position vis-à-vis du devoir de réserve est très variable selon les blogueurs. Dans son article « Du monologue au débat professionnel » , Daniel explique qu’il conçoit son blog comme un « carnet public de notes de travail » et qu’il s’en sert pour diffuser ses expériences professionnelles afin qu’ils puissent être connues et adaptées par les collègues.
Pour être honnête, c’est souvent mon quotidien qui inspire les billets du blog, Manue dirait « le travail nourrit le blog » : il est à l’origine d’un questionnement, d’une recherche mais ce qui apparaîtra dans mes billets traitera de la profession. Le fait de parler de la profession, pas du travail, m’oblige à réfléchir sur mes pratiques, à prendre du recul et à les confronter à d’autres points de vue pour la rédaction des billets…
Enfin, un autre moteur de l’écriture des billets est ma lecture des autres biblioblogs et, plus largement, de ma veille professionnelle. Je suis dans un perpétuel mouvement de balancier entre lecture et écriture : la lecture me donne envie d’écrire, l’écriture crée de nouveaux besoins de lecture. Cette oscillation entre lecture/écriture m’est devenue absolument indispensable, même pour travailler au quotidien. Sans la réflexion qui naît de cette pratique, j’ai une impression d’étouffement.
Quelques statistiques
Actuellement, 354 billets, 681 commentaires.
Visites et visiteurs ces trois derniers mois :
Décembre : 943 visites/893 visiteurs
Janvier : 676/648
Février : 911/853
C’est peanuts ramené à l’échelle du web, surtout si on les compare aux 10.000 visiteurs mensuels de Silvère ;-)
Temps moyen par visite : 5/6 minutes, donc vous lisez !

Un lieu de réflexion
Sur ce point, je crois que tous les blogueurs se rejoigent, le blog est un carnet de bord, un espace d’accompagnement de la réflexion. Personnellement, il me permet aussi de fixer mes souvenirs sur des sujets qui me paraissent importants (la série de billets à venir sur la recherche d’information en sera sans doute le meilleur exemple).
Si je me retourne sur ces quatre ans de blog et de veille qui sont indissociables l’un de l’autre, je crois que, grâce à la veille et à la mise en forme de la réflexion dans des billets, mes connaissances sont actualisées, ce qui m’a été très très précieux pour les oraux de concours.

Identité numérique
En ce qui concerne l’identité numérique, j’ai la sensation que la mienne est toujours en train de se construire : je suis passée d’une sorte d’adolescence numérique (utilisation spontanée des outils liée à l’anonymat – coups de gueule, etc.) à un mode de publications (où qu’elles soient) plus maîtrisées.
Une chose sur laquelle je ne transige pas par contre est le caractère privessionnel du blog, c’est-à-dire que je m’y exprime à titre personnel, sans jamais engager mon institution, ni l’association dont je suis membre, sur des questions professionnelles. Pour moi, cette pratique privessionnelle conduit souvent à un questionnement sur ce que je peux dire et ne pas dire.

Un lieu d’échange et une nouvelle façon de travailler
Autre avantage du blog, la constitution très rapide d’un indispensable réseau de collègues : il y a plus de facilité à questionner quelqu’un présent sur twitter ou à laisser un commentaire sur un blog qu’à oser envoyer un mail à un collègue inconnu.
Au fil du temps, je me rends compte que je m’affranchis des canaux traditionnels de communication : j’interroge de plus en plus souvent les collègues via leur messagerie personnelle, twitter ou par chat. Pour résumer, je vais les voir là où ils sont et je suis toujours étonnée de la puissance de ce réseau qu’est twitter pour les bouteilles à la mer : jusqu’à présent, j’ai toujours eu la réponse à une question posée dans la demi-heure.

Points négatifs
Il faut bien qu’il y en ait. L’investissement en tant que blogueur est non négligeable : je fais une petite partie de ma veille professionnelle au travail mais l’essentiel des lectures et la totalité de la rédaction des billets est faite en dehors. Si dans les années à venir, j’ai un mari, quatre enfants, un labrador et un monospace (!), il est probable que la pratique du blog s’en ressentira…
Bien que je réussisse mieux à gérer les réseaux au fil du temps, j’éprouve parfois la sensation de ne pas arriver à faire une vraie coupure. Dès que l’ordinateur est allumé, le réseau est actif : j’aurais dû systématiquement créer des comptes professionnels et personnels sur tous les réseaux sociaux (je le fais désormais quand c’est encore possible) mais c’est difficile une fois qu’amis et collègues sont mélangés (facebook par exemple). Pour moi, cette connexion presque permanente avec les autres membres du réseau de biblioblogueurs présente les avantages et inconvénients de l’open space : instantanéité, échanges fructueux mais aussi difficultés de concentration. Il reste cependant facile de déconnecter des réseaux sociaux, il suffit d’un peu de discipline !
Un autre point qui me chiffonne par rapport au web 2.0 est cette course perpétuelle à l’outil et le fait que les services web 2.0 ne savent plus rester à leur place d’outils. Il est donc difficile de se concentrer sur le fond, sur la réflexion, quand toujours la forme, la nouvelle fonctionnalité vous réclament : ce n’est pas innocent, ne nous leurrons pas, la gratuité en échange de notre attention est un des points communs à tous les réseaux sociaux (voir à ce sujet l’article de Philippe Chantepie, « Web 2.0 : les économies de l’attention et l’insaisissable internaute-hypertexte » dans Esprit, mars-avril 2009). Il me semble néanmoins que cet inconvénient reste gérable si l’on garde les objectifs de départ à l’esprit : personnellement, il m’arrive de décider de ne pas changer pour un nouvel outil, tout simplement parce qu’il est trop gadget et que je lui préfère un vieil austère !
Dernier point négatif, le fait que la toile cristallise des passions qui n’oseraient pas s’exprimer aussi vivement dans la vie réelle. Il peut arriver que les billets suscitent des réactions très négatives. Une fois passé la surprise, ces échos acerbes sont intéressants à consulter car ils permettent de saisir ses propres limites, de lire ce que ne vous diront pas vos proches.
En regard des apports, tous ces points négatifs restent minimes et relativement anecdotiques.
Une légitimité ?
Question plus délicate que se posait déjà Daniel dans l’article mentionné supra. La rapidité avec laquelle on est cité, invité dès lors qu’on est blogueur est étonnante.
Dans mon cas, quelques mois après sa création, le blog a été référencé sur Bibliopedia : c’était sa première reconnaissance.
C’est parce que j’ai blogué que j’ai été invitée à faire partie du groupe de travail Bibliothèques hybrides, que j’ai eu la possibilité d’écrire et de faire des formations sur le web 2.0. On a tout simplement pensé à moi parce que j’étais visible. Si je n’avais pas eu cette vitrine, rien de tout cela ne me serait arrivé, en tous cas pas en deux ans à peine d’ancienneté dans les bibliothèques !
Bilan ? Dans les moments d’angoisse, je me dis que je suis peut-être un amateur éclairé mais que je ne suis pas spécialiste (contrairement à lui ou lui par exemple). Quand je me détends, je pense que si les collègues me font confiance, c’est qu’ils me jugent capable. Il n’empêche que j’ai la ferme intention de reprendre des études pour être en adéquation avec moi-même.
C’est sans doute aussi la raison principale qui a motivé mon engagement dans l’ABF, confronter ma pratique de blogueuse à l’institution, ne plus rester dans le virtuel avec mes colères et mes découvertes. Je trouvais que le blog et le réseau m’apportaient beaucoup mais j’avais besoin  et envie de m’impliquer IRL.
On entend dire beaucoup de choses des associations professionnelles, effectivement elles sont imparfaites et en cela, elle nous ressemblent. Personnellement j’ai tendance à penser que le meilleur endroit pour s’y faire entendre est d’être à l’intérieur. Si l’on regarde le travail accompli par Franck avec les hybrides, c’est flagrant : depuis 2008, l’ABF a un blog pour ses congrès, il y a chaque année plus de blogueurs dans les groupes régionaux et le nouveau président est sur facebook ! Les gens qui les composent ont beau être assez différents, je m’amuse de constater que les réseaux finissent bel et bien par se rejoindre.
Pour conclure ce billet déjà trop long, je dirai qu’à l’heure actuelle, biblioblogosphère, profession et engagement associatif sont indissociablement liés pour moi. Partout, des satisfactions et des désillusions mais sur le long terme, une impression formidable d’échange, où que ce soit :-)
Apostille : quels outils pour quels besoins ?

  • Agrégateur : sans lui, point de salut. Outil indispensable pour une veille efficace. Greader
  • Blog : complémentaire de la veille, nécessaire mise en perspective des lectures faites. WordPress, hébergé par mes soins.
  • Twitter : réseau, échanges, entraide, infos fraîches
  • Facebook : rejoint Twitter
  • LinkedIn : réseau professionnel
  • Delicious/Diigo : archiver, classer
  • Flickr : photos
  • Librarything/Zotero : bibliographies
  • Tumblr : carnet de citations
  • Slideshare : présentations
  • Friendfeed : relier tout ça.
Remerciements spéciaux à mon relecteur attitré ;-)