Bibliothéconomie & Cie. - Dir. publ. et réd. en chef Cécile Arènes. - Paris : [s. n.], 2006 - ... .

Auteur/autrice : Cécile Arènes (Page 17 of 42)

« Les bibliothèques à l’heure du numérique : évolution des publics et des services »

Mes notes prises à la volée, lors de la journée d’étude organisée par l’ABF Paris, qui a eu lieu aujourd’hui à la BnF. Possibles coquilles de ma part. Les diaporamas seront bientôt en ligne, ainsi que la vidéo de la journée. Et pour les papivores, je pense qu’il y aura un compte-rendu dans le BBF.
A noter qu’il y aura une 2e journée à l’automne sur l’évolution des métiers dans le contexte du numérique.
Les pratiques culturelles des Français à l’heure du numérique : synthèse de quelques études récentes. Cécile Touitou, chef de projet Public et démarche qualité, délégation à la stratégie et à la recherche, BnF
J’ai manqué la plupart de cette intervention, quelques notes de la fin.
La proportion des femmes qui vont à la bibliothèque est plus importante que celle des hommes.
Plus on est diplômé, plus on est susceptible de fréquenter la bibliothèques.
Les pratiques culturelles évoluent dans le temps (exemple de la télévision).
Des tendances comme la baisse de la lecture des journaux, etc. étaient visibles depuis quelques années. Si la révolution du numérique a certes eu des impacts, elle n’est pas l’unique responsable de ce qui est en train de s’opérer.
Le public du livre numérique : résultats d’une étude commanditée par le CNL. Julien Barbier, chef de projet Performance et contrôle de gestion, délégation à la stratégie et à la recherche, BnF
Le rapport remis à Bruno Patino sur le livre numérique en 2008 envisageait à l’époque les aspects économiques, ainsi que les questions de l’offre et de la demande.
Trois objectifs pour la présente étude : – évaluer la notoriété et l’attrait, – décrire les publics, – comprendre les opinions et les attentes des publics. Méthodologie en trois étapes : après une étude de cadrage, une analyse des publics puis un approfondissement des attentes du public.
La définition du livre numérique reste relativement partagée pour les personnes interrogées : il est plutôt vu comme un contenu que comme un contenant (comme un fichier numérique plutôt que comme une tablette).
Le taux de pénétration est relativement faible, à peine 5% de la population française a utilisé des livres numériques. 15% des Français déclarent avoir un intérêt potentiel pour livre numérique tandis que 66% ne se disent pas du tout intéressés. Parmi les personnes ayant déjà lu un livre numérique, 53% des personnes ne se déclarent pas intéressées par cette pratique.
Les publics actuels se fournissent sur les sites internet gratuits de type Gallica, projet Guntenberg, pratiquement pas sur les sites payants.
La bibliothèque a un rôle important car elle est souvent le fournisseur, ou l’initiateur des usages des documents numériques.
Attentes des publics concernant les livres numériques : des contenus moins chers, mais aussi des supports de lecture moins chers, une offre plus riche et diversifiée. Attente principale concernant les terminaux : le confort de lecture.
Freins : manipuler des livres papier ! Ce frein est à pondérer par une peur d’un confort moindre sur une liseuse.
Trois familles de publics pour le livre numérique : les distants, les pragmatiques, les affectifs.
Aline Girard, directrice du département de la coopération, BnF. Animatrice de la matinée.
Une étude a été réalisée suite à la commercialisation de l’Ipad : l’usage principal est le surf (83%), suivi des emails (71%), puis de l’apple store, des ebooks (33%) et de l’écoute de musique (28%). Les premiers usages qui émergent sont ceux d’un PC. Les contenus culturels (vidéos, livres, jeux) arrivent après.
Dans les derniers Livres Hebdo, beaucoup de données sur le livre numérique. A BookExpo aux Etats-Unis cette année, les éditeurs disaient s’attendre à du 50/50 entre papier et numérique d’ici peu.
La deuxième bibliothèque. Jean-Pierre Sakoun, consultant senior, société Savoir-Sphère
Les bibliothèques deviennent de plus en plus transparentes et ouvertes mais il reste des limites.
Comment, sans renoncer à la bibliothèque physique qui reste au cœur des besoins et de la demande, passer au-delà des limites et des murs ? Il s’agit de la compléter pour offrir aux usagers une bibliothèque globale qui soit partout et tout le temps, à la fois matérielle et virtuelle. Créer une deuxième bibliothèque, c’est-à-dire un outil de l’expansion illimitée de la bibliothèque et des services qu’elle offre.
Cette deuxième bibliothèque comprend les outils qui se sont développés au cours des vingt dernières années :
– informatique : dématérialiser les procédures,
– numérisation : dématérialiser les contenus,
– automatisation,
– internet et réseau : utilisateurs entre eux, utilisateurs et contenus sur des interfaces souples et mouvantes,
– web 2.0 : inscriptions des services mêmes de la bibliothèque sur le réseau,
– outils nomades : la bibliothèque vient au lecteur,
– réseaux sociaux : présence de la bibliothèque sur les réseaux sociaux, la bibliothèque est là où le public passe.
La bibliothèque globale est une bibliothèque où toutes les technologies se sont coagulées. L’épistémologie des techniques a montré que les technologies précèdent toujours les usages. En bibliothèque, les technologies qui ont vu le jour ces vingt dernières années ont toutes fini par faire sens.
Caractéristiques des générations Y et C : désaffection de la valeur travail au profit du développement personnel, individualisme, radicale dépolitisation, rapports sociaux relâchés, exigence d’une satisfaction immédiate des aspirations. Dans ce cadre, il peut être nécessaire de repenser les services.
La deuxième bibliothèque présente l’avantage d’être ouverte tout le temps et partout. Des bibliothèques comme celle de Singapour proposent des millions de documents accessibles en tout lieu et à tout moment.
A Brême (Allemagne), le nombre d’annexes est passé de 25 établissements de petite taille à 6 très grands. La collection physique a été réduite de 1 million d’ouvrages à 500.000 mais les capacités d’acquisitions sont bien plus grandes (les fonds tournent et sont régulièrement désherbés). La fréquentation a été décuplée. Les bibliothécaires de Brême ne cataloguent plus, n’équipent plus, ne prêtent plus (ces tâches sont effectuées par des services techniques centraux, ou par des automates de prêt). Les bibliothécaires sont avec le public tout le temps, dans la bibliothèque physique, comme dans la bibliothèque virtuelle. Il n’y a désormais qu’une seule bibliothèque, l’une étant indissociable de l’autre. A Brême, les recherches dans la bibliothèque physique ont chuté mais elles augmentent dans la 2e bibliothèque. Les statistiques de Brême traitent donc sur un pied d’égalité absolu les deux bibliothèques. On constate un recul limité des prêts physiques, une explosion du nombre de prêts virtuels, une croissance régulière de la fréquentation de la bibliothèque physique, une explosion du nombre de visiteurs de la 2e bibliothèque, un succès des automates et une grande satisfaction des usagers qui trouvent les bibliothécaires serviables.
La remise en cause des métiers des bibliothèques est indispensable pour que ce modèle fonctionne.
Le bibliothécaire équipé d’ipad est désormais dans le public, pas derrière un bureau.
Les bibliothécaires doivent parvenir à reconnaître les résultats de la 2e bibliothèque comme ceux de la bibliothèque physique car c’est cet ensemble qui fera le succès de la bibliothèque.
Réponse faite à une question : il faut repenser la formation des bibliothécaires et l’appropriation qu’ils auront à faire des contenus de leurs établissements en l’absence de traitement sur les collections.
Etre là où le public passe. Lionel Maurel, coordinateur scientifique Gallica, département de la coopération, BnF.
Présentation des stratégies mises en place actuellement par les bibliothèques.
Coup de tonnerre fin mars dernier, le trafic de facebook a dépassé celui de Google. Il s’est opéré un glissement d’un référencement automatique à un référencement social : ce qui compte désormais, c’est la recommandation des internautes.
Exemple des blogs : le trafic qui provient des moteurs est moins important (internautes attirés par des mots clés automatiques, aussi vite repartis), par contre le trafic venant des réseaux sociaux est élevé et les internautes qui sont arrivés ainsi sont ceux qui passent du temps sur le blog.
C’est la convergence de la production des contenus et du partage de ceux-ci qui a permis l’avènement des réseaux sociaux, le tout grâce au temps réel.
Il est extrêmement important pour un établissement d’être présent sur un réseau : pendant longtemps, la BnF n’a pas eu de profil facebook officiel : elle était quand même représentée sur le réseau, mais par le biais des groupes d’usagers. Si l’établissement n’est pas sur un réseau, il n’a pas la maîtrise de son image (le profil Lapin de la BnF par exemple).
A l’heure actuelle, il est donc nécessaire pour les bibliothèques de disséminer les contenus.
– Stratégie n°1, le site traditionnel :
Un site web classique n’aura pas plus de visibilité qu’un restaurant dans une petite rue. Le contenu (les menus pour filer la métaphore) n’est affiché que sur le site (le restaurant). L’usager doit savoir que la bibliothèque (ou le restaurant) existe pour découvrir le contenu.
La question est de savoir comment donner à voir cette richesse. En effet, l’utilisateur doit souvent trouver le site et taper une requête pour accéder aux documents. Il risque de passer à côté de beaucoup de choses (comment avoir l’idée de taper « estampes », par exemple, si on ne sait pas que l’établissement en possède ?).
Les murs des bibliothèques numériques existent aussi dans l’environnement numérique : il faut penser hors les murs et s’orienter « vers un web sans sites web », pour reprendre ce qu’avait développé Thierry Crouzet. Il faut donc devenir un propulseur.
– Stratégie n°2, celle de la pêche :
Tout bon pêcheur sait qu’il faut occuper des emplacements dans des espaces fréquentés, disséminer des appâts (documentaires) et s’assurer que l’usager pourra suivre la ligne.
Les précurseurs en la matière ont été la bibliothèque du Congrès sur flickr, puis la BM Toulouse en France. Actuellement, 42 bibliothèques et services d’archives y partagent des documents.
Dans le cas de la bibliothèque du Congrès, la stratégie de dissémination est globale : elle est présente sur flickr, Youtube, Itunes.
Comment passer du modèle du restaurant à ce modèle de la pêche ?
En ce qui concerne les répertoires de signets, par exemple, on peut disséminer leur contenu sur des sites sociaux comme Netvibes pour les signets de la BnF, ou comme Delicious pour les signets de la BM de Toulouse.
Il existe des bibliothèques qui sont des anges disséminateurs : la médiathèque du pays de Romans par exemple possède un Twitter, des blogs, elle est aussi présente sur flickr, issuu, dailymotion, google maps… L’efficacité de cette stratégie est payante puisque le blog de la bibliothèque arrive avant la FNAC pour des résultats de recherche de livres sur google. En disséminant ses contenus, la bibliothèque crée un écosystème de liens reliés que Google référence très bien.
Gallica a désormais plusieurs extensions 2.0 : la bibliothèque numérique est prolongée par un blog, un portail netvibes, qui permet d’exposer les flux RSS, et une page facebook, où l’interaction est beaucoup plus forte que sur le blog.
Facebook est un outil très puissant de dissémination. Chaque fois qu’une personne « aime » quelque chose, cela apparaît sur son profil et devient visible pour ses amis (dissémination virale). Grâce à la synchronisation des réseaux sociaux, la dissémination s’exporte sur tous les réseaux (twitter, etc.).
Le partenariat BnF/Wikimedia, avec un versement de 1400 textes et des métadonnées associées, va permettre de tester une nouvelle forme de partenariat avec une communauté d’internautes.
Attention toutefois à ne pas abandonner les dispositifs 1.0, la lettre de d’information de Gallica a plus de 10.000 abonnés et beaucoup y font eux-mêmes référence sur les réseaux sociaux.
– Stratégie n°3, le modèle de la mode :
Permettre aux usagers de venir essayer vos contenus sur le site, les laisser repartir avec ce qui leur plaît. Les contenus portant votre marque, ils seront connus de nouveaux usagers potentiels. L’usager devient lui-même l’agent disséminateur et on peut ainsi profiter de la « pollinisation » qu’il effectue.
Cela nécessite de changer l’architecture du site pour permettre à l’usager de s’approprier les contenus : un espace personnel qui n’est pas partageable par exemple est désormais insuffisant.
Les flux RSS permettent aussi d’être en mesure d’amener à soi l’information pour gagner du temps. Le flux RSS de Gallica offrent par exemple la possibilité de s’abonner à un type de documents, de requêtes, etc.
Il faut enfin permettre l’appropriation des contenus par l’usager. Les usagers doivent pouvoir récupérer les photos et faire un lien vers le site. Le choix d’autoriser et de faciliter la réutilisation des contenus (exemple de Gallica, avec des vignettes exportables notamment), implique une modification des conditions juridiques d’utilisation mais il permet une dissémination accrue.
Conditions de réussite ou d’échec de la présence des établissement sur les médias sociaux :
Ce qui importe avant tout, ce sont les contenus. Un facebook sans contenu est une coquille vide qui ne fonctionnera pas.
Il s’agit pour les créer de mettre en place pour cela une véritable chaîne éditoriale interne. Pour cela, il faut cerner les usages et développer les compétences (twitter/facebook), c’est-à-dire penser la dissémination comme une forme de médiation numérique. Il ne faut pas avoir peur des doublons (plusieurs réseaux) et lever les obstacles juridiques à la dissémination.
Pour le professionnel, être sur un réseau social nécessite une pratique personnelle : il existe de nombreux codes sur les réseaux qui requièrent une appropriation (contrairement à Word, Excel, etc).
Enfin, il faut faire confiance à l’inventivité des usagers et à leur curiosité : un internaute a fait un remix de Gallica sur Youtube avec les partitions et la musique.
Question : le temps de travail induit pour alimenter ces nouveaux contenants est difficile à dégager quand le personnel est toujours très occupé par les tâches traditionnelles.
Aline Girard, en réponse à la question : c’est là tout le cœur du problème, il s’agit d’inventer une nouvelle organisation.
Retour sur l’expérience des learning centres. Graham Bulpitt, directeur des services de bibliothèques, Université de Kingston (Grande-Bretagne)
Il existe des learning centres notamment à Sheffield, Hallam university et Kingston.
L’attention portée à l’expérience d’apprentissage de l’étudiant est une des caractéristiques clés du système éducatif britannique.
Trois éléments : l’enseignant, l’étudiant, l’information. Le modèle d’apprentissage traditionnel où l’enseignant est le maître s’oppose au modèle d’apprentissage autonome où l’enseignant n’est plus qu’un simple guide. Dans ce deuxième modèle, les étudiants participent activement et s’impliquent beaucoup dans leur apprentissage. Dans ce cadre, les bibliothèques, les centres d’information ont un rôle crucial.
Campus électronique : il s’agit de créer un environnement électronique qui recopie toutes les possibilités d’un environnement réel, de façon à permettre aux étudiants de naviguer sans heurts entre les deux (d’une manière qui correspondent à leurs besoins propres). Cela ne signifie pas que le virtuel va prendre la place du réel, il s’agit de permettre à l’étudiant d’avoir le choix.
Le learning centre découle ainsi d’une philosophie qui correspond à un apprentissage actif. Il ne s’agit pas forcément de créer de nouveaux bâtiments mais de penser une nouvelle manière d’organiser les services.
A Shieffield, l’environnement flexible et il intègre un ensemble de ressources. Il a réuni plusieurs activités : bibliothèques et services d’information, e-learning, recherche en éducation, production multimédia. Le centre est ouvert tous les jours de l’année.
Nouveaux modèles de service en BU : le Learning Grid de la Warwick university. Le bâtiment est séparé de la bibliothèque principale et est conçu comme un espace social d’apprentissage. Au Saltire centre de la Glasgow Caledonian university, on trouve un café éducatif, du soutien à l’apprentissage et du soutien aux cours de la bibliothèque, etc.
A Kingston, le centre Nightingale comprend un café éducatif (qui génère 2000 livres de chiffre d’affaires par jour !), des espaces de travail individuels, des salles pour le travail en groupe, un centre d’apprentissage flexible, il offre la mise à disposition de postes informatiques, des bornes d’aide et de conseil. Ouverture 24/24.
Les espaces de la bibliothèque ont subi une transformation, n’étant plus organisés autour des collections mais autour des espaces d’apprentissage. Cela a nécessité l’extension du rôle du personnel de bibliothèque : ses fonctions ont été élargies, notamment en matière de soutien à l’apprentissage. Ses compétences sont désormais très larges : développeur, analyse de métadonnées, chef de projet, bibliothécaire, … Le personnel est encouragé à travailler de manière flexible afin d’acquérir en permanence de nouvelles compétences et de façon à ce qu’il puisse répondre à toutes les types de demandes.
42% des étudiants fréquentent le centre tous les jours et 86% apprécient la qualité de son service.
Accès étendu à des services : les étudiants peuvent apprendre de façon virtuelle et réelle et ils ont la possibilité de s’engager dans différentes activités d’apprentissage sur un vaste choix de supports.
Question :
– rôle des enseignants ?
Graham Bulpitt : ce sont eux qui sont au coeur de l’action pédagogique. Modalités d’apprentissage inscrites au coeur des cursus.
– La bib dans le learning centre ?
GB : Elle en est partie intégrante, fondue dedans.
– Ouverture ?
GB : Equipe spéciale pour les heures de nuit à Kingston : c’est une équipe de professionnels qui assure ces heures, pas la sécurité, ni des moniteurs étudiants.
– Comment s’articulent les différentes professions ?
Suzanne Jouguelet : le département de G. Pulpitt est un département de systèmes d’information où il existe une convergence entre la bibliothèque et les autres services. Cela nécessite également beaucoup de formations.
Le modèle des learning centres est-il transposble en France ? Suzanne Jouguelet, inspectrice générale honoraire des bibliothèques
En anglais, learning signifie un processus d’acquisition des connaissances. C’est un modèle qui intègre fonctionnellement et spatialement un continuum de services : bibliothèques, services multimédia, etc. où les services ont été fusionnés pour mettre l’utilisateur au centre du processus.
Définition ISO (en cours d’élaboration) : zone de la bibliothèque dédiée aux objectifs d’apprentissage des connaissances. Intègre le plus souvent la bibliothèque et les services liés aux nouvelles technologies (avec réseau sans fil, équipements multimédia et des services d’aide aux utilisateurs par des bibliothévaires ou des spécialistes des technologies). […] Équipement distinct à intérieur ou à l’extérieur de la bib, ou une partie intégrante de la bibliothèque.
Le succès des learning centres est surtout patent dans les établissements qui ont une proportion importante d’étudiants étrangers et des filières professionnalisantes (et non pas à Cambridge, par exemple). Dans ces établissements à vocation professionnelle, le lien avec les enseignants est plus facile : les enseignants qui sont souvent des professionnels eux-mêmes reconnaissent d’emblée les bibliothécaires comme des professionnels.
Les learning centres cherchent à viser les étudiants, mais aussi les chercheurs et le grand public. A Tillburg (Pays-Bas), le learning centre est orienté en partie vers les enseignants-chercheurs (espaces dédiés, réseaux sociaux, etc.). A Birmingham (BM), un projet intéressant de fusion entre un learning centre et un théâtre est en train de voir le jour. Le Rolex de Lausanne veut accueillir un large public, en plus des étudiants.
Missions :
-orientées vers l’usager,
-documentaire papier et électronique (la question se pose actuellement de l’e-only pour les périodiques),
-technologies informatiques et audiovisuelles (vidéoprojecteurs pour que les étudiants puissent répéter leurs présentations d’exposés par exemple),
-sociale (bourses notamment),
-culturelle (formule du Rolex : « apprendre, innover, vivre »).
A l’université d’York, il s’agit aussi de disposer de personnels qui encouragent le débat.
Au Rolex, outre un café, une banque et des salles de réunions, une large place est faite aux associations d’étudiants et d’anciens élèves (ceux-ci ont été consultés en amont du projet pour en faire partie et faire le lien vers le monde du travail avec les étudiants). Le Rolex abrite également les presses universitaires, une librairie et un centre d’orientation professionnelle. Il est situé au cœur de l’université, avec des couloirs et des passerelles qui le relient à l’université. Par contre, c’est une équipe composée de moniteurs étudiants qui y assure le service de nuit. Le prêt/retour se fait par RFID.
L’importance des locaux est extrême : le lieu doit être attractif, on doit avoir envie d’y entrer. L’acoustique a un rôle crucial pour permettre à la fois le travail en groupe et le travail individuel (si travail en groupe, l’acoustique doit être feutrée).
Budgets:
– mécénat (au Rolex par exemple).
– les fonctionnements sont coûteux : pas d’innovation une fois pour toutes, il s’agit toujours de maintenir le modèle mais aussi de le renouveler en permanence.
Rôle central de l’évaluation :
– enquête de satisfaction, focus groupe, entretiens. Quelques mois après l’enquête, plaquette pour le public : voilà ce qui est ressorti, voilà les mesures que nous allons prendre.
Contexte universitaire français :
– retard relatif avec des faiblesses structurelles et avec une culture professionnelle insuffisamment ouverte à la comparaison,
– nécessité de développer l’axe prioritaire de soutien à l’acquisition des connaissances, accessibilité accrue, etc.,
– est-ce qu’un SCD est apte à piloter seul un learning centre ? Il semblerait que non et qu’il lui soit nécessaire de travailler conjointement avec d’autres services.
Un learning centre est-il encore une bibliothèque ? La réponse varie selon les exemples.
En France, à l’heure des opérations campus et des PRES, la mise en oeuvre de learning centres peut sembler possible.
La bibliothèque publique de Delft. Eppo van Nispen tot Sevenaer, directeur de la DOK
La bibliothèque est l’institut public le plus visité dans le monde. Pourtant son image traditionnelle est la suivante : c’est vieux et ça a un problème avec les politiques en temps de crise.
Mission modeste de Delft : être la bibliothèque la plus moderne du monde ! Etre un meilleur ami pour l’usager que Google.
Services (F5) : fat, fact, fing, FTS, fun. Or les bibliothèques ont du mal avec le concept de plaisir.
Plug & play. Pas de règles.
La bibliothèque a une montagne de règles : ça devient un événement d’aller à la bibliothèque parce que c’est le lieu du monde où on ne doit pas … RIEN !
La bibliothèque doit faire preuve de flexibilité.
A la DOK, les couleurs choisies sont le orange et le jaune parce que les gens aiment ces couleurs, contrairement au noir ou au blanc). Il y a une salle de musique, un espace pour essayer les nouveaux appareils (ipad, etc) et jamais de contrôle par les bibliothécaires. Dans le coeur de la bibliothèque se trouve un espace où on peut organiser des concerts, etc. Le wifi est gratuit (pour les usagers inscrits). Le travail dur et répétitif est fait par les machines et les ordinateurs.
Les bibliothécaires aiment les textes mais il n’est pas dit que les générations futures vont les aimer. A nous de nous adapter à cette génération de l’écran.
Travailler ensemble, comme les mousquetaires : un pour tous, tous pour un. Outside in : les partenaires à l’extérieur (les archives par exemple) arrivent à la bibliothèque via la table tactile. Et les archives ont gagné en visiteurs depuis qu’elles sont virtuellement présentes à la DOK. De même, la bibliothèque travaille en partenariat avec la BU de la Delft. Passer outre la compétition bibliothèque publique / bibliothèque universitaire. La BU est vide quand il n’y a pas d’examens : ils ont profité de ce moment pour monter un partenariat et organiser notamment une conférence sur le jeu vidéo.
Il ne faut pas négliger la question du marketing. Quand on fait un bon marketing, ça rapporte beaucoup et l’investissement de départ est rentabilisé. Le marketing est une vraie profession (c’est pas Philippe ou Marcel de la bibliothèque qui s’en occupe !).
S’il y a un beau café, on attire de nouveaux publics, notamment un public masculin.
Twitter, youtube, facebook, flickr… il reste beaucoup de travail à faire aux Français !
L’avenir est aussi sur les terminaux mobiles. L’heure du numérique est 24h/24h, 7j/7 alors que les bibliothèques, elles…
Le numérique ne dit rien aux enfants. Pour eux, le numérique, c’est la norme.
Les services numériques aux usagers : l’exemple de la médiathèque de l’Astrolabe de Melun. Florence Couvreur-Neu, responsable des services multimédia de la médiathèque de l’Astrolabe
Le nouveau portail 2.0 de la médiathèque a été lancé depuis deux mois.
A l’Astrolabe, la philosophie est de toujours garder à l’esprit que la bibliothèque n’est pas seulement la maison des livres, c’est aussi la maison des hommes.
Ont été créés pour ce faire trois services innovants :
– le Cyberlab : dès le rez-de-chaussée, c’est un service de création numérique, d’initiation et de veille technologique. L’équipe a été préalablement formée aux outils pour lesquels elle doit assurer de l’aide,
– le kiosque : c’est un espace spécifique sur la presse, mais aussi sur l’emploi et la formation. On y aide à la rédaction de CV par exemple,
– Déclic : c’est un espace d’autoformation, ou on peut bénéficier d’une assistance personnalisée. S’y déroulent notamment des ateliers de relooking du CV. L’aide personnalisée passe par la rédaction de documents et par la traduction parfois – documents de demande d’asile par exemple. La demande d’autoformation la plus importante, 55%, est pour le code de la route, suivi par les langues.
Le nouveau portail 2.0 comporte un service d’autoformation à distance (toutapprendre.com ; vodeclic ; orkypia). On y trouvera très prochainement de la musique en ligne, des livres numériques et de la VOD. Les bibliothécaires sont dans une démarche de développement constant : tout ce auxquels ils penseront ou auxquels les usagers et les non-usagers leur feront penser, explique Florence Couvreur-Neu. Il s’agit finalement de présenter plutôt une mise en offre qu’une mise en service.
Constats : le nombre d’emprunts est stable, le nombre des utilisateurs des services numériques sur place est en augmentation. Depuis la mise en place du service d’autoformation en ligne, les gens viennent davantage sur place.

Une journée d’étude à ne pas manquer !

Organisée par l’ABF Paris et Ile-de-France, le 14 juin aura lieu une belle journée sur le thème :
« A l’heure du numérique, l’évolution des publics et des services »
Jugez plutôt du beau programme  et des participants !
(Des blogueurs se sont glissés parmi ceux-ci, saurez-vous les retrouver ? ;-) )
C’est à la BnF et on peut s’inscrire ici, sur le site de l’ABF.

9h     –  9h30     Accueil des participants
9h30 –  9h45     Présentation de la journée, par Aline Girard, directrice du département de la
coopération, BnF – vice-présidente du groupe ABF Paris
9h45 – 12h30 Evolution des publics et des services
Animation de la matinée : Aline Girard
9h45 – 10h30
Impacts du numérique sur les pratiques culturelles des Français. Cécile Touitou, Chef de projet public et démarche qualité, délégation à la stratégie et à la recherche, BnF
10h30 – 11h15
La deuxième bibliothèque. Jean-Pierre Sakoun, consultant senior, société Savoir-Sphère
11h15 – 11h30
Pause
11h30 – 12h15
Etre là où le public passe. Lionel Maurel, coordinateur scientifique Gallica, département de la coopération, BnF
12h30 – 14h00         Déjeuner libre
14h – 16h30  Evolution des modèles de bibliothèques
Animation de l’après-midi : Dominique Lahary, directeur adjoint de la BDP du Val d’Oise,
président du groupe Ile-de-France
14h – 14h45
Retour sur l’expérience des Learning centers. Graham Bulpitt, directeur des services de bibliothèques, Université de Kingston (Grande-Bretagne)
14h45 – 15h15
Le modèle des Learning centers  est-il transposable en France ? Suzanne Jouguelet, Inspectrice générale honoraire des bibliothèques
15h15 – 16h00
La bibliothèque publique de Delft (Pays-Bas). Eppo van Nispen tot Sevenaer, directeur de la DOK
16h – 16h30
Les services numériques aux usagers : l’exemple de la médiathèque l’Astrolabe de Melun. Florence Couvreur-Neu, responsable des services multimédia de la médiathèque de l’Astrolabe
16h30 – 17h00         Débat
17h15  Clôture de la journée

Une deuxième journée est prévue à l’automne, pour faire suite à celle-ci : elle concernera l’évolution des métiers , toujours à l’heure du numérique. A suivre, donc…

Suspendue à leurs lèvres

C’est le hasard qui m’a mis « Voix off » de Denis Podalydès entre les mains. Me rendant chez une amie, je l’ai aperçu chez elle. Elle le rendait dans notre bibliothèque parisienne préférée (Charlotte Delbo, où l’ascenseur vous explique d’une voix mécanique, quand les portes se sont fermées sur vous : « Direction Montée ») quelques jours après. J’ai cédé au syndrome du chariot des retours et je l’ai emprunté.
Podalydès a répondu à la demande de Colette Fellous de publier dans la collection « Traits et portraits ». Il a choisi d’aborder l’autobiographie avec un parti pris singulier, celui des voix. Tour à tour, on découvre, parmi tant d’autres, des voix d’acteurs, des voix d’enseignants, celle de l’analyste, mais également les voix de ses frères, qui reviennent, indispensables et fragiles. Podalydès dévoile une enfance bourgeoise à Versailles, le conservatoire, les rencontres avec les maîtres. Dans ce livre, on prend conscience de l’importance de façonner, travailler sans relâche cet organe essentiel qu’est la voix pour le comédien. Penser à une occlusive, corriger une intonation, adoucir un timbre, autant de répétitions, comme des gammes, auquel il se livre pour atteindre le ton juste.
A la toute fin du livre, un court roman. Puis cette révélation, « l’Empoté, c’est moi ». Quand le propos se fait trop dur, Podalydès l’auteur laisse à un personnage le soin de revivre la douleur. Il les confie à un acteur, en somme. Une photo de Podalydès vers vingt ans, où il a tout du jeune homme ténébreux,  suit ce récit, elle est légendée « L’Empoté ». A la page suivante, une autre, de lui enfant : « Le même, avant que la vie ne se complique. » Tout est dit.
Accompagnant le livre, un CD : lectures de Podalydès lui-même, extraits de textes cités au cours du texte (ils sont nombreux, magnifiques) et des voix de ces acteurs qu’il admire tant.

Un poème clôt l’ouvrage, deux vers, pas tout à fait au hasard :

« Livres en main je vais à la bibliothèque rendre les livres
Empruntés dans la semaine les lus les pas lus à voix haute »

Les combats ne sont plus les mêmes. On est entré dans l’ère des médias. Les choix de l’éditeur portent moins sur des manuscrits que sur des projets suscités en fonction de leur capacité médiatique. C’est le temps, surtout, qui n’est plus le même. Le métier tel que je le pratiquais consistait à donner du temps à l’oeuvre, à l’auteur. Plus il raccourcit, plus on fait de l’édition quelque chose qui ressemble à la presse, qui a l’air d’être le même métier et qui n’a plus le même visage.

Robert Laffont, cité dans la nécro du Monde daté du 21 mai 2010

Même les bibliothécaires sont des documents comme les autres, les écrivains oulipiens aussi ?

Le titre de ce billet est une référence à cet article d’Olivier Ertzscheid, mais vous l’aviez reconnu.
Cet après-midi, je suis allée chez le médecin. Rassurez-vous, je ne vous entretiendrai pas de ma santé, quoiqu’elle fût un peu fragile ces derniers temps, avec ces températures hivernales, voyez-vous on attraperait froid… mais, disais-je, je ne vais pas vous entretenir de ma santé.
A peine assise dans le cabinet sur la chaise inconfortable du patient, sans doute pour que ce dernier ne tentât pas de s’y installer durablement – il y a des divans pour ça -, mal installée donc, je fus sommée par le praticien de lui remettre ma carte vitale, un peu comme ces malheureux livres dont le salut réside dans le seul code-barre.
Affichage de ma fiche et le médecin s’écria : « mais pourquoi j’ai une alerte sur votre fiche ? » Et moi de penser, rhôôô, on ne va pas commencer avec les métadonnées ! « Il faut que je trouve, disait le médecin en parcourant tous les champs de ma notice fiche. » Pas eu le temps de suggérer, « vous avez cherché du côté des données locales ? » quand le praticien rayonnant s’écria qu’il s’agissait des allergies. Et moi de me dire, ben va y en avoir des sous-champs…
Passé la consultation rapide, le médecin voulut enregistrer le prêt la visite sur ma carte lecteur Vitale. Las ! Le petit sésame vert dûment orné de ma trombine n’était plus à jour. J’ai donc dû courir à la pharmacie pour trouver la borne la plus proche, cela afin d’exemplariser l’édition mise à jour…
Après ce curieux constat, tandis que je marmottais consciencieusement  « Tim Berners-Lee, sors de de corps ! », je me faisais la réflexion que si nous, les bibliothécaires, tentions de mettre sur pied des catalogues communs, l’administration, elle, multipliait les notices pour un document unique (Nom… Prénom….). Soupir…
Je me suis ensuite rendue à la lecture mensuelle de l’Oulipo, ce qui me met souvent en verve, mais vous l’aviez déjà constaté. Une belle séance avec un Hervé Le Tellier très en forme et un tantinet blasphémateur. A l’issue de cette heure trop courte, notre fringant HLT mit sur le banc-titre des tracts concernant les prochaines manifestations oulipiennes avant de présenter un livre. Et de nous dire « cet ouvrage d’un document… pardon d’un auteur ! », d’ajouter quelques mots puis de conclure « ce document… heu ce livre ! »
Bref, je voudrais, je supplie, qu’on ne prononce plus en ma présence le terme de « document » durant ce week-end de Pentecôte ! Non mais !

Bulletinage

C’est un joli petit mot pour une réalité plus compliquée… Bulletiner, c’est enregistrer les périodiques à leur arrivée. Au millénaire précédent, cette opération était faite sur un kardex, à l’heure actuelle dans le SIGB. Quand les périodiques arrivent régulièrement, le bulletinage est une opération extrêmement répétitive mais rapide. Les ennuis commencent quand les périodiques n’arrivent pas, ou quand ils arrivent au moment où on ne les attendait pas. Imaginez un instant que vous êtes abonné à la publication d’une Société des amis de ***, éditrice d’un bulletin semestriel. Dans votre SIGB, vous avez enregistré que le périodique était semestriel, invariablement le logiciel vous signalera tous les six mois que le numéro attendu n’est pas là et qu’il faudrait… réclamer. C’est là que les ennuis commencent. En effet, les petites publications comme celle de la Société des amis de *** sont des publications que l’on pourrait qualifier de « régulièrement irrégulières » : le secrétaire de l’association part en congés, le bureau change, l’imprimeur augmente ses tarifs, toujours la même conséquence, la publication est en retard. Je me souviens d’avoir reçu un jour la réponse suivante à une réclamation : « Titre, n°, date : l’éditeur est mort » ! Dans ces cas-là, il n’est pas aisé de tenir à jour son modèle de prévision et, globalement, au bout de quelques mois dans un service de périodiques, on se rend compte que ceux-ci sont toujours faux… Quand on est maniaque de l’ordre, cette prise de conscience est difficile.
Autre Graal du bulletineur, les réclamations. Votre numéro de *** n’est pas arrivé, le SIGB vous alerte, vous envoyez votre réclamation. Là, en général, on vous demande de vérifier que vous êtes sûr de ne pas avoir le numéro… Vous confirmez et vous attendez. Si le numéro arrive, vous avez la satisfaction du bulletineur gagnant. Les problèmes commencent quand vous ne voyez rien au bout d’un mois. Il faut alors relancer, parfois on s’amuse à vous demander aussi de confirmer la relance, ce que vous faites en maugréant. On peut jouer à ce petit jeu entre trois et cinq fois : R1, R2, R3, R4, R5, stop !
C’est alors que notre bulletineur connaît le « Tristesse d’Olympio » de l’employé aux périodiques.  Il faut se résoudre à inscrire le numéro comme manquant et signaler qu’il faudra tenter de le trouver en antiquariat.
Dans cette quête permanente du bulletineur pour avoir des états de collection corrects, on trouve des adjuvants et des opposants. Le problème de l’histoire est que ceux qui devraient être vos adjuvants sont précisément ceux qui vous causent le plus de souci, j’ai nommé les agences d’abonnement (enfin certaines). En général, c’est un mariage forcé (après une procédure de marché public) qui dure quelques années. Lorsque votre collection est composée de plusieurs centaines de titres vivants, vous êtes obligé de faire appel à eux pour la gestion des abonnements. C’est donc à eux que vous transmettez les réclamations. Dans l’absolu, ils se chargent pour vous de prendre contact avec l’éditeur et de le sommer d’envoyer le numéro manquant. Dans la pratique parfois, quand vous appelez vous-même excédé la Société des amis de ***, vous vous apercevez qu’elle n’a jamais reçu la moindre réclamation de votre agence. L’agence vous envoie une lettre chaque jour où vous avez effectué des réclamations (quand vous en passez plusieurs dizaines par mois, je vous laisse imaginer les piles de papier), elle dispose d’une plateforme de réclamations en ligne qui ne prend pas en compte le fait qu’un numéro daté de 2005 puisse être publié en 2010 (cas pourtant très fréquent des publications en sciences humaines) et dont les modèles de prévisions ont encore plus faux que les vôtres.
En tant que bulletineur, vous avez plusieurs épreuves à surmonter :
– l’épreuve de rapidité qui consiste à réclamer avant trois mois le numéro qui manque. Vous vous souvenez des problèmes liés au modèle de prévision ? Un exemple, ayant constaté depuis un an au moins  que le semestriel *** arrivait toujours avec trois mois de retard, vous avez relâché votre modèle de prévision de trois mois pour éviter de passer des réclamations inutiles (auxquelles on vous répond que le périodique n’a pas paru). Admettons alors que par un hasard retors, un numéro paraisse enfin à la bonne date et que c’est ce numéro précisément qui ne vous arrive pas, votre SIGB, lui, vous alertera avec les trois mois de retard habituels. Et là, vous perdez votre épreuve de rapidité : vous avez dépassé les trois mois fatidiques pour la réclamation. L’agence vous dit que l’éditeur ne remplacera pas. Paf ! Dans l’os ! Maudissant le sort, vous n’avez plus qu’à faire un commande dudit numéro en antiquariat, votre titre arrivera puisqu’il n’est nullemnent épuisé mais beaucoup, beaucoup plus cher.
– les épreuves de patience : un bon bulletineur sait qu’il faut réclamer à son heure et relancer sans se précipiter. Tout simplement parce que si vous réclamez trop tôt, votre réclamation ne sera pas prise en compte et si vous relancez trop tôt, votre réclamation sera considérée comme nulle, donc fermée. D’où l’élaboration de tableaux immenses avec des R1, R2, R3, des dates de réclamation, de relances enregistrées, etc, etc. Un bon SIGB fait ça tout seul. Dans les faits, un bon vieux tableau Excel parfois vous aide à relancer au jour le jour pour être vous toujours dans les temps, tandis que vos interlocuteurs, eux, ne le seront jamais.

bulletinage

– les épreuves de force : charrier la ou les caisses de courrier avec la fournée de périodiques du jour. C’est lourd, très lourd et ça ne s’achemine pas seul, malheureusement.
– les épreuves d’intelligence : vous ouvrez votre courrier (vous vous taillez avec une ou deux enveloppes, vous êtes poussiéreux à cause de ces damnés emballages qui ont pris un train, deux avions, etc, avant de vous arriver) et vous trouvez face à des titres connus, certes, mais qui vous réservent encore quelques surprises. Typologie des surprises : la numérotation a changé, c’est un hors-série rattaché aux numéros spéciaux mais pas réellement un numéro spécial (sa numérotation n’est pas la même), la périodicité a changé, le titre a changé (là, vous cherchez l’ISSN qui est écrit en minuscule, caché quelque part – vous repensez aux longues heures passées sur « Où est Charlie ?  » dans votre enfance), etc, etc.
Dans ce joli bazar qui vous rend peu à peu dépressif et un peu bizarre, vous avez quand même une consolation : ce n’est pas vous qui êtes chargé de la facturation, c’est-à-dire le bazar assorti au vôtre, version financière…
Tout ça pour dire que quand vous goûtez ensuite aux acquisitions et au catalogage de monographies, vous avez une sensation de joie toute simple et ineffable.

L’Argent et les mots | André Schiffrin

Publié aux éditions La Fabrique comme L’Edition sans éditeurs et Le Contrôle de la parole, ce nouveau livre d’André Schiffrin m’a peut-être moins enthousiasmée que les précédents, sans doute parce que depuis quatre ans que je m’intéresse au monde du livre ma vision en a profondément changé. Ceux qui auront cliqué pour lire ma critique de autres livres de Schiffrin s’en rendront compte…
Quelques suggestions concernent les bibliothèques et la numérisation dans ce livre, en voici quelques citations :
« Je suggèrerais volontiers d’allouer un budget spécial pour acheter des livres qu’elles ne peuvent pas se payer actuellement. Elles subissent elles aussi la pression des best-sellers, poussées qu’elles sont à acheter les livres qui seront le plus souvent empruntés.Il serait illusoire d’ignorer cette pression et il entre d’ailleurs dans le rôle des bibiothèques d’offrir ces livres-là. Mais un budget supplémentaire leur permettrait d’acquérir des ouvrages qu’elles voudraient pouvoir présenter – et qui, idéalement, proviendraient de petites maisons indépendantes (…). » (p. 34)
« Une idée intéressante, proposée par Christian Ryo, de Lire en Bretagne, est d’instituer une collaboration entre les librairies et les bibliothécaires locaux, d’installer des comptoirs de ventes de livres dans les bibliothèques – ce qui existe déjà dans les musées, même si les comptoirs n’y sont généralement pas tenus par des libraires indépendants. Ce système pourrait fonctionner à un niveau purement local, en éliminant évidemment les grandes chaînes au profit des librairies du lieu. » (p. 57)
« J’ai discuté récemment avec le directeur de la bibliothèque de Lyon, la deuxième de France. On lui a refusé l’argent qu’il fallait pour numériser son fonds et il a été forcé d’avoir recours à Google – une sorte de privatisation de son patrimoine. (…) Je lui ai demandé si des précautions avaient été prises pour l’exploitation par Google du fonds de la bibliothèque : la société aurait-elle le droit, par exemple, d’inclure une publicité pour Coca-Cola sur chaque page, ou bien d’utiliser les noms des lecteurs pour leurs propres campagnes publicitaires ? En fait non, rien n’a été imposé à Google. » (p. 96)
« Darnton expose ensuite ce qu’il considère comme la meilleure solution au problème, bien qu’elle n’ait pas été discutée et qu’elle nécessiterait une législation nouvelle et non une simple décision de justice. Il propose de donner à la base de données de Google un statut public : chacun pourrait y avoir accès gratuitement, comme c’est le cas pour les bibliothèques publiques. Cette idée est très proche de celle que j’ai exposée : la nationalisation de Google, ou tout du moins d’une partie de ses  activités. » (p. 98)

Former à la recherche d’information #4 – structure de la formation

Un petit préalable à ce dernier billet de la série, inutile de réinventer l’eau chaude et de refaire les tutoriels existants, il en existe de très bien faits sur Slideshare et sous CC. Evidemment, on les adapte mais on peut se servir de ce matériau précieux. Et surtout, on partage soi-même sous CC ensuite ;-)
La batterie du parfait formateur
A partir du marché glané notamment du côté du Québec (cf. billets précédents), quelques petites choses qui m’apparaissent indispensables pour mettre en place une formation :
  • – une jolie fiche pour la tutelle avec les points qui seront abordés pendant la séance et les objectifs clairement définis,
  • – la sacro-sainte présentation (avec ses commentaires assortis pour la personne qui va dispenser le cours),
  • – une batterie d’exercices (une série normale et quelques corsés au cas où le groupe serait très vif),
  • – des supports pédagogiques à remettre aux étudiants,
  • – une fiche d’évaluation à remplir par les étudiants sur la formation,
  • – une fiche d’évaluation à remplir par la personne qui donne le cours (uniquement si elle n’en est pas le rédacteur).
Éventuellement, si des questions ont été posées sur des outils qui n’étaient pas mentionnés dans le cours, un mailing avec les liens pour aller plus loin.
Rapidement après la formation, un bilan : pour soi, pour la tutelle.
A lire
Sur le sujet, on peut consulter notamment Devenir bibliothécaire-formateur : organiser, animer, évaluer, Françoise Hecquard, Marielle de Miribel, paru au Cercle, dont voici quelques notes prises en lisant, avec des ajouts postérieurs en italique.
Si l’enseignement est la transmission d’un savoir, la formation est la transmission d’un savoir-faire. Ce que nous faisons pour l’instant relève donc plutôt de la formation.
Structure de la fiche technique de stage : intitulé, objectif pédagogique, public concerné et pré-requis, grandes lignes de contenu, méthodes pédagogiques (magistrale, participative, active), intervenant, durée et dates, lieu, prix, contact pour inscription, identification de l’organisme formateur.
Organisation de la séquence pédagogique : 1h30 environ : contenu (thème abordé), objectif pédagogique, méthode pédagogique (magistrale, participative, active), supports matériels et nécessaires, évaluation/contrôle.
Pour finir, quelques généralités de l’enseignement, toujours dans l’ouvrage de Marielle de Miribel et de Françoise Hecquard :
Transmission de savoir = 3 pôles : le savoir, le destinataire de ce savoir, le médiateur.
Contexte expert-apprenant = enseignement, transmission d’une théorie
Contexte médiateur-apprenant = formation, transmission d’une connaissance qui sera mise en pratique
Contexte savoir-apprenant = tutorat, le médiateur est un simple facilitateur mais le savoir est acquis par l’apprenant lui-même.

Former à la recherche documentaire #3 – et ailleurs ?

Si en France on trouve encore peu de traces de ce qui est réalisé par les collègues, de l’autre côté de l’Atlantique l’offre est pléthorique. Fiches descriptives des activités à mener et de leurs objectifs, accompagnées de matériel pédagogique, tout est partagé et surtout harmonisé au niveau national.

Le PDCI
On trouvera notamment de la matière à exploiter dans le Programme de développement des compétences informationnelles. Une mine que ce site !
On y trouve quantité d’exercices, mais aussi des fiches pédagogiques pour les formateurs, ainsi que des définitions claires des objectifs visées par l’enseignement de la recherche d’information.

A voir notamment :

-pour l’étudiant, les ressources sont déclinées en thématiques, voir par exemple celle-ci, « Préparer sa recherche »
-pour l’enseignant, une foule de suggestions d’activités à faire avec les étudiants,
-cette synthèse de treize séquences avec des fiches pour le professeur et ses étudiants,
-un génial schéma « Faire le point sur ses connaissances informationnelles » qui peut permettre d’expliciter la démarche de recherche documentaire.
Et tout cela sous licence Creative commons :-)
Pour finir, je m’éloigne un peu du sujet de ce billet mais cette page est particulièrement réussie et j’avais envie de la signaler : « L’essentiel des bibliothèques ».

Former à la recherche documentaire #2 – aspects pédagogiques

Pour certains collègues, le bibliothécaire peut être formateur, mais pas enseignant. Il transmet son savoir-faire des outils mais ne dispense pas un savoir théorique. Dès lors, les formations données s’apparentent souvent à des travaux pratiques. Les étudiants sont invités à manipuler les outils, à s’exercer, accompagnés par le formateur.
Les formateurs qui évoquent leur expérience font tous le même constat : les formations ne portent leurs fruits que si elles partent d’un besoin des étudiants ou de connaissances déjà acquises (ou considérées comme telles par eux).
Une visite de la bibliothèque sera plus pertinente si l’enseignant ou le tuteur d’accompagnement a donné des recherches à avoir fait dans un court délai (si la recherche est à faire pour le mois suivant, c’est comme si elle n’existait pas…). La démonstration du catalogue sera aussi plus parlante si elle conduit à trouver le manuel très prisé du semestre. De même, la présentation d’outils du web touche à son but lorsqu’elle s’appuie sur des habitudes que l’on peut surprendre (leur faire déjouer les pièges de Google par exemple avec la recherche avancée, leur montrer des hoax, etc).
Une question qui me taraude pour finir : la formation au catalogue n’est pas, pour un public qui n’est pas du métier, véritablement passionnante et les diaporamas que je regarde (celui que j’ai fait aussi d’ailleurs :-( ) sont souvent assez statiques. Comment rendre ces formations à la fois attractives et pertinentes sans pour autant verser dans la démonstration spectaculaire et creuse ? Mais comment faisait-il donc, ce prof de maths qui réussissait jadis à me passionner ? Son enseignement ne répondait pourtant à aucun besoin de ma part.
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