Auteur/autrice : Cécile Arènes (Page 6 of 42)
« Pour reprendre la belle expression de Robert Damien, développée par Michel Melot, la bibliothèque est le « lieu des liens ». Lire, c’est entrer en dialogue avec soi-même ainsi qu’avec les auteurs, morts ou vivants. C’est entrer en communication avec l’humanité dans ce qu’elle a produit de culture, de sciences et de connaissances. »
« Parce qu’elles sont centrales à la mission des bibliothèques, arrêtons-nous un instant sur les notions de service public et de bien commun.Le bien commun n’est pas une collection de biens individuels. Il n’est pas non plus à possession et à usage exclusifs. Il relève de l’intérêt général et exprime la solidarité qui se manifeste dans une collectivité. Au-delà des besoins de base qui consistent à se nourrir, à se loger, à se soigner et à s’éduquer — et auxquels le bien commun participe —, les dimensions de l’accès à la culture, aux connaissances et à l’information y sont aussi intégrées pour permettre le développement et l’épanouissement des personnes. La consommation d’un bien commun par une personne ne diminue en rien sa valeur aux yeux des autres. En outre, le bien commun est accessible gratuitement et personne ne peut en être exclu. Il vise le bien-être du groupe par opposition aux intérêts d’un individu ou d’un groupe en particulier. »
Et de conclure que les bibliothèques « participent à la constitution et au partage d’un bien commun En elles-mêmes, elles sont un bien public. » Vous êtes convaincus ? Cliquez ici 😉
Du côté des BU, ce que j’ai lu m’a fait tout simplement rêver :
« Une autre caractéristique distingue ces dernières, cette fois-ci par le statut des bibliothécaires, particulièrement dans les milieux anglophones, où ils sont considérés comme faisant parti du corps professoral. Cela implique pour ces bibliothécaires de mener des activités de recherche dans leur domaine. Les bibliothécaires des milieux de l’éducation travaillent souvent à l’extérieur des murs de la bibliothèque, soit par leurs enseignements en salle de classe, soit par leur présence dans les laboratoires de recherche. »
C’est très curieux comme à la lecture d’un tel paragraphe, vous pensez instamment mise en disponibilité, visa de travail, billets d’avion, etc. quand votre quotidien est si singulièrement différent de ce que vous voyez décrit ici….
En continuant la lecture, on apprend que le Québec protège depuis 1979 son réseau de librairies par une loi sur le développement des entreprises québécoises sur le domaine du livre. Celle-ci oblige les bibliothécaires à faire leurs acquisitions dans les librairies de la région. Là encore, doux rêve de l’acquéreur qui a souvent envie d’aller échanger avec la librairie spécialisée de sa ville, mais qui ne le fait pas sachant qu’on ne lui achètera rien (pour les non-bibliothécaires, en France les achats sont régis par des marchés publics, très souvent remportés par des grandes centrales de vente).
Décrivant les nombreuses facettes du métier, l’auteur estime qu’il est nécessaire au bibliothécaire de posséder des « notions de sociologie et de psychologie […] pour comprendre la nature et les besoins des usagers. » Là encore, il m’a semblé que nous en étions très loin.
Enfin, « le bibliothécaire, lit-on, doit être féru de technologies, devenir un utilisateur habile des outils informatiques et un expert des formats d’encodage des publications numériques ».
« Être bibliothécaire, conclut Guylaine Beaudry, c’est servir l’intérêt du public et du bien commun, et favoriser l’intérêt de la collectivité. » J’ajouterai impertinemment, être bibliothécaire, ce n’est pas s’abriter derrière le catalogage !
2- Strict respect de la fonction auteur : auctorialité totémisée,
3- originalité érigée en valeur dominante (Gide, besoin d’originalité à tout prix) : reproductibilité dévaluée,
4- créativité posée comme valeur émergente : esthétique post-moderne du remix et du mashup : reproductibilité revalorisée.
Pratique banale du ctrlC/crtlV : est-ce une reprise respectueuse ? Un création postmoderne ?
Digital literacy :
2- Promesses décomplexées de l’intelligence collective (noblesse encyclopédique à toute sortes de données, souvent produites par des internautes pris dans les filets rhétoriques du partage).
3- Abondance des ressources susceptibles de plagiat (Persée, Cairn, mais aussi El rincón del vago) : autorités de facto. Face à cette offre, essor des outils anti-plagiats : solutions ad hoc.
L’expérience de la manipulation des corpus permet de déceler tous les avantages et les insuffisances des outils.
Je reporte ici quelques bribes twittesques, à moins qu’il ne s’agisse d’une remarque à la fin de l’intervention (ce qui revient un peu au même).
Pour Etienne Candel, envisager l’informatique en termes d’outils et d’usages permet d’évacuer les faux problèmes. Pour Aurélien Berra, l’étiquette humanités numériques est importante maintenant : c’est un moment, mieux un mouvement.
Les études littéraires par ordinateurs peuvent être envisagées selon 3 directions : 1- constitution de corpus : les établir, présenter, éditer. 2- diffusion des connaissances : publications en ligne, l’édition savante se met enfin à la diffusion en ligne des revues, colloques, etc. 3- création numérique : notre boîte à outils critique n’est plus pertinente pour juger des nouvelles créations.
Michel Bernard a expliqué qu’il enseignait le fonctionnement des bases de données, tristesse d’Olympio de la bibliothécaire…
« Je fais de la philologie grecque, je lis des manuscrits byzantins (plus souvent sur des microfilms que sur les parchemins, d’ailleurs) et je viens de lire un roman sur ma tablette. C’était le premier texte long et de fiction que je lisais sur un écran d’une façon continue. » En somme, le texte est polymorphe. C’est un fait ancien, mais aussi une réalité concrète pour nombre de lecteurs, dont je fais partie. Si je suis un amoureux des manuscrits, des livres, c’est avant tout le texte qui m’importe. Et s’il faut se battre pour des supports, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais bien pour ce qu’ils permettent, à savoir une forme de communication, une forme de culture, une forme de réflexion.
NB, dame BnF : un tweetdoc relu le soir est au livetweet ce qu’une captation vidéo est au théâtre…
Le mot numérique est entré rapidement dans notre vocabulaire et les usages diffèrent. Sa définition reste floue : il désigne à la fois des manières de faire, de lire, d’interagir et de faire société, sans qu’on arrive à le définir de manière consensuelle.
Qu’est-ce qui se passerait si à la place de ces mots à la mode, on parlait de culture de l’interprétation ? Il faut reconnaître cette espèce de grande division entre culture scientifique et culture humaniste, avec les données opposées à l’interprétation. Il faut reconnaître qu’il y a une différence entre elles mais surtout affirmer leur complémentarité.
– du côté de l’économie de la connaissance, accélération et rapidité. Côté culture de l’interprétation : lenteur nécessaire, limite de l’étude à un corpus restreint (une page, un sonnet : Yves Citton a pris l’exemple de l’explication de texte) et ressassement sur le texte.
Emmanuel Souchier
Pour lire une oeuvre de patrimoine, que nous faut-il aujourd’hui ? Un savoir-lire et un savoir-écrire. Les lettres sont en grande difficulté, pourtant elles sont l’avenir. Pour vivre le numérique, nous devons être des citoyens lettrés.
Exemple des cartes : ce sont des représentations régulées dominées par des règles d’usage. Une carte, ça s’apprend (règles, imitation). Ces dernières années, les formes se sont mécanisées, puis stabilisées : on a assisté à un basculement des règles d’usages. Auparavant, on achetait une carte, puis un changement s’est opéré, notamment avec google maps : toutes les cartes du monde sont disponibles, gratuitement. On peut zoomer de manière continue. On peut aussi annoter, faire des ajouts, partager et insérer la carte dans d’autres pages. On y a perdu la protection contre la pluie qu’on pouvait avoir avec les cartes papier qui nous abritaient !
Passage de l’outil à la machine : la machine est un outil qui incorpore ses propres gestes. C’est une transition intéressante que celle des cartes actuellement : on vous offre l’usage des cartes parce qu’on imagine que vous allez les enrichir.
Le livre diffère de la carte car il est un volume. Le livre est en trois dimensions, c’est un conteneur. Il renferme des objets en deux dimensions, comme images et diagrammes. La mécanisation du livre consiste à trouver des contenus mis en espace.
Nous avons basculé d’une économie de la rareté (savoir-lire, littéracie) à une économie de la surabondance.
Passage d’une économie de la rareté à une économie de la surabondance.
La première rareté est notre temps d’attention. On assiste à une énorme transformation économique, on ne se rend pas compte que, nous lecteurs, que la richesse est dans notre temps d’attention.
Pour André Leroi-Gourhan, l’outil constitue une externalisation de la mémoire humaine.
Le modèle que nous utilisons a 30 ans. C’est le modèle Xerox (vendeur de photocopieuses !), le fameux Wysiwyg. C’est un modèle qui nous contraint : nous vivons dans la culture de l’imprimé. Nous ne vivons pas dans la culture numérique tant que nous utilisons word et powerpoint !
Le web s’est construit sur un modèle du document papier. L’hypertexte, par exemple, est un système issu du document papier.
Les manières de citer devraient être aujourd’hui différentes du couper/coller. Il devrait être interdit de couper/coller pour pouvoir citer en permanence car la duplication vient du monde imprimé. La question est désormais celle de l’accès à nos fichiers.
Fétichisme du livre : est-ce que les nouveaux médias qui impliqueraient un certain régime attentionnel n’empêcheraient pas la sacralisation du texte ?
Dans un certain contexte, il y a une nécessité de conserver une tradition philologique. D’un autre côté, on se heurte à la sacralisation du livre avec une attitude presque messianique. Un déplacement du statut sacralisé et de la légitimité des auteurs est en train de s’opérer, créant des conflits de légitimité.
On doit arriver à considérer le code comme partie intégrante de la pratique d’écriture. Il existe une tension entre la très grande littéracie que demande cette pratique et l’usage du grand public.
L’arrivée du lectorat romanesque et populaire au 19e siècle a formé un lectorat qui était prêt à la lecture de la Phénoménologie de l’esprit. Il faut être extrêmement attentif aux formes de lectorat populaire : l’attention longue existe toujours, notamment avec les séries télévisées qui gardent leur public plusieurs années. Il est fort possible que les formes intellectuelles qui émergent sont celles qui seront prêtes à accueillir les pratiques lettrées de demain.
Aujourd’hui, on dépend tous des programmes de façon intime mais on est complètement illettré face à la programmation et aux logiciels. Aller derrière la machine constitue un enjeu politique et culturel. Il faut donner aux jeunes générations la possibilité de comprendre les programmes et la capacité d’en développer (éthique hacker). Les humanités numériques doivent aussi se poser la question du logiciel libre.
« L’œuvre et l’auteur à l’heure du numérique » était le titre de la conférence inaugurale d’Antoine Compagnon au rendez-vous des Lettres. Ci-dessous quelques notes, certes relues, mais qui ne sont pas à l’abri des coquilles et autres erreurs de compréhension (les commentaires sont les bienvenus si vous en repérez). Prenez-les pour ce qu’elles sont, de simples notes, et non un véritable compte-rendu. Vous pouvez les compléter par ce tweetdoc du maigre livetweet de la matinée (ô wifi, seras-tu là demain ?)
« Mais il fut à peine sorti, que je mis à considérer attentivement mes livres, et leurs boîtes, c’est-à-dire leurs couvertures, qui me semblaient admirables pour leurs richesses ; l’une était taillée d’un seul diamant, sans comparaison plus brillant que les nôtres ; la seconde ne paraissait qu’une monstrueuse perle fendue de ce monde-là ; mais parce que je n’en ai point de leur imprimerie, je m’en vais expliquer la façon de ces deux volumes.A l’ouverture de la boîte, je trouvai dedans un je ne sais quoi de métal presque semblable à nos horloges, pleins de je ne sais quelques petits ressorts et de machines imperceptibles. C’est un livre à la vérité, mais c’est un livre miraculeux qui n’a ni feuillets ni caractères ; enfin c’est un livre où pour apprendre, les yeux sont inutiles ; on n’a besoin que des oreilles. Quand quelqu’un donc souhaite lire, il bande avec grande quantité de toutes sortes de petits nerfs cette machine, puis il tourne l’aiguille sur le chapitre qu’il désire écouter, et au même temps il en sort comme de la bouche d’un homme, ou d’un instrument de musique, tous les dons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l’expression du langage.Lorsque j’ai depuis réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m’étonne plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient plus de connaissance, à seize et dix-huit ans, que les barbes grises du nôtre ; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; à la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à la ceinture, une trentaine de ces livres dont ils n’ont qu’à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s’ils sont en humeur d’écouter tout un livre : ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes, et morts et vivants, qui vous entretiennent de vive voix. Ce présent m’occupe plus d’une heure ; enfin, me les étant attachés en forme de pendants d’oreilles, je sortis pour me promener ; mais je ne fus plus plutôt au bout de la rue que je rencontrai une troupe assez nombreuse de personnes tristes. »
« Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice. »
Lorsqu’un de nos supports de lecture, qu’il soit de pierre ou de papier, change sous nos yeux, nous avons peur. Peur, parce que nous craignons de ne pas avoir la même capacité à déchiffrer ce qui s’y substituera. Cette inquiétude de Frollo dans Notre-Dame de Paris a parfois été la mienne lorsque je me trouvais en Nouvelle-Calédonie. En brousse, sur les terres kanak, il n’y a pas de pierre. Quoique nous pensions lire désormais uniquement sur papier, nous lisons encore beaucoup sur la pierre. Qu’elle vous manque et l’on s’en rend compte. Je me souviens m’être souvent demandée comment lire l’histoire de cette île quand la pierre n’était pas là pour me la raconter. Les Kanak, eux, ne se posent pas la question. Ils lisent l’histoire de leur pays dans la nature : la végétation témoigne du temps qui passe et garde trace des aléas du climat. On peut la charger de sacré, comme on le fait par exemple avec les ignames. Même chose pour la terre qui porte les marques de l’histoire de l’homme ; dans l’Hexagone, on remarque encore dans mes montagnes les marques des cultures en terrasse, vestiges herbus de l’agriculture extensive.
Pour savoir lire finalement, il faut avoir appris. Appris à regarder des arbres centenaires ou à déceler les rides sur le flanc abrupt d’un sommet pyrénéen. Autant d’alphabets aussi évidents pour ceux qui les maîtrisent, aussi incompréhensibles aux autres.
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| Claude Lorrain (1604/1605–1682) [Domaine public], via Wikimedia Commons |
« Nous attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un palais, et nous revenons sur nous-mêmes. Nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons. A l’instant, la solitude et le silence règnent autour de nous. Nous restons seuls de toute une génération qui n’est plus ; et voilà la première ligne de la poétique des ruines. »
« Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y a que le monde qui reste ; il n’y a que le temps qui dure. Qu’il est vieux ce monde ! Je marche entre deux éternités. »
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