Citations

Je pense que le bibliothécaire incarne quelque part une figure de militant. On est des militants de l’accès au savoir, de la diffusion des connaissances, militants de l’égalité entre tous. On ne peut pas ne pas prendre position et se satisfaire d’une espèce de statu quo. Si on ne se défend pas maintenant, si on n’est pas force de propositions, c’est la mort des bibliothèques.

Un prof qui regrette l’affaissement de son autorité tout en continuant à imposer le miroir d’une société disparue n’a pas compris grand chose à l’histoire de la culture depuis un demi-siècle. Dans cette évolution, le numérique n’est que la cerise sur le gâteau, qui a confirmé aux jeunes l’autonomie de pratiques de plus en plus impénétrables pour les maîtres. C’est parce que l’école a refusé depuis longtemps de s’adapter à la culture des nouveaux médias (à commencer par le disque et la télévision dès les années 1960) qu’elle a perdu progressivement le prestige et l’autorité qui fondent l’efficacité d’une prescription. Dans cette histoire, avant de devenir la victime du désintérêt des élèves, le livre est d’abord celle de l’inconséquence des maîtres.

« Je fais de la philologie grecque, je lis des manuscrits byzantins (plus souvent sur des microfilms que sur les parchemins, d’ailleurs) et je viens de lire un roman sur ma tablette. C’était le premier texte long et de fiction que je lisais sur un écran d’une façon continue. » En somme, le texte est polymorphe. C’est un fait ancien, mais aussi une réalité concrète pour nombre de lecteurs, dont je fais partie. Si je suis un amoureux des manuscrits, des livres, c’est avant tout le texte qui m’importe. Et s’il faut se battre pour des supports, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais bien pour ce qu’ils permettent, à savoir une forme de communication, une forme de culture, une forme de réflexion.

Faire des humanités numériques”, Aurélien Berra

Et pour reprendre une image chère à Michel de Certeau, se comporter comme un braconnier : en suivant le lièvre qu’on a déniché, s’arroger le droit de sauter par-dessus toutes les clôtures, les barrières disciplinaires : c’est ainsi que doit circuler un chercheur en sciences humaines et sociales…

« Quelques questions à Christian Jacob », par Emilien Ruiz in Devenir historien-ne (fragment de réponse à la question : Quelles sont, selon vous, les principales qualités requises pour devenir un bon historien ?)

On m’a déjà dit qu’il était déraisonnable de donner des rêves d’art, de littérature et de philosophie à des gens qui finiront par trier des papiers dans une administration. Je trouve cette réflexion assez terrifiante : il faudrait limiter ses rêves pour les accorder à une existence frustrante ? Qu’est-ce qu’il reste ?

A quoi sert un étudiant en arts plastiques ?”, Le dernier des blogs | Jean-Noël Lafargue

« Vous ne pouvez pas vraiment faire de la recherche de pointe, lorsque, une douzaine de fois par jour, vous allez devoir attendre jusqu’au lendemain pour obtenir quelque chose. C’est comme les singes se balançant à travers les arbres. Lorsque vous balancez de liane en liane, et que vous tendez la main pour la prochaine branche, et qu’il n’y en a pas là, vous tombez. C’est comme le stockage hors site. Vous ne pouvez pas faire de la recherche de cette façon ».

Andrew Abbott, sociologue à l’Université de Chicago, in « Les bibliothèques vont-elles devenir obsolètes ? », Actualitté.

« Les gens vivent dans des espaces de plus en plus petits, de sorte que la bibliothèque devient le lieu pour s’échapper de la socialisation, de la solitude, le lieu où reprendre son souffle. C’est le dernier espace dans la société qui est gratuit. Même pour les sans-abri. Il y a un sens de la démocratie, c’est un espace commun que nous partageons tous ».

En revanche, ce qui me préoccupe chez Internet Archive, comme d’ailleurs Google Books, c’est l’indigence des métadonnées, très mal ou pas du tout renseignées, qui rendent impossible la recherche par date de publication, notamment (sans parler des éditeurs) et aléatoire celle par titre ou par auteur. On voit là ce qu’on perd quand on n’a pas de bibliothécaire (alors même que nous avions longtemps critiqué les défauts de Gallica…) !

GRANDI, Elisa,  RUIZ, Émilien, «Ce que le numérique fait à l’historien.ne.  Entretien avec Claire Lemercier», Diacronie. Studi di Storia Contemporanea: Digital History: la storia nell’era dell’accesso, 29/6/2012, URL:< http://www.studistorici.com/2012/06/29/grandi_numero_10/ >

Le domaine public est un moteur essentiel pour la création, car bien souvent, on créée en s’appuyant sur ce qui existe déjà : Bach empruntait des airs populaires traditionnels pour composer ses morceaux ; que serait Picasso sans Titien, Vélasquez ou Ingres ? Led Zeppelin a révolutionné le rock en réinterprétant des standards du blues, etc.