Liber, libri, m. : livre

Bibliothéconomie & Cie. - Dir. publ. et réd. en chef Cécile Arènes. - Paris : [s. n.], 2006 - ... .

Page 19 of 42

Conservateur externe, note de synthèse

La note de synthèse intitulée « La crise du cinéma » était constituée d’un dossier de trente pages, composé d’articles de presse, notamment du Monde et du Figaro. Moi qui étais habituée aux notes de synthèse de bibliothécaire avec des articles longs (Esprit ou autre), j’étais assez surprise de cette succession de documents très courts, qui livraient des constats alarmistes et peu analysés.
Je ne résiste pas à vous citer un paragraphe piqué dans le dossier :
« 2005 a aussi eu son lot de grands disparus (Jacques Villeret, Suzanne Flon, Jacques Dufilho, Anne Bancroft, Richard Pryor, Robert Wise) et de potins sur la vie des stars (c’est pour Angelina Jolie que Brad Pitt a quitté Jennifer Aniston, et Tom Cruise a trouvé en Katie Holmes une remplaçante à Nicole Kidman ; mais Ludivine Sagnier et Nicolas Duvauchelle ont eu un bébé en mars, et les rumeurs de rupture ont été démenties chez les couples Charlotte Gainsbourg/Yvan Attal et Monica Bellucci/Vincent Cassel). »
« Cinéma 2005 : moins de spectateurs dans les salles »,
Jean-Michel Comte, 26/12/2005,
AP French Worldstream
La Princesse de Clèves est old style, on le sait, mais quand même, j’avoue que le people, enfin rien, bref, pfff……

Conservateur externe, dissertation

Mona Ozouf ouvre Composition française, Retour sur une enfance bretonne, paru en 2009 aux éditions Gallimard, par la réflexion suivante :
« Quand je réfléchis à la manière dont les Français ont senti, pensé, exprimé leur appartenance collective, deux définitions antithétiques me viennent à l’esprit. Elles bornent le champ de toutes les définitions possibles de l’identité nationale. L’une, lapidaire et souveraine, « la France est la revanche de l’abstrait sur le concret », nous vient de Julien Benda. L’autre, précautionneuse et révérente, « la France est un vieux pays différencié », est d’Albert Thibaudet.
Rien de plus éloigné que ces deux conceptions de l’identité nationale. La France de Benda est un produit de la raison, non de l’histoire. Une nation politique et civique, faire de l’adhésion volontaire des hommes, surgie du contrat, bien moins héritée que construite. Une nation dont la simplicité puissante, obtenue par l’éradication des différences, unit toutes les communautés sous les plis du drapeau. La France est alors la diversité vaincue. »
Qu’en pensez-vous ?
Piouf !
J’avoue que la lecture du sujet, outre les mots « identité nationale » qui m’ont hérissée au plus haut point, m’a un peu déroutée au départ : on commence par décrire deux conceptions antithétiques dans le premier paragraphe (ce qui pouvait suffire comme sujet, non ?) avant de nous livrer l’explicitation d’un seul de ces points de vue.
J’avoue que ça m’a laissée perplexe. Et vous ? Qu’auriez-vous fait ? Des petits commentaires seraient les bienvenus, j’adorerais lire des ébauches de plan ci-dessous, s’il vous plaît :-)

Retour d’expérience

J’ai eu la très heureuse surprise d’être invitée à parler du web 2.0 et de mon expérience de blogueuse à l’INHA, dans le cadre des ateliers « Les TIC et l’art » organisés par Invisu. Un très grand merci à l’équipe d’Invisu pour ce moment très intéressant !
Nous étions trois à intervenir à cet atelier, Antonio Mendes da Silva, Hélène Morlier et moi. Tandis que j’ai fait le point sur le web, le web 2.0 et le web sémantique, Antonio a présenté les outils principaux relatifs aux blogs. Hélène  Morlier a pour sa part témoigné de sa création sur facebook d’un groupe dédié aux guides de voyages anciens.
Je ne vais pas m’étendre ici sur la partie web 2.0, notre présentation est déjà en ligne, mais plutôt sur mon retour d’expérience en tant que blogueuse. En effet, passée l’inquiétude de devoir présenter sa-vie-son-oeuvre, cet exercice m’a conduite à réfléchir sur quatre années de liberlibri. Ce que je vous livre ici est une version très largement développée par rapport à celle que j’ai présentée pour un public de non bibliothécaires.
J’en profite, au passage, pour signaler que, à quelques semaines près, je blogue depuis cinq ans, liberlibri a quatre ans, je suis à Paris depuis deux ans et que ça fait six mois que je travaille à Paris4. Un « tweet-bilan » de tout ça parce que ce n’est pas l’objet du billet : génial :-)
Un peu d’histoire…
J’ai commencé à veiller activement dès octobre 2005 sur Netvibes, puis sur Greader et j’ai ouvert liberlibri au début 2006, le twitter assorti en février 2008.
Je suis restée anonyme pendant deux ans. A l’époque, les blogs avaient encore une réputation sulfureuse et ne connaissant pas encore bien le monde des bibliothèques, je ne savais pas si cette activité serait appréciée. J’ai fait mon blogging-out en juin 2008 après que j’ai été cité nommément en tant que bloggueuse sur des sites institutionnels. Bien que ça ne m’ait apporté depuis que de jolies opportunités, je regrette parfois cette époque du pseudonymat : avec le temps, le blog est devenu plus lisse, très professionnel.
Depuis que j’ai eu le concours de BAS, en juin 2009, j’ai ajouté le blog sur mon CV : étant donné que c’est à lui que je dois beaucoup de mes implications professionnelles, ça me paraissait normal que mes employeurs soient au courant. En entretien, lorsqu’il a été fait mention du blog (jamais par moi qui n’osais pas !), ça a toujours été très positif.

Ligne éditoriale
Quand j’ai commencé à bloguer, je préparais les concours et je cherchais des stages en bibliothèque. L’idée était donc de créer un blog qui serve de vitrine de mon assiduité dans la préparation du concours et qui témoigne de mes curiosités littéraires et autres. Au départ se trouvaient sur le blog autant de critiques de livres que de billets sur la profession (mon projet professionnel n’était pas encore totalement dessiné : territoriale ou état ?) ; à l’heure actuelle, les billets bibliothéconomiques prennent le pas sur le reste. Cependant, le blog reste référencé comme blog littéraire sur beaucoup de sites et, sachant que je ne cesse de regretter d’avoir arrêté mes chères études de lettres modernes, ça me fait on ne peut plus plaisir.
Depuis que je suis professionnelle des bibliothèques, ma ligne éditoriale n’a jamais varié, il s’agit pour moi de parler de ma profession, jamais du travail quotidien (devoir de réserve).
Cette position vis-à-vis du devoir de réserve est très variable selon les blogueurs. Dans son article « Du monologue au débat professionnel » , Daniel explique qu’il conçoit son blog comme un « carnet public de notes de travail » et qu’il s’en sert pour diffuser ses expériences professionnelles afin qu’ils puissent être connues et adaptées par les collègues.
Pour être honnête, c’est souvent mon quotidien qui inspire les billets du blog, Manue dirait « le travail nourrit le blog » : il est à l’origine d’un questionnement, d’une recherche mais ce qui apparaîtra dans mes billets traitera de la profession. Le fait de parler de la profession, pas du travail, m’oblige à réfléchir sur mes pratiques, à prendre du recul et à les confronter à d’autres points de vue pour la rédaction des billets…
Enfin, un autre moteur de l’écriture des billets est ma lecture des autres biblioblogs et, plus largement, de ma veille professionnelle. Je suis dans un perpétuel mouvement de balancier entre lecture et écriture : la lecture me donne envie d’écrire, l’écriture crée de nouveaux besoins de lecture. Cette oscillation entre lecture/écriture m’est devenue absolument indispensable, même pour travailler au quotidien. Sans la réflexion qui naît de cette pratique, j’ai une impression d’étouffement.
Quelques statistiques
Actuellement, 354 billets, 681 commentaires.
Visites et visiteurs ces trois derniers mois :
Décembre : 943 visites/893 visiteurs
Janvier : 676/648
Février : 911/853
C’est peanuts ramené à l’échelle du web, surtout si on les compare aux 10.000 visiteurs mensuels de Silvère ;-)
Temps moyen par visite : 5/6 minutes, donc vous lisez !

Un lieu de réflexion
Sur ce point, je crois que tous les blogueurs se rejoigent, le blog est un carnet de bord, un espace d’accompagnement de la réflexion. Personnellement, il me permet aussi de fixer mes souvenirs sur des sujets qui me paraissent importants (la série de billets à venir sur la recherche d’information en sera sans doute le meilleur exemple).
Si je me retourne sur ces quatre ans de blog et de veille qui sont indissociables l’un de l’autre, je crois que, grâce à la veille et à la mise en forme de la réflexion dans des billets, mes connaissances sont actualisées, ce qui m’a été très très précieux pour les oraux de concours.

Identité numérique
En ce qui concerne l’identité numérique, j’ai la sensation que la mienne est toujours en train de se construire : je suis passée d’une sorte d’adolescence numérique (utilisation spontanée des outils liée à l’anonymat – coups de gueule, etc.) à un mode de publications (où qu’elles soient) plus maîtrisées.
Une chose sur laquelle je ne transige pas par contre est le caractère privessionnel du blog, c’est-à-dire que je m’y exprime à titre personnel, sans jamais engager mon institution, ni l’association dont je suis membre, sur des questions professionnelles. Pour moi, cette pratique privessionnelle conduit souvent à un questionnement sur ce que je peux dire et ne pas dire.

Un lieu d’échange et une nouvelle façon de travailler
Autre avantage du blog, la constitution très rapide d’un indispensable réseau de collègues : il y a plus de facilité à questionner quelqu’un présent sur twitter ou à laisser un commentaire sur un blog qu’à oser envoyer un mail à un collègue inconnu.
Au fil du temps, je me rends compte que je m’affranchis des canaux traditionnels de communication : j’interroge de plus en plus souvent les collègues via leur messagerie personnelle, twitter ou par chat. Pour résumer, je vais les voir là où ils sont et je suis toujours étonnée de la puissance de ce réseau qu’est twitter pour les bouteilles à la mer : jusqu’à présent, j’ai toujours eu la réponse à une question posée dans la demi-heure.

Points négatifs
Il faut bien qu’il y en ait. L’investissement en tant que blogueur est non négligeable : je fais une petite partie de ma veille professionnelle au travail mais l’essentiel des lectures et la totalité de la rédaction des billets est faite en dehors. Si dans les années à venir, j’ai un mari, quatre enfants, un labrador et un monospace (!), il est probable que la pratique du blog s’en ressentira…
Bien que je réussisse mieux à gérer les réseaux au fil du temps, j’éprouve parfois la sensation de ne pas arriver à faire une vraie coupure. Dès que l’ordinateur est allumé, le réseau est actif : j’aurais dû systématiquement créer des comptes professionnels et personnels sur tous les réseaux sociaux (je le fais désormais quand c’est encore possible) mais c’est difficile une fois qu’amis et collègues sont mélangés (facebook par exemple). Pour moi, cette connexion presque permanente avec les autres membres du réseau de biblioblogueurs présente les avantages et inconvénients de l’open space : instantanéité, échanges fructueux mais aussi difficultés de concentration. Il reste cependant facile de déconnecter des réseaux sociaux, il suffit d’un peu de discipline !
Un autre point qui me chiffonne par rapport au web 2.0 est cette course perpétuelle à l’outil et le fait que les services web 2.0 ne savent plus rester à leur place d’outils. Il est donc difficile de se concentrer sur le fond, sur la réflexion, quand toujours la forme, la nouvelle fonctionnalité vous réclament : ce n’est pas innocent, ne nous leurrons pas, la gratuité en échange de notre attention est un des points communs à tous les réseaux sociaux (voir à ce sujet l’article de Philippe Chantepie, « Web 2.0 : les économies de l’attention et l’insaisissable internaute-hypertexte » dans Esprit, mars-avril 2009). Il me semble néanmoins que cet inconvénient reste gérable si l’on garde les objectifs de départ à l’esprit : personnellement, il m’arrive de décider de ne pas changer pour un nouvel outil, tout simplement parce qu’il est trop gadget et que je lui préfère un vieil austère !
Dernier point négatif, le fait que la toile cristallise des passions qui n’oseraient pas s’exprimer aussi vivement dans la vie réelle. Il peut arriver que les billets suscitent des réactions très négatives. Une fois passé la surprise, ces échos acerbes sont intéressants à consulter car ils permettent de saisir ses propres limites, de lire ce que ne vous diront pas vos proches.
En regard des apports, tous ces points négatifs restent minimes et relativement anecdotiques.
Une légitimité ?
Question plus délicate que se posait déjà Daniel dans l’article mentionné supra. La rapidité avec laquelle on est cité, invité dès lors qu’on est blogueur est étonnante.
Dans mon cas, quelques mois après sa création, le blog a été référencé sur Bibliopedia : c’était sa première reconnaissance.
C’est parce que j’ai blogué que j’ai été invitée à faire partie du groupe de travail Bibliothèques hybrides, que j’ai eu la possibilité d’écrire et de faire des formations sur le web 2.0. On a tout simplement pensé à moi parce que j’étais visible. Si je n’avais pas eu cette vitrine, rien de tout cela ne me serait arrivé, en tous cas pas en deux ans à peine d’ancienneté dans les bibliothèques !
Bilan ? Dans les moments d’angoisse, je me dis que je suis peut-être un amateur éclairé mais que je ne suis pas spécialiste (contrairement à lui ou lui par exemple). Quand je me détends, je pense que si les collègues me font confiance, c’est qu’ils me jugent capable. Il n’empêche que j’ai la ferme intention de reprendre des études pour être en adéquation avec moi-même.
C’est sans doute aussi la raison principale qui a motivé mon engagement dans l’ABF, confronter ma pratique de blogueuse à l’institution, ne plus rester dans le virtuel avec mes colères et mes découvertes. Je trouvais que le blog et le réseau m’apportaient beaucoup mais j’avais besoin  et envie de m’impliquer IRL.
On entend dire beaucoup de choses des associations professionnelles, effectivement elles sont imparfaites et en cela, elle nous ressemblent. Personnellement j’ai tendance à penser que le meilleur endroit pour s’y faire entendre est d’être à l’intérieur. Si l’on regarde le travail accompli par Franck avec les hybrides, c’est flagrant : depuis 2008, l’ABF a un blog pour ses congrès, il y a chaque année plus de blogueurs dans les groupes régionaux et le nouveau président est sur facebook ! Les gens qui les composent ont beau être assez différents, je m’amuse de constater que les réseaux finissent bel et bien par se rejoindre.
Pour conclure ce billet déjà trop long, je dirai qu’à l’heure actuelle, biblioblogosphère, profession et engagement associatif sont indissociablement liés pour moi. Partout, des satisfactions et des désillusions mais sur le long terme, une impression formidable d’échange, où que ce soit :-)
Apostille : quels outils pour quels besoins ?

  • Agrégateur : sans lui, point de salut. Outil indispensable pour une veille efficace. Greader
  • Blog : complémentaire de la veille, nécessaire mise en perspective des lectures faites. WordPress, hébergé par mes soins.
  • Twitter : réseau, échanges, entraide, infos fraîches
  • Facebook : rejoint Twitter
  • LinkedIn : réseau professionnel
  • Delicious/Diigo : archiver, classer
  • Flickr : photos
  • Librarything/Zotero : bibliographies
  • Tumblr : carnet de citations
  • Slideshare : présentations
  • Friendfeed : relier tout ça.
Remerciements spéciaux à mon relecteur attitré ;-)

Blocages

De plus en plus de collègues font régulièrement part de leur exaspération de voir leurs DSI leur bloquer l’accès à un nombre colossal de sites, dont la liste fait montre d’un ridicule abyssal et d’une ignorance crasse des métiers de l’information. Car non, certains de nos collègues ne peuvent pas accéder aux sites d’Arte, de Radio France, sous prétexte qu’ils vont utiliser de la bande passante. Car non, certains collègues ne peuvent pas non plus accéder aux réseaux sociaux et à leurs messageries privées sous prétexte qu’ils vont perdre du temps.
Le blocage de l’accès à des sites culturels se passe de commentaires tant il est bête et arbitraire. Le blocage de sites comme les messageries me paraît plus pernicieux. J’ai la chance d’avoir toujours travaillé dans des établissements qui ne restreignaient nullement l’accès à aucun site, je me sens donc d’autant plus à l’aise pour évoquer la question.
Pour moi, empêcher l’accès aux mails privés, c’est un peu comme si l’on vous attendait à l’entrée de votre établissement pour vous confisquer votre téléphone portable. Je ris de voir qu’avec les smartphones, les collègues pourront de nouveau mailer à loisir ! Personnellement, ayant changé d’établissement trois fois en deux ans, j’ai communiqué mon mail personnel à nombre de collègues pour éviter de perdre le contact. Je n’ose imaginer ce qui se passerait si je ne pouvais plus accéder aux mails de l’ABF ni aux mails de mes collègues hybrides et à ceux de mes anciens collègues si ma messagerie personnelle était bloquée. Je les sollicite tant pour une question, un doute, que je me contrefiche du moyen par lequel je passe (gmail, chat, tweet et même facebook). Mais il y a pire. Un enfant malade, un problème urgent à régler, il est illusoire de croire laisser sa vie privée sur le pas de la porte en refusant les mails. On n’est pas obligé d’en abuser cependant et quelqu’un qui gaspille son temps, à mon sens, le gaspillerait même sans messagerie bloquée… Il suffit, me semble-t-il, pour rêvasser de regarder par la fenêtre, c’est le premier écran de liberté qu’on nous a inventés !

Avec mes excuses…

La question de la relation problématique avec l’usager posée par Jean Bouyssou (cf. ce billet) me soucie. Elle est commune à énormément d’établissements, si ce n’est pas la totalité, et elle fait en effet écho à trop de situations vécues tant il est vrai que les plages de service public, où que l’on travaille, sont constituées souvent de litanies d’excuses auprès de nos usagers. Un jour l’opac buggue, un autre telle base est en panne (encore que dans ce domaine les réactions des collègues sont rapides). Pour peu que ces désagréments aient lieu un jour où le SUDOC est en maintenance et tout s’arrête. Quand on est en libre accès ces jours-là, on est à peu près sauvé, mais dans les établissement où les documents sont conservés en magasin, tout est paralysé. Ce sont là des cas extrêmes mais les problèmes d’imprimantes et de photocopieuses, eux, sont quotidiens. Il faut bien avouer que, dès qu’il s’agit de technique, nous ne répondons plus aux besoins immédiats de nos usagers. De surcroît, la réponse apportée par le bibliothécaire ne règle pas le problème dans la mesure où lesdites photocopieuses et imprimantes sont souvent gérées par un prestataire extérieur qui ne viendra que le lendemain, quand ce n’est pas la semaine suivante… D’où l’impression pour les étudiants que les bibliothécaires sont finalement peu compétents… Ce n’est certes pas systématique mais cela se produit trop souvent et, si nous n’avions pas la chance d’avoir un public captif en BU, je me dis parfois qu’il irait voir ailleurs… C’est inquiétant dans la mesure où, dans le même temps, les étudiants ont la possibilité de trouver sur certains sites pirates dont je tairai le nom quantité de manuels qu’ils cherchent à photocopier. Si nous ne leur offrons pas un service de qualité, ne vont-ils pas très vite se passer de nous ?
Il est sans doute un peu facile de faire ce constat sans rien proposer. Pourtant, c’est une question qui me taraude depuis plusieurs années et à laquelle j’aimerais avoir des éléments de réponses parce que je n’en trouve pas moi-même. Serait-ce trop demander qu’ils soient positifs ? :-)

Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient—le mot n’est pas trop vaste—au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt… public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous.

Victor Hugo, Discours d’ouverture du Congrès littéraire international de 1878, 1878

Sous la contrainte

Contrainte par la demande générale dûment exprimée par gazouillis avant les vêpres, voici donc un compte-rendu de la lecture de l’Oulipo, qui a eu lieu ce soir, à la BnF.

J’ai bien conscience que ce n’est pas ce type de billet qui me ramènera au billet sérieux, à la note professionnelle que vous attendez tous, dont vous allez jusqu’à vous enquérir parfois. Qu’on se rassure, j’ai des notes au germoir, elles ne devraient pas tarder, seulement avec cette neige, que voulez-vous mes bons lecteurs, les jeunes pousses ont froid et tardent à être aptes à la publication. Bref, arrêtons les considérations « météorobloguesques » (oui, j’adore inventer des mots, fussent-ils des barbarismes) et revenons au sujet de ce billet, la soirée oulipienne de ce jeudi.
Cependant, avant de commencer un tel récit, il me faut revenir sur les péripéties qui se sont produites avant mon avachissement dans le fauteuil 3-3-G de velours rouge. Réveillée par miracle une demi-heure avant le début de la lecture, je suis partie en retard comme il se doit. J’ai commencé à marcher d’un bon pas quand zioup ! j’ai ralenti. Neige, verglas, autant de choses qu’une sieste m’avaient fait oublier et qui, pourtant, s’accrochaient avec ténacité et avec l’aide de la température négative (zeugme, je reparlerai des zeugmes), précieux adjuvants pour eux. Alors que je descendais la rue ***, en prenant bien garde à arriver en bas sur mes deux pieds, la crainte du parvis de la BnF commençait à me saisir.
Connaissez-vous le parvis de la BnF par temps moche ? Qui ne l’a jamais traversé ces jours-là n’a pas conscience que l’on peut aussi pratiquer l’aquaplanning rien qu’avec ses deux pieds, sans voiture, juste en prenant la latte de bois dans le bon sens de l’humidité. Il s’agit peut-être d’un nouveau loisir propre, une sorte de nouvelle action sans voiture, « vous aussi, faites de l’aquaplanning sans polluer à Tolbiac, vue imprenable et bourrasques garanties ». Mais je m’égare, quoique pas tant que ça, puisque de mon logis nous sommes déjà sur le parvis, soit tout près du but.
C’était sans compter avec la vision apocalyptique qui s’offrit à moi quand je débouchais entre les tours, contournant le Mk2. Gelé, complètement gelé. Un malheureux petit chemin avait été dégagé, encore fallait-il le rejoindre. Me revint alors le souvenir d’une réunion par un temps similaire où j’avais cru ne jamais arriver pour cause de chaussures de ville. Courage, me dis-je, tu es munie cette fois de souliers confortables et plats, tu vaincras. Zioup ! Tant bien que zioup !, je rejoins le chemin dûment dégagé par les agents assermentés (ou pas d’ailleurs). Là, je crois mon salut proche, zioup ! les bandes anti-dérapantes sont gelées aussi, sinon ce n’est pas drôle, et la lecture oulipienne de ce soir prend peu à peu des allures de quête du Graal. Je précise à ce stade que je n’oublie pas le compte-rendu, que nous avons fait dix mètres en un paragraphe et qu’à cette allure, nous serons dans le fauteuil 3-3-G de velours rouge dans quelques lignes.
Zioup ! Seulement les bourrasques s’invitent. Vous croyez assurer votre pied sur un endroit du bois moins brillant de gel, le vent vous pousse, vous posez votre pied sur la glace et vous partez. Il faut que je m’attarde un peu sur cette sensation de glissage qui est fort différente de l’aquaplanning sur lattes automnal. Dans les cas d’aquaplanning, si la latte est prise dans le sens de longueur, la glissade est lente, continue, le corps vacille vers l’arrière. Dans le cas de la bourrasque sur gel, elle est soudaine, saccadée et le vent fait ce qu’il veut de votre corps. Soudain, dans cette froide nuit, un râle, c’est une femme qui zioup ! elle aussi. Mue par une sourde colère, elle presse le pas, court presque jusqu’à la rampe. Sans glisser. J’hésite à la suivre. Il se trouve que Mme Mère m’a appelée hier soir pour m’annoncer qu’elle allait devoir porter une orthèse stabilisatrice de cheville pendant six semaines suite à un oubli de marche, je me ravise. Six semaines, c’est long.
J’arrive finalement, enfin, à la rampe de descente vers l’entrée Est. Là encore, il faut se cramponner pour ne pas glisser sur ce tapis roulant qui ne roule plus, arrêté qu’il a été après un trop fort taux de chute de lecteurs. A ce stade, je m’interroge : serait-ce de la part de l’établissement une stratégie pour éviter le syndrome BPI, j’ai nommé la queue ? A Tolbiac, on peut éliminer un tiers des lecteurs par bronchite, pneumonies et autres joyeusetés respiratoires et un autre tiers par chute. C’est propre, sans traces, et surtout ça paraît involontaire.
Bref, après avoir encore affronté l’épreuve du portique qui bippe toujours parce qu’on a oublié quelque chose et qu’il est un portique zélé, on pénètre dans le hall. Là, tout va vite. On file vers les auditoriums, on ouvre successivement quatre portes gris métallique aussi lourdes et épaisses que hautes, en passant par une sorte de néant gris, fait en cote de maille (je jure que c’est vrai, vous n’avez qu’à y aller, d’abord, si vous ne me croyez pas, ça me dispenserait de cet exercice qu’est le compte-rendu). On entre dans le hall des auditoriums – c’est chic, Tolbiac, ça peut se permettre d’avoir plusieurs halls – et là, on s’achemine gaillardement, les pieds sur du bois sec, vers le fauteuil 3-3-G de velours rouge dans lequel on se coule en se disant qu’on ne nous y reprendra plus, à sortir en des lieux pareils par pareil temps. Il faut quand même que je précise que le fauteuil 3-3-G de velours rouge ne doit pas être immatriculé de la sorte. Mais, voyez-vous, bien que nous ne soyons pas limité ici par les 140 caractères tyranniques de Twitter, j’ai préféré vous épargner la mention du 3° fauteuil, 3e rangée en partant de la scène, côté jardin.
Les sept oulipiens de ce soir sont déjà là, sagement installés sur leurs petites chaises : Hervé Le Tellier, Yann Monk, Michèle Grangaud, Marcel Benabou, Michèle Audin, Jacques Roubaud et Frédéric Forté. Le président secrétaire définitivement provisoire Benabou ouvre la séance en remerciant chaleureusement son public d’avoir bravé la glace. Jacques Roubaud, nous dit-il, a bien noté qu’il y avait deux fois moins de monde que d’habitude. Et moi de me demander combien sont encore là-haut sur le parvis, centres de gravité perdus, bras et jambes en l’air, qui moulinent pour tenter, non d’effrayer les étourneaux et en cela d’aider l’établissement à se débarrasser de ce fléau quoiqu’il fût beau chanteur au couchant, mais bien de se redresser, en vain.
A ce stade, permettez que je donne quelques précisions sur l’Oulipo au cas où quelque geek des Kiribati égaré sur ce blog ignorerait tout de ce groupe littéraire. On n’est jamais trop prudent, surtout avec les geeks des Kiribati lorsqu’ils sont égarés. L’Oulipo, donc, est l’ouvroir de littérature potentielle. Pour faire simple et vite, les Oulipiens écrivent en se fixant des contraintes (saisissez-vous le trait d’humour dans le titre de mon billet maintenant ?), l’exemple le plus connu étant le roman de Perec, La disparition, écrit sans la lettre E. Pour de plus amples explications, vous êtes des grands lecteurs, vous irez voir par .
Des contraintes ce soir, nous en avons eu. Le thème de la lecture était la rumination. Le président secrétaire définitivement provisoire Benabou nous a lu des parantonymes de son cru (oublier/publier), nous citant notamment ce cher exemple : « si les rationalismes font des êtres aboutis, les nationalismes font des êtres abrutis ». Rires. Jacques Roubaud lut pour sa part un projet de pièce de théâtre désopilant où il amenait déguisés des personnages d’un auteur contemporain de Shakespeare, un actrice platine et une ministre britannique à un bal chez la princesse de Clèves. La star de cette soirée fut sans conteste Hervé Le Tellier. Il nous livra pendant quelques trop courtes minutes la confession d’un philosophe télévisuel, adepte du gros concept et marié à une actrice rohmerienne de 45 kilos (toute ressemblance bla bla bla, NDLR). « Je gros-conceptualise à plein temps », faisait-il dire à son philosophe préoccupé de ses cols de chemises. Et voilà qu’une petite erreur, une mention d’un philosophe qui n’existait pas tout à fait allait mettre notre télévisuel très mal à l’aise. Ce n’est pas, expliquait l’orateur, une erreur d’érudition, de cela le philosophe télévisuel n’a point. Le Tellier achevait en présageant que le personnage allait maintenant la jouer beau joueur, avec un humour qu’on ne lui connaissait pas jusque là…
Fin de la lecture par les traditionnelles annonces faites par Frédéric Forté, digne remplaçant d’Olivier Salon dans la bafouille. Puis, après un passage devant les volumes exposés de la Bibliothèque oulipienne, retour au logis. Je vous épargnerai le retour qui fut un tantinet moins éprouvant, le vent était tombé (presqu’une anacoluthe, mais bigre je devais reparler des zeugmes, tant pis il n’est plus temps).
Morale : si la BnF était en wifi, ou si du moins quelques toutes petites ondes de réseau téléphonique parvenaient jusqu’à l’auditorium, j’aurais pu twitter la soirée et vous n’auriez pas perdu à la lecture de ce compte-rendu le temps de trois notices de catalogage. Que l’ABES veuille bien me pardonner, mais que voulez-vous, une alerte neige sur Paris, ça paralyse tout.
Suggestion : d’humeur oulipienne sur le chemin de mon antre, je m’amusais en me disant que « motus et botul » ferait un beau sujet de philo à l’agreg. J’ai bien eu « Je me traverse » en comparée, moi, à l’agreg….
Mise à jour, le lendemain matin : on me signale que Marcel Benabou n’est pas président, c’est Paul Fournel le malheureux à qui j’avais retiré ce titre. Marcel Benabou est pour sa part secrétaire définitivement provisoire et secrétaire provisoirement définitif.

Au cours des dix dernières années, de quoi a-t-on parlé dans le monde du livre ? En ces temps où la lecture connaît une stagnation qui n’est pas réjouissante, on ne débat que de réglementations, de restrictions, on combat des fantasmes, on cherche des coupables : le photocopillage, le prêt entre bibliothèques, le grand méchant Google. On ne peut qu’être frappé par le repli sur soi, le corporatisme, la frilosité, la plainte constante. Mais ce sont les lecteurs qu’on punit. La Commission européenne a appliqué les modes de régulation du secteur audiovisuel au livre. Fatale erreur.
[…]
Alors oui, à côté des “vrais” livres imprimés qui ont de beaux jours devant eux, il faut aussi mettre à disposition sur la Toile tout ce que la culture a pu produire de meilleur hier et aujourd’hui. Il faut inventer de nouveaux modèles d’éditeurs, de libraires, de bibliothèques, aptes à naviguer entre le matériel et le virtuel, à offrir des textes imprimés et des textes électroniques.

Martine Poulain, Livres Hebdo n°802, 18 décembre 2009.

L’article intégral vaut vraiment la peine d’être lu !

Il y a des moments où le monde bouge et où l’on a besoin d’un réconfort collectif, mais il y a aussi de grands moments que l’on savoure mieux en privé.

Julian Barnes, A jamais et autres nouvelles, “Ermitage”

Extrait d’une nouvelle où les personnages ne prennent pas part aux festivités de la petite communauté où ils se trouvent, curieusement je pense à l’ensemble des médias sociaux en lisant ces lignes.

« Older posts Newer posts »