Un prof qui regrette l’affaissement de son autorité tout en continuant à imposer le miroir d’une société disparue n’a pas compris grand chose à l’histoire de la culture depuis un demi-siècle. Dans cette évolution, le numérique n’est que la cerise sur le gâteau, qui a confirmé aux jeunes l’autonomie de pratiques de plus en plus impénétrables pour les maîtres. C’est parce que l’école a refusé depuis longtemps de s’adapter à la culture des nouveaux médias (à commencer par le disque et la télévision dès les années 1960) qu’elle a perdu progressivement le prestige et l’autorité qui fondent l’efficacité d’une prescription. Dans cette histoire, avant de devenir la victime du désintérêt des élèves, le livre est d’abord celle de l’inconséquence des maîtres.

« Je fais de la philologie grecque, je lis des manuscrits byzantins (plus souvent sur des microfilms que sur les parchemins, d’ailleurs) et je viens de lire un roman sur ma tablette. C’était le premier texte long et de fiction que je lisais sur un écran d’une façon continue. » En somme, le texte est polymorphe. C’est un fait ancien, mais aussi une réalité concrète pour nombre de lecteurs, dont je fais partie. Si je suis un amoureux des manuscrits, des livres, c’est avant tout le texte qui m’importe. Et s’il faut se battre pour des supports, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais bien pour ce qu’ils permettent, à savoir une forme de communication, une forme de culture, une forme de réflexion.

Faire des humanités numériques”, Aurélien Berra