La découverte de l’univers intérieur de cette vaste bibliothèque éveille d’abord un imaginaire aux multiples facettes. On pense à Borges et à sa “bibliothèque de Babel” qui se déploie à l’infini. On est saisi par le sentiment de pénétrer dans un monde en soi, un monde dont il est impossible de saisir les limites, qui ne se laisse approcher que par fragments. La dimension poétique de cette appréhension de l’espace stimule notre imaginaire.
Auteur/autrice : Cécile Arènes (Page 25 of 42)
Une seule question : après avoir lu ces posts, est-ce que quelqu’un parmi vous achètera un document de Nouvelle-Calédonie pour sa bibliothèque ?
Dites oui, s’il-vous-plaît 😉
La bibliothèque Bernheim, son histoire
La bibliothèque Bernheim est un « établissement public de Nouvelle-Calédonie » dont le champ de compétences couvre l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie. Elle a été créée en 1905, à la suite du don de Lucien Bernheim, propriétaire d’une mine à Népoui. A la veille de son départ pour la Métropole, ce dernier a souhaité doter la Nouvelle-Calédonie d’une bibliothèque. Dans sa lettre au gouverneur, il explique comment il imagine l’établissement et fixe les missions qui sont encore celles de la bibliothèque aujourd’hui.
Monsieur le Gouverneur,
Au moment de quitter la colonie, probablement pour n’y plus revenir, j’ai pensé à laisser à la Nouvelle-Calédonie, que j’aime, et dont je ne me sépare qu’avec peine, un gage d’affection en même temps qu’un souvenir durable de mon séjour ici. […] L’absence d’une bibliothèque se fait vivement sentir, et après y avoir mûrement réfléchi, c’est à la création d’une bibliothèque publique que je me suis arrêté. J’ai donc décidé de donner à la colonie, pour la fondation de cette œuvre et sous les conditions ci-après, une somme de cent mille francs que, si elle est acceptée, je verserai au Trésor colonial dans le courant du mois de janvier prochain. Cette bibliothèque portera mon nom. Elle sera installée dans le pavillon de l’Exposition de 1900 et sera à la fois destinée à la lecture sur place, et, pour les volumes dont la valeur n’est pas trop considérable, au prêt à domicile. (…) En outre, je désire que la colonie profite de cette bibliothèque. En conséquence il serait nécessaire d’organiser un système de circulation de livres (…) Je pense que la colonie pourra prendre en charge les autres frais, peu élevés, qui résulteront du fonctionnement de cette bibliothèque qui assurera à mes concitoyens de la Nouvelle-Calédonie un puissant moyen de culture intellectuelle. […]
Patrimoine, communication des ouvrages, décentralisation ont ainsi fait partie des finalités de la bibliothèque dès sa création en 1905. A son ouverture, elle est installée dans le pavillon de la Nouvelle-Calédonie de l’exposition de 1900, qui a été démonté et ramené à Nouméa. Sa charpente métallique, apparente, a été réalisée par Gustave Eiffel. A cette date, les collections sont conservées au rez-de-chaussée et l’étage fait office de musée. En 1981, un second bâtiment sera construit pour pallier le manque de place.
La bibliothèque se compose aujourd’hui du pavillon Eiffel, qui accueille les expositions et abrite la salle des périodiques. Dans le bâtiment qui lui fait face sont conservées les collections adulte et jeunesse, ainsi que la discothèque.
Missions
La bibliothèque Bernheim possède le statut d’ « établissement public de Nouvelle-Calédonie », à savoir que son champ de compétences couvre l’ensemble du territoire. Outre la desserte municipale qu’elle assure du fait de sa position en plein centre de Nouméa, il lui incombe plusieurs missions.
La première d’entre elles est une mission de lecture publique pour laquelle elle constitue des collections pluralistes et encyclopédiques, destinées à l’ensemble des publics, à des fins d’information, de formation permanente, d’enrichissement culturel et de loisirs. Elle réalise aussi la promotion de la lecture en organisant fréquemment des animations. En outre, elle pilote le Réseau Documentaire Calédonien, REDOCAL, qui permet d’accéder en ligne aux ressources de dix-sept établissements répartis sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie. La décentralisation s’inscrit dans le développement de la lecture publique en Nouvelle-Calédonie. Voulue par Lucien Bernheim, la desserte d’une majorité d’habitants est aujourd’hui assurée par les bibliothèques. Un secteur spécifique existe au sein de deux des établissements du réseau.
Une autre des missions de la bibliothèque consiste à collecter et conserver le patrimoine imprimé, iconographique et sonore. Pour ce faire, elle est dépositaire du dépôt légal, éditeur et imprimeur, pour la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, et elle fait partie des pôles associés de la BnF. Un pôle associé peut être défini comme un « ensemble documentaire organisé autour d’un site géographique cohérent, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, s’efforçant de développer une spécialisation en renforçant ses collections en harmonie avec celles de la BnF »1.
Fonctionnement de l’établissement
Une cinquantaine de personnes travaille pour la bibliothèque Bernheim. Trente travaillent sur le site historique tandis que dix sont affectées à la gestion de la médiathèque du Nord, à Poindimié, également gérée par Bernheim. Enfin, une dizaine de personnes viennent d’être recrutées afin d’assurer la création de la future médiathèque VKP2 qui sera située, en province Nord, à Koné. En effet, pour assurer la promotion de la lecture publique, la province Nord a fait le choix de confier les projets de création de médiathèques (Poindimié puis VKP), ainsi que leur gestion, à la bibliothèque Bernheim. Il s’est créé une véritable synergie entre les établissements. Si les compétences de la bibliothèque sont territoriales, son financement, comme celui de l’ensemble des institutions culturelles, échoit à chacune des trois provinces de Nouvelle-Calédonie.
1 In Bertrand CALENGE, Conduire une politique documentaire. Paris : éditions du Cercle de la Librairie, 1999, p. 58.
2 Sigle pour les communes de Voh, Koné et Pouembout qui seront desservies par cet établissement.
Récemment, j’ai coupé toutes les sonneries et autres BIP qui retentissaient sur mon PC. J’avais déjà tendance à rendre muet le téléphone pendant que je lisais, j’agirai désormais de même pour les mails, les twits et tout ce qui peut hacher mon travail ou ma lecture. Oh, je sais, certains vont me reprocher mon asociabilité mais qu’importe. Je n’en peux plus d’avoir la pensée qui saute, d’être en permanence interrompue par des technologies qui ne sont que trop intrusives. Il fut un temps où je n’avais que du bas débit et où je n’ouvrais mon PC que deux fois par semaine. Je le regrette parfois. A cette époque, je prenais le temps de lire tranquillement, de laisser mûrir mes réflexions avant toute publication. Lorsque je dégottais une idée, un outil intéressants, j’y repensais quelques jours avant d’en parler. Passé ce moment de décantation, je pouvais livrer une analyse.
J’écrivais toujours mes billets à la main, sur un carnet que je raturais avec patience. Je couchais le texte sur la page de droite, la page de gauche étant réservée aux multiples ajouts et corrections qui viendraient l’amender par la suite. Je laissais ce brouillon reposer encore avant de le saisir. Là commençait alors une nouvelle phase de reprise du texte initial, dictionnaire des synonymes à l’appui. Venait alors une seconde étape de recherches sur le net pour créer les liens et enrichir davantage le billet. La note ainsi rédigée était ensuite entreposée dans un dossier « A publier ». Elle était de nouveau tamisée, relue au moment de la mise en ligne afin qu’il n’y restât pas un mot de trop, pas un mot de travers.
Aujourd’hui, il m’arrive bien souvent de repérer une information au creux de la nuit, lorsque je suis trop ensommeillée pour poster un billet, et de la voir déjà signalée le lendemain quand je pose le pied par terre. Aujourd’hui, la blogosphère va vite, très vite. Parfois trop à mon goût.
Les nouveaux outils pullulent et j’ai souvent la désagréable impression de passer plus de temps à les essayer qu’à profiter vraiment de leurs innovations. Je ressens la sensation d’être passée de la culture de l’information à un technocentrisme débridé (voir Le Guide des égarés), d’avoir délaissé le contenu pour le contenant. Pourtant, la technique ne devrait pas être une fin en soi mais un simple adjuvant.
J’ai bien conscience que cette course effrénée ne s’arrêtera pas, cependant. Je ne la condamne pas, étant souvent très heureuse d’utiliser des petites merveilles de technologies. Simplement, il me prend de plus en plus souvent l’envie de laisser doubler le peloton, de m’arrêter au bord du chemin pour cueillir une fleur ou taquiner un insecte du bout d’un brin d’herbe. Mais comment rattraper alors la troupe lancée à vive allure ? Je n’en finis pas de déplorer la fuite du temps et cela me désole.
Ce sera le billet chagrin de l’automne, il en faut !
Deux Trois petits liens qui mettent du baume au coeur :
– Traiter l’actualité à froid apporte un plus à vos articles
– Pour des technologies lentes, Stefan Agamanolis
J’ajoute un excellent billet de Mediamus, qui a eu dix fois raison de le citer en commentaire 🙂
Au tout début de mon stage à la bibliothèque Bernheim, Christophe Augias, son directeur, m’a dit la chose suivante :
« Le pari de la lecture publique en Nouvelle-Calédonie est gagné. »
Ce sont des mots font vraiment plaisir à attendre pour qui a connu la Nouvelle-Calédonie d’avant les nouvelles médiathèques. Concrètement, cette réussite s’appuie sur :
- des bibliothèques regroupées en un réseau : catalogage partagé, programme d’animation commun, dépôt de livres des gros établissements dans les antennes les plus petites, points-lectures en tribus (un mémoire Enssib a été réalisé sur le sujet) et, surtout, des contacts très fréquents entre les collègues, c’est-à-dire un véritable travail en réseau,
- un salon international du livre océanien, le SILO : organisé par la bibliothèque Bernheim elle-même, il a lieu en province Nord (pour ne pas concentrer sur Nouméa toutes les manifestations) tous les deux ans. Le salon se veut un événement culturel visant à offrir un temps de dialogue entre les auteurs et tous les acteurs du livre, à brasser différents types de public et à favoriser l’accès au livre pour tous. Etant organisatrice, la bibliothèque y joue un rôle phare,
- enfin, très récemment, le passage à Koha de tous établissements : l’adoption d’un logiciel libre permet de régler le problème de la maintenance du SIGB, très difficile à faire auparavant à 22.000 km de l’Europe. Désormais, la maintenance et le développement sont confiés à une société calédonienne.
Je pense qu’ils nous réservent encore d’autres surprises et je ne manquerai pas de vous tenir au courant. D’ici là, faites connaître les documents de Nouvelle-Calédonie, achetez-les dans vos bibliothèques ! Pour ceux qui sont intéressés, j’avais établi une bibliographie pour une bibliothécaire voulant faire des acquisitions, je l’ai mise en ligne ici.
Deux précisions supplémentaires :
– tous les ouvrages de Grain de sable sont disponibles chez les fournisseurs habituels,
– si un fournisseur n’est pas en mesure de fournir un document, la commande hors marché est autorisée et le diffuseur calédonien s’appelle Pacific book’in. Pour l’antiquariat, on peut voir avec la librairie australienne Maritime books.
La maison Grain de sable est née en 1994. Sa créatrice, Laurence Viallard, une ancienne graphiste, a fait le constat suivant : « J’aime la Calédonie mais lorsque l’on m’a interrogé sur son histoire, ses traditions, je me suis rendue compte que je ne connaissais rien. » En effet, il n’existait alors que quelques éditions onéreuses, donc inaccessibles au grand public. En découvrant les petits formats des Editions Mille et une nuits, Laurence Viallard a eu l’idée de créer des petits livres à des tarifs très abordables. « J’avais envie, explique-t-elle, de donner la possibilité au public, aux jeunes, de se réapproprier leur patrimoine en le mettant en valeur. Pas sous l’angle didactique mais de façon originale permettant aux auteurs de faire valoir leur créativité, leur originalité »1. Trois ans plus tard, Grain de sable comptait déjà plus de quarante ouvrages à son catalogue et, sur les quarante-cinq mille exemplaires imprimés, plus de la moitié étaient vendus.
C’est donc avec les « petits » Grain de sable, des ouvrages de quinze centimètres à peine, imprimés sur du papier recyclé, que la maison connaîtra le succès. Les textes proposés permettront au public de découvrir le patrimoine calédonien dans sa multiplicité. Littérature, ouvrages historiques, documents sur la faune et la flore, recettes de cuisine sont autant de thèmes présents dans ces collections petit format.
Grain de sable publie également des ouvrages en grand format. Son originalité est d’avoir su faire entrer à son catalogue des écrivains contemporains comme des auteurs classiques. En effet, de nombreux textes de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, qui n’avaient jamais été réédités, ont été de nouveau porté à la connaissance du public « car il est évident, selon l’éditrice, que si l’on ne connaît pas ses racines ou sa mémoire, on ne peut pas construire un avenir »2.
Grâce à un catalogue généraliste extrêmement varié, les éditions Grain de sable ont connu un remarquable développement. Elles ont aussi bénéficié, à leur création, de nombreuses aides publiques. Toutefois, la fondatrice de la maison, Laurence Viallard, regrette que les pouvoirs publics ne suivent pas l’édition sur le long terme en aidant à la diffusion ; en effet, la situation des petits éditeurs reste fragile.
1 In « Laurence Viallard : “rendre la culture au commun du peuple” », Les Nouvelles calédoniennes, 28 septembre 1994.
2 In « Les Editions Grain de sable : le livre est un chemin de paroles », Pôles Nord, juillet 1996, p. 26.
Documentaires adultes
L’Agence de Développement de la Culture Kanak, l’ADCK, et les éditions Grain de sable s’emploient à faire découvrir le patrimoine calédonien. Ils font paraître, conjointement ou séparément, des ouvrages qui entendent faire connaître la culture calédonienne. L’ouvrage Les Sentiers de la coutume est un exemple des publications de l’ADCK pour promouvoir le monde kanak. Cet organisme publie également des pièces de théâtre. Le Centre de Documentation Pédagogique de Nouvelle-Calédonie, le CDP, fait quant à lui paraître régulièrement des documents sur le droit, l’économie ou les langues vernaculaires qui sont inscrites dans les parcours scolaires depuis les accords de Nouméa. La récente maison d’édition, Expressions, publie dans le domaine des sciences humaines, tout comme les éditions Ile de lumière. La Société d’Etudes Historiques de Nouvelle-Calédonie, la SEH-Nouvelle-Calédonie, se consacre à tout ce qui concerne l’histoire et l’Institut de Recherche et de Développement, l’IRD, produit des ouvrages dans le domaine des sciences. Depuis quelques années, les éditions Planète Mémo ont lancé une collection encyclopédique, « Découvertes calédoniennes », avec, entre autres, des ouvrages consacrés à la case et au lagon. Cette même maison a fait paraître les beaux livres des Chroniques du pays kanak (4 tomes) ainsi que le Mémorial calédonien.
Documentaires de jeunesse
En ce qui concerne la jeunesse, quelques maisons commencent à se spécialiser. Le critique littéraire du journal calédonien Les Infos le remarquait au moment du Salon International du Livre Océanien, « la littérature jeunesse est en plein essor sur le caillou1 »2. Autre témoin de cette vitalité, la revue Citrouille qui a consacré un dossier à la littérature de jeunesse calédonienne3. Les éditions Aloès et Pétroglyphes se sont destinées à la jeunesse et les éditions Grain de sable ont créé Grain de sable Jeunesse.
L’impulsion est venue de l’Agence de la Culture Kanak qui a très tôt senti la nécessité de documents destinés au jeune public. Liliane Tauru, de la médiathèque Centre Culturel Tjibaou, explique : « La littérature de jeunesse était quasi absente du circuit du livre calédonien, et cela malgré la jeunesse de la population. […] Les années 2000 ont marqué les débuts d’une volonté éditoriale en faveur de [cette] littérature »4. L’ADCK a commencé par dispenser des formations, en partenariat avec l’Association Lire en Calédonie. Le choix d’éditer des albums a été retenu parce qu’ils sont lus par les adultes aux enfants, ce qui permet de toucher ces deux publics. C’est de cette volonté que naîtra l’album Téâ Kanaké ; il répond bien à la conception du livre de jeunesse, telle qu’elle se conçoit depuis Fénelon, à savoir qu’il faut instruire en divertissant. Denis Pourawa, l’auteur, est également poète. C’est à la suite de sa collaboration avec le Centre Culturel Tjibaou qu’il a couché sur le papier ce mythe fondateur, écrit en français et en langue vernaculaire. En s’adressant aux enfants comme aux adultes « par l’imaginaire », il tente de les amener à s’ouvrir au monde mélanésien. Par la suite, d’autres albums ont été publiés. Réséda Ponga, l’auteur de Mèyènô, a également suivi les ateliers d’écriture au Centre Culturel Tjibaou avant de créer ses propres contes. Pour elle, le conte offre la « possibilité de faire passer un savoir »5 et de promouvoir la culture kanak, notamment la tradition orale transmise par ses aïeux. Donner à lire et à écouter des contes revêt une grande importance puisque, selon Jean Perrot, « la construction de l’enfance s’effectue à travers le jeu même de la parole »6.
Pour Liliane Tauru, le travail accompli a permis « une prise de paroles de Calédoniens qui ont longtemps été les sujets, pour ne pas dire les objets, des écrits des autres et qui, depuis les années 1970-80 notamment s’expriment eux-mêmes, se définissent eux-mêmes ».
L’association Lire en Calédonie conduit elle aussi des projets de cet ordre. Le projet du livre CD Toutoute7 a découlé d’une prise de conscience : collecter, dans toutes les langues présentes en Nouvelle-Calédonie, les comptines et les chansons destinées aux tout petits. Des animations ont été réalisées avec les mamans tandis qu’une musicienne assurait la formation nécessaire à la réalisation de ce document. Le livre-CD a été distribué gratuitement à toutes les jeunes mamans et se trouve dans les bibliothèques calédoniennes. Une exposition itinérante sur ce projet circule dans les établissements de lecture publique et sera présente au Salon International du Livre Océanien. L’association envisage maintenant de mettre en place des formations à destination des bibliothécaires de section jeunesse.
Ainsi, les documentaires en Nouvelle-Calédonie sont de plus en plus nombreux à rendre compte du riche patrimoine culturel calédonien et la variété des collections témoigne d’une production éditoriale en expansion.
1 Surnom donné à la Nouvelle-Calédonie.
2 In « SILO 2005 : Poindimié en premières lignes », Les Infos, n° 162, 11 novembre 2005.
3 Voir le dossier : « Nouvelle-Calédonie : de la Bible au livre jeunesse », Citrouille, n°41, juin 2005.
4 In « L’album est une passerelle », Citrouille, op. cit., p.9-10. .
5 In, « Flammes d’écriture », Citrouille, op. cit., p. 20
6 In Jean PERROT. Jeux et enjeux du livre d’enfance et de jeunesse. Paris : éditions du Cercle de la Librairie, 1999, p. 19.
7 Une « toutoute » est un gros coquillage dont on se sert pour appeler, en soufflant dedans.
8 Paris : Robert Laffont, 1978.
Mon auteur se porte bien et pense à me donner un petit frère (teasing) 🙂
On peut faire débuter la période contemporaine à la fin de la seconde guerre mondiale. Devenus citoyens, les Kanak ont désormais accès à l’école et ils commencent à produire des textes écrits. De fait, la littérature calédonienne devient le reflet de l’ensemble des communautés vivant sur l’archipel. La prise de conscience de l’existence de la littérature calédonienne reste toutefois plus tardive, datant d’une trentaine d’années. Aujourd’hui, enseignée à l’université, objet de recherche de la part des étudiants et des chercheurs, la littérature calédonienne connaît un bel essor. De plus en plus largement représentée dans les salons du livre, elle est peu à peu découverte hors de l’archipel. Nous présenterons quelques-uns de ses auteurs.
Pour une présentation plus complète des auteurs calédoniens, on peut se reporter à l’excellent site D’île en île mais également à Vers les îles et au portail de l’association des écrivains de Nouvelle-Calédonie. Un lien vous manque encore ? Pensez au del.icio.us !
Louis-José Barbançon est historien, spécialiste de la période pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie. Ce sont ses études d’histoire qui l’ont conduit à prendre conscience du poids de cette époque. De ce constat naîtra, en 1992, Le Pays du non-dit : Regards sur la Nouvelle-Calédonie. Il se définit volontiers comme un « Océanien d’origine européenne ».
Déwé Gorodé, née sur la côte Est de la Grande Terre, entame une carrière d’enseignante après des études de lettres à Montpellier. Très tôt, elle commence à rédiger des poèmes qui ne seront publiés que beaucoup plus tard. Son engagement politique en faveur de la cause indépendantiste la conduit à œuvrer à la création du PALIKA (Parti de Libération Kanak). En 1985, elle publie Sous les cendres des conques, un recueil de poésies engagées. Depuis, elle continue dans divers genres littéraires à faire entendre une voix singulière, qui raconte le monde mélanésien d’aujourd’hui. Ses textes sont étudiés dans les grandes universités du Pacifique et traduits en anglais. Elle est actuellement vice-présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en charge de la culture.
Nicolas Kurtovitch fait paraître son premier recueil de poèmes alors qu’il n’a pas vingt ans. Depuis, il publie régulièrement des recueils de poésie. Dans une langue dépouillée, sa démarche poétique consiste à faire acte d’existence, tout en étant traversée par les motifs de l’enracinement et de l’exil. Plus récemment, il s’est intéressé à l’écriture théâtrale. Il vient en 2007 de publier un roman. S’il se revendique autant citoyen du monde qu’écrivain calédonien, ses textes témoignent néanmoins de sa proximité avec le monde kanak. Il a d’ailleurs cosigné une pièce avec le dramaturge Pierre Gope et un recueil de poèmes avec l’écrivain Déwé Gorodé.
Jean Vanmaï est né en 1940 dans une famille d’origine vietnamienne venue travailler dans les mines. Alors que les siens repartent vers leur pays, il choisit de rester en Nouvelle-Calédonie. Voulant témoigner de leur histoire, il rédige Chang Dang, qui décrit les conditions de labeur très dures des travailleurs sous contrat. Il écrit ensuite une trilogie, Pilou-Pilou, dans laquelle il met en scène des personnages des différentes ethnies de Nouvelle-Calédonie. Il est aujourd’hui président de l’Association des Ecrivains de la Nouvelle-Calédonie.
Frédéric Ohlen est enseignant. Animateur d’ateliers de création littéraire, membre fondateur du Club des Amis de la poésie, il est un « inlassable agitateur d’expressions littéraires en Nouvelle-Calédonie »2. Il est le fondateur des éditions L’Herbier de feu, qui comptent une vingtaine de titres à leur catalogue, essentiellement constitué de poésie. Il y publie ses propres textes mais aussi des écrivains kanak de la génération montante, comme Paul Wamo. Il écrit également en prose. Ses nouvelles ainsi que ses romans sont rédigés dans une langue ambassadrice de la littérature calédonienne.
Né en 1981, Paul Wamo est originaire de l’île de Lifou. Il grandit à Nouméa et, sous l’influence de son grand-père, développe une parole poétique extrêmement originale. Il connaît très vite le succès et son premier recueil de poèmes, Le Pleurnicheur, paru en 2006, est épuisé en moins d’un an3. Ses poèmes font preuve d’une rare liberté de ton et il les profère dans des accents qui se rapprochent du slam.
Pierre Gope découvre le théâtre en assistant à la répétition d’une compagnie ivoirienne venue à Nouméa. A la suite de cette rencontre déterminante, il part travailler à Abidjan avec le metteur en scène Suleiman Koly, puis à Rennes où il suit une formation avec Peter Brook. Revenu en Nouvelle-Calédonie, il crée sa propre compagnie. Sa pièce Où est le droit ? le révèle comme un dramaturge singulier, qui jette un regard sévère sur son pays. Il a également écrit, en collaboration avec Nicolas Kurtovitch, Les Dieux sont borgnes, une pièce qui a été jouée en Avignon.
Créateur de la célèbre bande dessinée La Brousse en folie, Bernard Berger est assurément l’auteur calédonien le plus connu du grand public. Ses planches dépeignent avec beaucoup d’humour le monde de la brousse. Le héros, Tonton Marcel, est un fin pêcheur et chasseur. Ses aventures cocasses et ses confrontations avec les autres personnages (dont Joinville, le Métropolitain, qui a « tout vu, tout lu et touché la prime ») sont un reflet du destin commun des communautés de la Nouvelle-Calédonie.
2 In François BOGLIOLO, Anthologie de la littérature calédonienne, p. 244.
3 Une réédition est prévue pour la fin de l’année, accompagnée d’un CD.
Une vingtaine d’années après la prise de possession, des textes d’Européens, colons et bagnards, installés en Nouvelle-Calédonie, commencent à paraître. Associés à la tradition orale kanak, ces documents jettent les fondements de la future littérature calédonienne. Les thèmes abordés sont essentiellement le bagne et l’éden, ainsi que le monde mélanésien. Par la suite, à la fin du XIXe siècle, viennent des plumes qui compteront dans l’histoire littéraire de Nouvelle-Calédonie.
Georges Baudoux (1870-1949) décrit sans exotisme le monde de la brousse, bien souvent avec une pointe d’humour. Arrivé en 1874 en Nouvelle-Calédonie, ce prospecteur puis écrivain publie ses premiers écrits dans les années 1920. Ses récits satiriques et réalistes connaissent un vif succès.
Jean Mariotti (1901-1975), lui, livre des romans d’analyse qui visent à connaître l’homme et le monde. Né en brousse, il quitte la Nouvelle-Calédonie en 1922 pour s’établir à Paris. Cet écrivain et homme de radio connaît le succès de son vivant et il reste un écrivain reconnu internationalement ; Chevalier de la Légion d’honneur et Chevalier des Arts et des lettres, il a été le vice-président de la Société des Gens de Lettres de France. Il est publié par de grandes maisons, Stock et Gallimard entre autres. C’est à lui qu’a été confiée la composition du Livre du Centenaire1 en 1953. Pour François Bogliolo, « son œuvre littéraire, la plus importante de la production néo-calédonienne, pourrait se résumer en deux thèmes majeurs dans lesquels le rêve ou le merveilleux ne sont jamais absents : exportation et adaptation de la civilisation occidentale aux antipodes, recherche de l’harmonie avec la nature dans le monde canaque »2. Lorsque Jean Mariotti décrit ce qu’il appelle la « cosmogonie canaque », il abolit souvent les frontières entre réel et merveilleux, livrant des pages captivantes.
Alin Laubreaux, tristement connu pour ses positions antisémites, est un auteur qui s’emploiera à dénoncer dans ses textes le système colonial. Dans Le Rocher à la voile, roman publié chez Albin Michel en 1930, il dépeint plusieurs destinées d’un point de vue qu’on pourrait qualifier d’anti-colonial.
Dans l’ensemble des textes de cette époque, un français calédonien voit le jour. Les écrits sont parsemés de mots empruntés au vocabulaire régional et des thèmes, comme la colonie, le bagne, l’éden, se mettent déjà en place.
1 Centenaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, en 1853.
2 In François BOGLIOLO, op. cit., p. 156.
Pourtant, et c’est ce qui met en rogne, Oscar Hibou va bien ! Elle reçoit des commandes, elle travaille avec de très nombreuses bibliothèques et elle a des clients, des passionnés qui viennent parce qu’on y trouve ce qu’on ne voit jamais ailleurs. Seulement voilà, le livre, avec son prix unique, ne fait pas de profits suffisamment gros pour un banquier et les institutions publiques mettent trois mois à payer les factures. Et c’est trop pour un établissement à l’équilibre fragile.
Bédélire, autre célèbre librairie BD de Bordeaux, a fermé il y a quelques mois pour les mêmes raisons.
Combien de temps allons-nous encore compter les morts, hein ?
David Fournol, le patron d’Oscar Hibou, explique pourtant : « La librairie ne va pas si mal, on a des commandes, on a la pêche, mais on manque de trésorerie et on a des dettes. Il me suffit d’être à nouveau en positif pendant cinq à six mois et on est sauvé. »
Un comité de soutien s’est monté, comme l’explique cet article. Lisez, transmettez et si vous passez par Bordeaux, allez donc acheter une BD ou un livre de jeunesse.
Moi, j’y vais vendredi !
