Bibliothéconomie & Cie. - Dir. publ. et réd. en chef Cécile Arènes. - Paris : [s. n.], 2006 - ... .

Auteur/autrice : Cécile Arènes (Page 41 of 42)

Sous mon presse-papier ces mois d’hiver

  • Janvier

    Le Magazine littéraire : débat sur « La culture face à Internet » (Jeanneney, Patino et Fogel)
    Revue des deux mondes : un article d’Alain Bentolila, « L’illettrisme, une cause de l’exclusion »
    Esprit : entre autres bons articles, une lettre ouverte au président de Yahoo par Liu Xiaobo

  • Février

    Le Magazine littéraire : dossier consacré aux Lumières et un entretien avec Tsvetan Todorov, commissaire de l’exposition à la BnF.
    Esprit : comme toujours, un excellent « Journal » en fin de numéro.

    Et aussi un hors série du Magazine littéraire (octobre-novembre) sur la mélancolie, encore une expo – terminée – de la BnF…

« Le métier de bibliothcaire »

Dans mes résumés de livre n’apparaît pas ce manuel que le Cercle de la librairie réédite régulièrement. C’est sans doute que je l’ai si souvent sous la main que j’ai fini par le considérer comme partie intégrante de mes cours. Le métier de bibliothécaire est en effet une véritable bible. On y trouve force informations et c’est une mine de définitions. De plus, les nombreux sujets abordés peuvent constituer de bonnes problématiques pour des dissertations ou des notes de synthèse…
Histoire du livre, sociologie de la lecture, enjeux des bibliothèques aujourd’hui, bibliothéconomie, questionnement sur le métier, sur le public, autant de points traités avec clarté et toujours accompagnés de très nombreuses références.
À lire absolument !

Mise en abyme

La mise en abyme (avec y, lorsqu’il s’agit de la figure littéraire), c’est lorsqu’un narrateur conte un fait, qui est lui-même inscrit dans un fait similaire. Dans Les faux monnayeurs de Gide, l’un des personnages est en train d’écrire un roman, chose que le narrateur lui-même est en train de faire. Il y donc réflexivité de l’action décrite. Plus prosaïquement, le meilleur exemple de mise en abyme est la boîte de Vache-qui-rit. Nous tenons dans la main une boîte avec une vache qui porte des boucles d’oreilles en forme de boîte de Vache-qui-rit, avec une vache qui porte également des boucles d’oreilles en forme de boîte, et ainsi de suite. La mise en abyme est donc un reflet, démultiplié.
Les écrits d’Hubert Nyssen et d’Alberto Manguel sur la lecture sont assurément des mises en abyme. Nous, lecteurs, lisons des propos sur d’autres lecteurs en train de lire. Passé cet aspect de critique littéraire, Lira bien qui lira le dernier (Actes Sud) et Pinocchio et Robinson (L’Escampette) sont deux textes magistraux sur la lecture et le monde des lecteurs aujourd’hui.
Dans Lira bien qui lira le dernier, Hubert Nyssen écrit une « lettre libertine sur la lecture » à une hypothétique Mademoiselle Esperluette, lectrice idéale. Il s’interroge sur la crise de l’édition et de la librairie, évoque la loi sur le prix unique du livre : « La vraie liberté, c’est la liberté d’accéder à des valeurs qui ont le prix des choses sans prix ». La lecture n’est pas le fait du plus grand nombre ? Normal, répond Hubert Nyssen, « la lecture a toujours été le divertissement des privilégiés de notre espèce, le miel de l’érudit, le recours de quelques solitaires, et elle n’a connu de grandes passions collectives que chez ceux que la guerre ou l’oppression avaient jetés vers elle comme un ultime recours. En un mot, comme en cent, la lecture, à l’image de l’écriture, ne peut être qu’une manifestation d’égotisme ou un acte de rébellion ». Pour lui, la fameuse crise de la lecture n’est que le résultat des lacunes accumulées, qui empêchent un grand nombre d’individus de pouvoir accéder au texte littéraire. Preuve en est que les enfants dont les parents lisaient lisent eux aussi à l’âge adulte (cf. Pratiques culturelles des Français, Olivier Donnat). Et, à ceux qui rétorquent que la lecture régresse aujourd’hui parce qu’on manque de temps, Hubert Nyssen leur cloue le bec : « De toute manière, le temps, et en particulier, le temps de lire, dites-vous bien qu’on ne le trouve pas, on ne le trouve jamais qui, tout à coup disponible, vous attendrait. Le temps, ça se prend ou ça se perd. Si vous voulez en disposer, vous ne pouvez que l’attraper, le choper, le ravir. C’est un choix à faire dans les priorités que vous donnez. Oui, voilà bien une autre des conditions dont l’avenir de la lecture dépend : l’attitude à l’endroit du temps ». Le problème du temps n’est pas nouveau si l’on en croit Schopenhauer : « Acheter des livres serait une bonne chose si l’on pouvait simultanément acheter le temps de les lire. Mais de façon générale on confond l’achat d’un livre avec l’appropriation de son contenu ». Interrogé un jour pour savoir comment il faisait pour accomplir tant de choses, Jean-Claude Carrière a répondu : « Je les fais lentement ».
Pinocchio et Robinson, d’Alberto Manguel porte le sous-titre « pour une éthique de la lecture ». Cet essai est composé de trois courts textes. Dans le premier, reprenant l’histoire de Collodi, Alberto Manguel rappelle que le livre a toujours été un objet de méfiance. Les régimes autoritaires ont d’ailleurs toujours commencé par interdire un certain nombre de livres, ce qui prouve bien le pouvoir de cette petite chose de carton et de papier. Pour Alberto Manguel, le livre est synonyme de liberté mais il est aussi signe d’exclusion. Un enfant ou un adulte qui lit est souvent taxé d’intello et mis à l’écart par les non lecteurs. Manguel attribue cela à la différence d’appréhender le langage par les lecteurs et les non-lecteurs. Pour les non-lecteurs, le langage est un simple outil de communication et il reste à la « surface de la réflexion ». Pour le lecteur, au contraire, permet une véritable réflexion sur soi et sur le monde. Il permet « d’explorer en profondeur et non pas seulement en surface l’intuition d’une révélation ». Les non-lecteurs ne sont pas seuls responsables de cette situation, leurs maîtres et enseignants ont commis l’erreur de se poser en « figures magistrales », intéressées par la seule « apparence académique de l’enseignement ». Ils ont ainsi asséné des règles, sans penser à donner le goût de la chose imprimée. C’est regrettable car ils privent un grand nombre de petits Pinocchio d’une propension à l’extraordinaire richesse de l’imaginaire. Et Manguel de conclure « qu’en fin de compte toute crise de la société est une crise de l’imagination ». Le deuxième texte, intitulé La bibliothèque de Robinson, est une réflexion sur le caractère éphémère de World Wide Web qui, pour Manguel, ne représente qu’un outil, mais ne pourra jamais remplacer le livre lui-même. Il commence par rappeler que le Web n’est pas un outil aussi universel qu’on veut bien nous le laisser penser. Seules les sociétés riches y ont accès. D’autre part, la fragilité des supports informatiques représente un danger pour notre mémoire collective. Des textes anciens ont été numérisés, puis perdus parce qu’on ne disposait plus des lecteurs de disquettes devenus entre temps obsolètes. Si le Web est synonyme de rapidité, il est aussi très provisoire alors que les papyrus des Egyptiens, eux, sont toujours là…Le fond du problème, pour Alberto Manguel, est que, si nous sommes une société qui lit, « nous ne sommes pas une société lettrée. Notre société accepte le livre à la manière d’un prêt-à-porter, bien qu’un peu désuet. Mais l’acte de lire, que l’on considérait naguère comme honorable et prestigieux, sinon comme dangereux et subversif, est désormais toléré de manière condescendante à titre de passe-temps trop lent, qui manque d’efficacité et ne contribue pas au bien commun ». Malheureusement, aujourd’hui, la lecture est devenue un « geste accessoire », déplore Alberto Manguel. Son troisième texte est donc une énumération de ce qui constituerait un lecteur idéal. Et tout de même de revenir dans la réalité pour conclure que « la littérature dépend, non de lecteurs idéaux, mais de bons lecteurs ».
A vos livres !

La divine librairie

A voir absolument sur Cuture et TIC (note la plus matinale du 13 janvier), la divine librairie El Ateneo de Buenos Aires, construite dans un ancien cinéma. Un magnifique temple de la lecture, à faire pâlir d’envie bibliophiles, biliomanes et autres bibliolâtres !

« Histoire du livre »

Alain Labarre, Que sais-je, 1970, réédité en 2005.

« Ensemble de feuilles imprimées et réunies en un volume broché ou relié » selon Larousse, mais également tablettes d’argile, papyrus, rouleaux (volumina) et même machine électronique, le livre est protéiforme. Cette Histoire du livre conte ces multiples apparences à travers les âges. Bois, os, tissu, argile, tous les supports ont contribué au développement de l’objet livre, les plus nombreux que nous possédions étant en papyrus et parchemin. Le premier, sous la forme de rouleaux, a progressivement été remplacé par le codex, plus maniable. Alain Labarre évoque ensuite la Grèce classique, et bien sûr la fameuse bibliothèque d’Alexandrie (IIIe siècle avant JC), avant de s’intéresser à Rome. Plus proche de nous, la période monastique a beaucoup contribué au développement des bibliothèques, les bénédictins accordant une place importante au travail intellectuel. C’est le moment où apparaissent les scriptoria, ces salles réservées à la copie et à l’enluminure. Le XIIIe siècle sera propice à une période plus laïque où nombre de livres seront acquis par les universités. Avec l’avènement de l’imprimerie (vers 1450), la production de livres connaît un essor sans précédent. Les polices de caractères se multiplient ; Aldo Manuce, entre autres, invente l’italique. Désormais, le succès du livre ne se dément pas, instrument de diffusion, de contestation, il est l’objet de passions, entre privilèges, censure et droit d’auteur. Alain Labarre consacre ensuite un chapitre au livre dans l’Europe du XVIIe siècle avant d’évoquer le développement de la presse, concomitant à celui du livre. Le dernier chapitre se penche sur le livre moderne, apparu au XIXe siècle grâce à l’invention de nouvelles pâtes à papier, moins coûteuses. L’édition se développe, la littérature jeunesse voit le jour. Enfin, à propos de notre époque, l’auteur ne manque pas de remarquer l’inquiétante concentration de l’édition.

De l’évolution des bibliothèques municipales

« Un dimanche après la messe, j’avais douze ans, avec mon père j’ai monté le grand escalier de la mairie. On a cherché la porte de la bibliothèque municipale. Jamais nous n’y étions allés. Je m’en faisais une fête. On n’entendait aucun bruit derrière la porte. Mon père l’a poussée, toutefois. C’était silencieux, plus encore qu’à l’église, le parquet craquait et surtout cette odeur étrange, vieille. Deux hommes nous regardaient venir depuis un comptoir très haut barrant l’accès aux rayons. Mon père m’a laissé demander : « On voudrait emprunter des livres. » L’un des hommes aussitôt : « Qu’est-ce que vous voulez comme livres ? » A la maison, on n’avait pas pensé qu’il fallait savoir d’avance ce qu’on voulait, être capable de citer des titres aussi facilement que des marques de biscuits. On a choisi à notre place, Colomba pour moi, un roman léger pour mon père. Nous ne sommes pas retournés à la bibliothèque. C’est ma mère qui a dû rendre les livres, peut-être, avec du retard. »

Annie Ernaux, La Place, Gallimard, 1983.

« Les biblothèques municipales »

Anne-Marie Bertrand, Editions du Cercle de la librairie.

Un ouvrage complet et précis écrit par l’auteur de Les bibliothèques (La Découverte, Repères). Le livre débute sur l’histoire des bibliothèques municipales avant de s’intéresser à leur développement actuel. L’ouverture au grand public, la modernisation des locaux et des matériels, l’apparition de nouveaux supports de documents ont amorcé des changements importants dans les bibliothèques, changments que les bibliothèques d’aujourd’hui se doivent d’assumer et de pérenniser. Par ailleurs, la place de la bibliothèque dans la vie culturelle de la ville est évoquée. Anne-Marie Bretrand évalue ensuite les objectifs des bibliothèques dans une triangulation public, bibliothéconomie, élus. Les différents partenaires des bibliothèques dans les institutions publiques sont également étudiés. Elle consacre l’avant-dernier chapitre aux débats qui agitent le petit monde des bibliothèques comme, entre autres, le droit de prêt et les TIC. Enfin, dans le dernier chapitre intitulé « Enjeux », l’auteur quitte sa posture d’analyste pour livrer une réflexion plus personnelle. Anne-Marie Bertrand se penche notamment sur le « culturellement correct » et sur la diversité culturelle. Très documentée, cette dernière partie abonde de citations intéressantes. Pointant des sujets délicats, culture de masse, censure, individualisme, Anne-Marie Bertrand ne prétend pas apporter des réponses mais a la perspicacité de poser les bonnes questions.

« Les bibliothèques universitaires »

Que sais-je de Jean-Pierre Casseyre et Catherine Gaillard, 1996.
Ce Que sais-je déjà ancien surtout pour les chiffres) dresse néanmoins une vision exhaustive des BU. L’ouvrage s’ouvre sur un rappel historique de la situation de ces bibliothèques avant 1968, date de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur. En 1985 sont créés les SCD (Services Communs de Documentation) qui posent les jalons de l’organisation administrative que nous connaissons aujourd’hui. En 1989, le CSB (Conseil Supérieur des Bibliothèques) voit le jour. La deuxième partie du livre est consacrée à la variété des fonds des BU, aux différents types d’acquisition et aux organismes acquéreurs. Un chapitre évoque l’informatisation de ces bibliothèques dans les années 1970-80. Les systèmes de prêt (dont le PEB) sont également étudiés, après quoi les auteurs se penchent sur les budgets et sur les différents personnels, avant d’évoquer dans une dernière partie le cas des BGE (Bibliothèque des Grands Etablissements).
Pépites (1) : un glossaire des sigle couramment utilisés dans le monde des bibliothèque (très utile) et un répertoire des BU et SCD.
Bémol : aucune mention n’est faite du rapport Pingaud-Barreau, pourtant si important puisqu’on en suit encore les grandes lignes.
(1) en chocolat puisque Pâques approche…

Travailler en bibliothèque ?

Pourquoi vouloir passer de tels concours, alors que le nombre de postes ne cesse de s’étioler ? Tout d’abord parce que je suis bibliophile, bibliomane et bibliolâtre… Ensuite parce que je ne conçois pas mon activité professionnelle loin des livres. C’est pour cette raison que j’ai fait lettres, contre vents et marées (même si ça ne débouche, me répète-t-on, sur aucun métier bien payé !). Un temps, j’ai pensé à l’enseignement mais le français dans le secondaire est aujourd’hui tellement loin de la littérature que j’y ai renoncé. Selon certains, la situation n’est pas non plus idyllique en bibliothèque. Certes, mais personne ne contraint les usagers à franchir le seuil des salles de lecture.

Et puis, j’ai vu la Bibliothèque nationale du Vanuatu. Dans une rue de Port-Vila, la capitale, j’ai remarqué le panneau « Bibliothèque nationale ». Pour une fois, ma curiosité l’a emporté sur ma timidité et j’ai passé la tête. La Bibliothèque nationale du Vanuatu n’était pas plus grande que le CDI de mon ancien collège, les livres y étaient très vieux et défraîchis. Et pourtant, ceux qui travaillaient là étaient incroyablement silencieux. Ils étudiaient avec acharnement, comme s’ils avaient conscience de leur chance d’avoir accès aux livres, fussent-ils anciens, comme s’ils espéraient par leur travail sortir ce pays de sa misère. Ces usagers-là, j’y pense souvent. Grâce à eux, je me dis que vivre dans les livres pour offrir aux autres la possibilité de les consulter est une chance.

Utopique ? Sans doute, mais tout néophyte conçoit une part de rêve.

« La sagesse du bibliothécaire »

Michel Melot, L’œil neuf.

Dans ce tout petit ouvrage, l’ancien directeur de la BPI, qui fut aussi président de feu le conseil supérieur des bibliothèques, relate avec élégance les différentes facettes du métier de bibliothécaire. En premier lieu, il justifie ce titre mystérieux, La sagesse du bibliothécaire. Ce dernier est en effet nécessairement sage dans la mesure où il lui est impossible d’avoir lu tous les ouvrages de ses collections. Loin d’être anéanti par cette incapacité, le bibliothécaire en tire au contraire ce qui constitue l’essence même de son métier. S’il ne lit pas le livre, il le connaît néanmoins intimement et saura auquel de ses lecteurs le proposer. En effet, l’art du bibliothécaire est de procéder à un examen attentif du livre afin d’apprécier le nouveau venu, lecteur comme livre. Le bibliothécaire est, en quelque sorte, un chef d’orchestre qui, s’il ne joue pas de tous les instruments, en possède une connaissance extrêmement approfondie. Ainsi, sa collection est conçue comme une « symphonie », elle possède une unité et une harmonie. En ce sens, le bibliothécaire est lui-même un véritable « auteur ». Michel Melot s’intéresse également à l’évolution du métier, qui ne l’inquiète pas outre mesure. En effet, si les supports évoluent, il faudra encore classer les documents, les prêter et les conseiller. Après avoir décrit l’architecture de certaines grandes bibliothèques, après s’être attardé sur les différents types de lecteurs, l’auteur rend hommage aux grands bibliothécaires : Callimaque, Borges, pour ne citer qu’eux.
Le livre d’un amoureux du métier qui donne vraiment envie de faire partie du monde du livre, surtout quand on le lit, comme je l’ai fait, confortablement installée dans une chauffeuse située au cœur des rayonnages fournis de la bibliothèque municipale…

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