Liber, libri, m. : livre

Bibliothéconomie & Cie. - Dir. publ. et réd. en chef Cécile Arènes. - Paris : [s. n.], 2006 - ... .

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Une après-midi dans une bibliothèque associative

Faute de pouvoir effectuer un stage, j’ai proposé mes services à une petite bibliothèque associative. Passé un premier moment d’étonnement – « Les jeunes de votre âge, d’habitude, ils veulent être payés » – les responsables ont accepté avec plaisir. Cette activité me permet d’occuper le temps dont je disposais mais aussi, et surtout, de servir à quelque chose. Car il n’y a rien de pire que ce sentiment d’être inutile. De plus, après avoir assimilé – j’espère – mes cours par correspondance et lu un certain nombre – et même un nombre certain – de livres sur le métier, il me semblait primordial de mettre en pratique les connaissances acquises.
Lors de mon premier passage à la bibliothèque, j’y ai recueilli quelques informations relatives au fonctionnement. Pas informatisée, avec des annexes dans plusieurs sites ruraux. Participant par la suite à l’équipement des ouvrages, j’ai pu voir un fonctionnement « à l’ancienne ». Toutes les fiches sont faites à la main, de même que les cotes. Les ouvrages sont renforcés par une reliure maison – cousus puis renforcés par une page de garde –. Des fiches auteur, des fiches titre, des fiches systématiques, des fiches de circulation – puisque la bibliothèque centrale fait finalement du PEB –. Un système simple et clair qui convient bien aux lecteurs. Ces derniers, souvent âgés, viennent surtout parce qu’ils entretiennent un contact étroit avec les responsables des différents sites. L’équipe de bénévoles se compose exclusivement de retraités – et pas forcément jeunes – d’un dynamisme impressionnant. Ils estampillent, couvrent, cotent, et cataloguent avec rapidité et méthode. Seul bémol, le nombre d’usagers en baisse, à leur grand désarroi. Hé oui, me disent-ils, nos lecteurs âgés qui décèdent ne sont plus remplacés par des jeunes…

Bestiaire

Les récents propos du PDG d’une grosse maison d’édition – à savoir qu’il a « trop de petits éditeurs » et qu’ils « encombrent les rayons des librairies » – ont ému le petit monde du livre. Antoine Gallimard, à qui des organes de presse peu scrupuleux, avaient également attribué ces propos s’en est défendu dans le Monde des livres du 31 mars. Il a rappelé que la petite édition a toujours été stimulante pour les grandes maisons et qu’il n’avait cessé d’entretenir avec elles de bons rapports. Pointant le problème essentiel des petites maisons, la diffusion et la distribution, Antoine Gallimard rappelle l’importance de la petite édition pour la vitalité du secteur et défend sa place en librairie. Quelques jours plus tard, le 5 avril, Alberto Manguel a envoyé au Monde une courte lettre où il était question de mésanges et de dodos – voilà mon titre justifié ! –. L’auteur d’Une histoire de la lecture invoquait une légende mauritienne pour commenter les propos contestés.
Les dodos, ces gros oiseaux incapables de voler, aperçurent un jour une île où poussaient d’énormes potirons. Alléchés, ils construisirent un radeau pour s’y rendre et festoyèrent jusqu’à ce qu’il ne restât rien. Sur cette île, vivaient de petites mésanges ; prévoyantes, elles récupérèrent les graines de potiron pour les planter et pour nourrir leurs petits. Une fois repus, les dodos repartirent en radeau mais celui-ci menaça de couler tant ils avaient mangé. Soudain, un dodo aperçut une mésange perchée sur le mât et l’accusa instamment d’être responsable de leur péril. Les dodos se mirent à sauter sur le radeau pour chasser l’intruse qui s’envola en direction de l’île. Ainsi secoué, le radeau coula à pic et les dodos avec.
Conclusion toute personnelle : si les petits éditeurs occupent beaucoup de place sur les rayons des librairies, n’est-ce pas parce que leurs ouvrages s’y vendent bien ? En effet, on a du mal à imaginer que les libraires soient naïfs au point d’encombrer leur rayon de livres invendables. Alors, si certains grands éditeurs craignent la concurrence des petites maisons, n’est-ce pas parce que leurs propres livres ne sont pas à la hauteur ? Mais sans doute n’ai-je, encore une fois, rien compris en termes d’analyse de marketing…

Stage

Lu sur un rapport de jury qu’il était apprécié que les candidats aient effectué un stage, même dans le cadre des concours externes. Une fois les écrits passés, j’ai donc commencé à chercher. Pour ce faire, j’ai rédigé un CV, écrit une lettre de motivation et décroché un entretien dans une bibliothèque municipale. Mais… pas de stage sans convention de stage. Or, impossible d’en obtenir une dans le cadre de l’enseignement à distance. Renseignements pris, il semble que certaines bibliothèques acceptent les stagiaires munis d’une attestation d’assurance les déchargeant de toute responsabilité. Cela reste toutefois exceptionnel. Dans l’attente de ce précieux sésame, j’ai proposé mes services à une petite structure de bénévoles.

Brrr…

Ce n’est malheureusement pas un poisson…

« Le livre est le seul média sans publicité Ce qui est la garantie de l’indépendance de la pensée (la publicité vient au moment de la vente, mais ni de l’écriture, ni de la lecture) … mais avec la numérisation la publicité va faire son entrée entre les pages des livres. »


Hervé Le Crosnier

Sous mon presse-papier printanier

Le Magazine littéraire : dossier sur la francophonie, avec notamment, dans « Les francophones par eux-mêmes », les points de vue de Raphaël Confiant et de Nimrod.
Le Monde des livres : un débat entre Amin Maalouf et un de ses compatriotes sur la notion de francophonie.
Revue des deux mondes : « Saint-John Perse diplomate » et un fort sympathique « Avignon 2005 : l’été zéro de l’Occidental premier ». Et bien sûr le très agéable journal littéraire de Michel Crépu.
Esprit : numéro double sur Paul Ricœur dont la lecture est réservée au mois prochain.
La Quinzaine littéraire a sorti un numéro anniversaire.
Courrier international : un entretien avec Umberto Eco qui voit le monde aller à reculons.

« La bibliothèque hors les murs »

Claudie Tabet, Editions du Cercle de la librairie, 2004.

Je n’ai pas apprécié le style de l’auteur, ce qui a peut-être influencé ma lecture. De plus, les thèmes évoqués ne m’étaient pas inconnus. Lecture à l’hôpital, en prison, en milieu rural, en ville, dans les quartiers défavorisés sont étudiés par Claudie Tabet. Les écrivains en résidence, les librairies itinérantes et plusieurs autres projets sont également consignés dans ce livre qui s’adresse finalement plus à des élus soucieux de la lecture qu’à un étudiant qui prépare le concours. Toutefois, sa lecture n’est pas inutile car elle a le mérite de revenir sur le problème de l’illettrisme qui, à lui seul, justifie de nombreux partenariats des bibliothèques.

« Les bibliothèques dans la chaîne du livre »

Sous la direction d’Emmanuèle Payen, Editions du cercle de la librairie, 2004.

Un excellent ouvrage qui envisage le livre depuis sa maturation dans l’esprit d’un auteur jusqu’à son achat ou son emprunt par le lecteur. Une vision exhaustive du monde du livre qui permet d’apprécier les multiples facettes des métiers du livre. L’ouvrage s’ouvre sur une approche sociologique des lecteurs et des auteurs d’aujourd’hui avant d’étudier les aspects commerciaux du monde du livre, à savoir édition, librairie et édition électronique. Les bibliothèques dans la chaîne du livre évoque par ailleurs le secteur de la diffusion et de la distribution du livre et les nombreuses concentrations dans le domaine de l’édition. La dernière partie du livre est consacrée aux bibliothèques face à tous les aspects du monde du livre. Le chapitre « La bibliothèque et l’œuvre, entre savoir et création » d’Emmanuèle Payen se révèle de haute volée. Nourri de citations, ce chapitre entend « montrer ce qui, derrière l’amoncellement du savoir et la stratification des informations, révèle éternellement du vivant, et permet à nos établissements d’être à l’antithèse des représentations passéistes dont on les a longtemps affublés » (p.150). L’intertextualité dont parlent les critiques littéraires doit finalement beaucoup aux bibliothèques… Dans le chapitre suivant sont étudiées les relations entre bibliothèques et petite édition. Ensuite, l’ouvrage envisage la place des bibliothèques dans le marché des livres avant d’évoquer les droits d’auteur et les droits de prêt. Le propos se clôt sur le rôle des bibliothèques éditrices et sur la question de la numérisation des œuvres. Les bibliothèques dans la chaîne du livre amorce une réflexion très pertinente sur nombre de sujets épineux pour les bibliothèques d’aujourd’hui, cela sur fond de crise du livre. Crise ou pas, ce livre a le mérite de justifier le rôle des bibliothèques dans la société : un ouvrage indispensable, me semble-t-il.

Industrie culturelle

Le titre de ce billet est volontiers oxymorique pour exprimer le paradoxe qu’il y a à gagner de l’argent avec ce qui lui est précisément antinomique, les œuvres de l’esprit. A ce titre, il est intéressant de se pencher sur le monde des livres…
Les textes d’André Schiffrin et de Jean-Noël Jeanneney dépeignent une situation consternante dont la concentration, le quantitatif et le rentable sont les maîtres mots (maux ?).
Dans Quand Google défie l’Europe (1), Jean-Noël Jeanneney, le président de la BnF, défend l’idée d’une bilbliothèque numérique européenne en réponse au projet Google Print (2). Au départ, on peut croire à un sursaut d’antiaméricanisme. Il n’en est rien. Ce qui inquiète Jean-Noël Jeanneney, c’est qu’une entreprise à but lucratif se charge de diffuser ce qui ressortit à la culture. En effet, comment seront classées les œuvres numérisées ? De la plus « bancable » à la moins rentable ? De celle qui a suscité le plus de produits dérivés à celle qui ne sera pas commercialement intéressante ? C’est pour cette raison que le président de la BnF trouve qu’il est urgent de mettre en place une bibliothèque numérique européenne, comme cela existe déjà en France avec Gallica. D’une part, la BNUE est primordiale pour protéger les œuvres du tout commercial mais également pour faire connaître les plus confidentielles d’entre elles. D’autre part, une numérisation publique préservera les droits des auteurs, que Google a d’ores et déjà malmenés. Enfin, un projet public serait à l’abri des risques du marché car, si Google faisait faillite, que deviendraient les titres numérisés ?
Le propos d’André Schiffrin, lui, concerne le monde de l’édition. Dans un premier opus, L’édition sans éditeurs (3), il décrit la concentration de l’édition américaine. De grands groupes financiers ont racheté les petites maisons, les ont vampirisées et abandonnées exsangues, pour se lancer dans la course aux best-sellers car, disent-ils, « il faut être rentable sur chaque titre ». Ils font exclusivement du quantitatif, jamais plus de qualitatif. Pratiques vraiment déplorables car, si tous les éditeurs avaient eu une logique de comptable, nous n’aurions jamais connu Stendhal, ni Flaubert, et encore moins Kafka… Sans tomber dans l’angélisme de l’édition philanthrope, on peut néanmoins rappeler que les bonnes maisons d’antan se satisfaisaient de 4 % de bénéfice (Gallimard en fait à peine 3 %) et qu’elles se servaient de quelques gros succès pour financer des titres plus audacieux, souvent longs à trouver leur public. Aujourd’hui, les grands groupes demandent 15 % de bénéfices. De fait, l’on assiste à une diminution du nombre de titres et à une augmentation du tirage. Et c’est ainsi que l’on voit apparaître les mémoires de la femme de ménage du mannequin X ou encore les aventures du secrétaire de l’acteur Y. Dans un second opus, Le contrôle de la parole (3), André Schiffrin se penche sur la situation éditoriale et sur la presse françaises. Nous n’avons rien à envier à nos voisins d’Outre-Atlantique. Les trois-quarts des maisons d’éditions, comme les journaux d’ailleurs, sont détenus par de grands groupes. Là encore, rachat de petites maisons, pillage de catalogues, etc., etc. Le plus inquiétant est que la majorité de la diffusion et de la distribution est assuré par les mêmes grands groupes. Comment, dès lors, pour les petits éditeurs, parvenir à se faire connaître du public ? Car, s’ils n’y arrivent pas, ils perdent de l’argent et les géants s’empressent de les avaler…
Bref, trois textes inquiétants mais vraiment édifiants.

(1) éd. Mille et une nuits, 2005. (4)
(2) Au sujet de ce projet, voir aussi le Figoblog et, surtout, ne pas manquer de lire les propos du grand Alberto Manguel à ce sujet.
(3) Les textes d’André Schiffrin (1999 et 2005) sont publiés chez un petit éditeur indépendant, La Fabrique. (4)
(4) Note de la note : et ils ne sont pas très chers ! (5)
(5) Note de la note de la note : et pour mieux vous convaincre de lire André Schiffrin, je vous signale que plusieurs de ces nouveaux gros éditeurs se targuent de ne jamais lire de livres, ni de pousser la porte d’une librairie car, disent-ils, ils sont bien trop occupés pour le faire. Damned !

De l’avenir du livre

« Le livre a perdu son monopole un peu comme le chemin de fer. Mais regardez ce qui se passe pour ce dernier. On aurait pu imaginer que l’avion, l’automobile entraîneraient sa disparition. Il n’en est rien. A côté de l’encombrement des routes, les trains permettent d’arriver à l’heure… Les ondes ne sont pas moins encombrées que les routes. Autrefois, les gens souffraient d’une pénurie d’information, aujourd’hui, c’est l’inverse… La chose imprimée reste indispensable pour qui veut être responsable de son information, avoir une attitude de la culture. Dans ce monde baigné d’ondes et d’images, le livre présente un effort personnel et salutaire. »
Louis Armand, au festival de Nice de 1969, in Alain Labarre, Histoire du livre, Paris, PUF, Que sais-je ?, 2005.
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