Citations

L’intelligence de la vie a mis en nous une cadence que la vitesse a changée. Parce que nous ne voulons pas renoncer à la frénésie, nous nous dotons d’instruments supplémentaires pour la supporter. Et nous voici prolongés de téléphones et d’ordinateurs portables, appendices censés nous faciliter les choses, eux qui nous tiennent par le nombre fou de messages à traiter ou par leur incessante obsolescence. Car nous sommes dans le mythe d’un toujours plus indéfini, sans jamais pouvoir atteindre une satisfaction que nous plaçons de plus en plus haut. Il ne faut pas confondre aptitudes et intelligence. Ce que nous savons faire ne mérite pas toujours d’être fait.

La littérature, comme l’art tout entier, est la preuve que la vie ne suffit pas.

Antonio Tabucchi, citant Pessoa. Relevé dans la Quinzaine littéraire du 16 au 31 juillet 2010

Si je dis écriture, certains vont pouvoir dire que c’est un peu facile, mais en même temps, pas tant que ça. Pour moi, l’un est vraiment lié à l’autre. Il n’y a pas de lecture sans écriture, le web le fait encore plus resurgir, mais je pense que ça toujours été ça. Il n’y a pas de lecture sans appropriation et l’appropriation passe souvent par l’écriture. Il n’y a pas de lecture sans compréhension, sans qu’on fasse quelque chose des mots de l’autre, la manière dont on les pense, la manière dont on se les approprie. La lecture déclenche l’écriture, que ce soit de choses juste pour comprendre ce qu’on a lu, que ce soit pour aller plus loin, faire soi-même de la littérature, mais pour moi il n’y a pas de lecture sans écriture, les deux vont vraiment ensemble.

Hubert Guillaud, dans un entretien sur Mélico

Les combats ne sont plus les mêmes. On est entré dans l’ère des médias. Les choix de l’éditeur portent moins sur des manuscrits que sur des projets suscités en fonction de leur capacité médiatique. C’est le temps, surtout, qui n’est plus le même. Le métier tel que je le pratiquais consistait à donner du temps à l’oeuvre, à l’auteur. Plus il raccourcit, plus on fait de l’édition quelque chose qui ressemble à la presse, qui a l’air d’être le même métier et qui n’a plus le même visage.

Robert Laffont, cité dans la nécro du Monde daté du 21 mai 2010

A un point donné de la lecture, l’œil s’écarte du texte, de la phrase, du mot, de la lettre, et, aussi bien, du livre, de la page, de la ligne ; il fuit le blanc de la page et se fixe ailleurs ; en retour, muettement ou par des annotations, les “fruits de la médiation” sont réinjectés dans la lecture qui reprend.

Alain Giffard, Is Google… ?

Je crois que les bibliothécaires ont pris conscience qu’ils ne détenaient plus le monopole de la diffusion de la connaissance et qu’ils avaient tout à gagner à s’ouvrir sur le monde. C’est sans doute un topos que de dire cela, mais Internet représente une chance inouïe pour les bibliothèques : elles doivent juste comprendre ce qu’elles peuvent en faire et apprendre à en tirer le meilleur.

Nous vivons une époque où il ne semble plus nécessaire d’apprendre pour savoir et, à l’instar de nombreuses autres actions où l’improvisation irresponsable est la loi – elle se trouve dans toutes les expressions artistiques -, Internet est le lieu où la plus totale ignorance est présentée comme un exemple à suivre. On est en train de mythifier Internet.

José Saramago, Le Magazine littéraire, mars 2010, n° 495