Bibliothéconomie & Cie. - Dir. publ. et réd. en chef Cécile Arènes. - Paris : [s. n.], 2006 - ... .

Auteur/autrice : Cécile Arènes (Page 39 of 42)

Le papier

S’il n’avait pas été inventé, je n’aurais pas de raison d’exister, moi qui dévore des pages et des pages. Car, au commencement des bibliothèques et de l’activité de lecture en général, est le papier. Et, bien que les temps soient plutôt à l’immatérialité du support, c’est encore sur lui que reposent beaucoup de collections. Inventé au IIIe siècle en Chine, il a été utilisé par les Arabes dès le VIIe siècle (cf. les splendides manuscrits à l’exposition « Les sciences arabes », Institut du monde arabe, si elle ne s’est pas achevée). En Europe, le papier n’est apparu qu’au XIIIe siècle et il a sonné le glas du parchemin, abondamment employé auparavant. C’est au XIXe siècle que la production de papier s’est considérablement accrue – ce qui a permis un développement sans précédent de la presse. En effet, c’est à cette époque-là qu’ont été inventées des pâtes à papier moins coûteuses. Balzac le décrit d’ailleurs dans la dernière partie d’Illusions perdues, Les souffrances de l’inventeur. David Séchard, ami d’enfance de Lucien de Rubempré et fils d’imprimeur, s’emploie à mettre au point une pâte à papier d’une composition nouvelle.

Le papier, sympathique occasion d’évoquer Illusions perdues, que je tiens pour un des sommets de La Comédie humaine. La deuxième partie du roman, Un grand homme de province à Paris, brosse un tableau des journalistes littéraires et politiques du XIXe siècle. Un régal… Sans doute le saviez-vous déjà mais, quand il s’agit de Balzac, j’ai du mal à modérer mon enthousiasme 🙂

Dernière ligne droite

Révisions pour d’éventuels oraux obligent, les billets de ce blog risquent de se muer ce mois-ci en fiches de synthèse… Mes excuses si cela est rébarbatif… Si le cœur vous en dit, n’hésitez pas à les corriger et les améliorer à travers vos commentaires 😉

Beckett

Le manuscrit de En attendant Godot entre à la BnF, donné par la veuve de Jérôme Lindon. Une bel exemple de mise dans le domaine public. On attend la numérisation avec impatience…

Petit miracle

Un jour qu’étudiant Louise Labé, j’assistais à un cours sur l’Ecole lyonnaise, j’eus la chance d’être le témoin d’un petit miracle. L’enseignante nous donnait force références que nous notions attentivement. Son bureau était encombré de livres dont elle entendait nous lire quelques extraits – Maurice Scève et Pernette du Guillet, pour ne citer qu’eux –. S’y trouvait également une épaisse enveloppe de papier brun dont elle sortit vers la fin de l’heure un volume de Jean de Tournes afin de nous en lire quelques lignes. Je remarquai instamment que l’ouvrage n’avait pas l’air jeune avant d’être de nouveau entraînée par ma frénétique prise de notes. Le cours se termina et l’enseignante s’approcha de notre petit groupe munie du fameux Jean de Tournes. « Comme vous n’êtes pas nombreux, nous dit-elle, j’en profite pour vous montrer cette édition du XVIe siècle. » Et de nous faire apprécier la couverture magnifiquement travaillée, la qualité du papier, la beauté des caractères. Puis, sans plus de cérémonie, de le poser devant nous. « On peut le toucher ? » se hasarda l’un d’entre nous. « Bien sûr », répondit l’enseignante dans un large sourire. Et c’est ainsi que j’ai tenu l’espace de quelques instants un livre vieux de plus de quatre siècles. Il avait dû connaître beaucoup –trop – de guerres, être dissimulé à certaines époques, voyager, peut-être, en Italie, passer dans les mains de nombreux propriétaires (qui se l’étaient légué, dont certains l’avaient perdu, qui sait) et dans celles de beaucoup de lecteurs. L’un d’entre eux l’avait même annoté d’une plume très fine, de quelques mots illisibles. Cet objet de moins d’une livre nous survivrait certainement. Il continuerait à diffuser Jean de Tournes à d’autres générations, sans autre bruit que celui des pages. Ce jour-là, j’ai tenu le livre pour un objet magique. Car ce petit Jean de Tourne, il m’entraîna de l’époque humaniste aux salons du XVIIe puis me fit faire un bout de chemin avec les mondaines de la Belle Epoque, avant que je ne le rende à mon professeur de XVIe. Je sortis de ce cours sur un petit nuage dont je ne suis pas sure d’être redescendue.

Florilège

Dans un colloque à Poitiers en 1992, Yannick Guin, un élu nantais a remarquablement décrit les enjeux des bibliothèques d’aujourd’hui.
« La cité républicaine a pour fin d’assumer la fonction de l’universel. Elle a partie liée nécessairement à l’école et à la bibliothèque, afin de faire accéder tous les petits hommes, quelle que soit leur origine sociale, à l’universalité du savoir. L’enfant est instruit, non pour devenir un excellent consommateur mais pour être en état d’exercer son jugement, afin d’être en mesure d’exercer plus tard ses droits et de remplir ses devoirs de citoyen. »
Il voit même en la bibliothèque « la subversion quotidienne contre les valeurs établies, les situations acquises, les lieux communs, les certitudes admises, la dictature des beaufs, la culture marchande, la censure et les intégrismes de toute nature. »
In La bibliothèque dans la cité, Paris, BPI, 1993.

« La bibliothèque est un espace public qui lutte, à sa manière, contre la domination du marché. »
François de Singly, « L’espace public », in Le musée et la bibliothèque, vrais parents ou faux amis ?, Paris, BPI-Centre Pompidou, 1996.

Sur le métier :
« Curiosité intellectuelle, attention aux mouvements de la création, à la vie des idées, à l’évolution des savoirs, capacité à communiquer, à mettre en relation une demande et une offre : voilà à quoi il faut tendre. »
Dominique Peignet, Le Métier de bibliothécaire, Paris, Edition du Cercle de la Librairie, 2003.

Et un peu de fantaisie :
 » Le bonheur est dans le prêt.  » M. Deguilly

Une après-midi dans une bibliothèque associative

Faute de pouvoir effectuer un stage, j’ai proposé mes services à une petite bibliothèque associative. Passé un premier moment d’étonnement – « Les jeunes de votre âge, d’habitude, ils veulent être payés » – les responsables ont accepté avec plaisir. Cette activité me permet d’occuper le temps dont je disposais mais aussi, et surtout, de servir à quelque chose. Car il n’y a rien de pire que ce sentiment d’être inutile. De plus, après avoir assimilé – j’espère – mes cours par correspondance et lu un certain nombre – et même un nombre certain – de livres sur le métier, il me semblait primordial de mettre en pratique les connaissances acquises.
Lors de mon premier passage à la bibliothèque, j’y ai recueilli quelques informations relatives au fonctionnement. Pas informatisée, avec des annexes dans plusieurs sites ruraux. Participant par la suite à l’équipement des ouvrages, j’ai pu voir un fonctionnement « à l’ancienne ». Toutes les fiches sont faites à la main, de même que les cotes. Les ouvrages sont renforcés par une reliure maison – cousus puis renforcés par une page de garde –. Des fiches auteur, des fiches titre, des fiches systématiques, des fiches de circulation – puisque la bibliothèque centrale fait finalement du PEB –. Un système simple et clair qui convient bien aux lecteurs. Ces derniers, souvent âgés, viennent surtout parce qu’ils entretiennent un contact étroit avec les responsables des différents sites. L’équipe de bénévoles se compose exclusivement de retraités – et pas forcément jeunes – d’un dynamisme impressionnant. Ils estampillent, couvrent, cotent, et cataloguent avec rapidité et méthode. Seul bémol, le nombre d’usagers en baisse, à leur grand désarroi. Hé oui, me disent-ils, nos lecteurs âgés qui décèdent ne sont plus remplacés par des jeunes…

Bestiaire

Les récents propos du PDG d’une grosse maison d’édition – à savoir qu’il a « trop de petits éditeurs » et qu’ils « encombrent les rayons des librairies » – ont ému le petit monde du livre. Antoine Gallimard, à qui des organes de presse peu scrupuleux, avaient également attribué ces propos s’en est défendu dans le Monde des livres du 31 mars. Il a rappelé que la petite édition a toujours été stimulante pour les grandes maisons et qu’il n’avait cessé d’entretenir avec elles de bons rapports. Pointant le problème essentiel des petites maisons, la diffusion et la distribution, Antoine Gallimard rappelle l’importance de la petite édition pour la vitalité du secteur et défend sa place en librairie. Quelques jours plus tard, le 5 avril, Alberto Manguel a envoyé au Monde une courte lettre où il était question de mésanges et de dodos – voilà mon titre justifié ! –. L’auteur d’Une histoire de la lecture invoquait une légende mauritienne pour commenter les propos contestés.
Les dodos, ces gros oiseaux incapables de voler, aperçurent un jour une île où poussaient d’énormes potirons. Alléchés, ils construisirent un radeau pour s’y rendre et festoyèrent jusqu’à ce qu’il ne restât rien. Sur cette île, vivaient de petites mésanges ; prévoyantes, elles récupérèrent les graines de potiron pour les planter et pour nourrir leurs petits. Une fois repus, les dodos repartirent en radeau mais celui-ci menaça de couler tant ils avaient mangé. Soudain, un dodo aperçut une mésange perchée sur le mât et l’accusa instamment d’être responsable de leur péril. Les dodos se mirent à sauter sur le radeau pour chasser l’intruse qui s’envola en direction de l’île. Ainsi secoué, le radeau coula à pic et les dodos avec.
Conclusion toute personnelle : si les petits éditeurs occupent beaucoup de place sur les rayons des librairies, n’est-ce pas parce que leurs ouvrages s’y vendent bien ? En effet, on a du mal à imaginer que les libraires soient naïfs au point d’encombrer leur rayon de livres invendables. Alors, si certains grands éditeurs craignent la concurrence des petites maisons, n’est-ce pas parce que leurs propres livres ne sont pas à la hauteur ? Mais sans doute n’ai-je, encore une fois, rien compris en termes d’analyse de marketing…
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